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Le creux de la vague
Publié dans El Watan le 24 - 07 - 2005

La présence diplomatique de l'Algérie en Irak est « toute symbolique », l'ambassadeur d'Algérie accrédité à Baghdad est basé à Amman, en Jordanie : ce sont là les premiers commentaires officiels à chaud suscités par le rapt des deux diplomates algériens en poste à Baghdad. Les ravisseurs de nos deux diplomates seront-ils sensibles à ces arguments ? On ne peut que le souhaiter.
Personne ne peut reprocher aux autorités algériennes devant cette dure épreuve d'utiliser tous les moyens de persuasion pour toucher le cœur et la raison des auteurs du kidnapping en vue d'obtenir la libération de nos deux diplomates. Mais le message envoyé par les autorités algériennes aux ravisseurs - lesquels ont revendiqué hier via internet dans un communiqué non identifié au nom d'Al Qaîda la prise d'otages -, réduisant la présence diplomatique algérienne à Baghdad à une représentation purement administrative, apparaît comme une riposte mal inspirée, dictée par le souci de prévenir l'irréparable. Les commanditaires qui sont derrière cette opération de rapt ont fait la démonstration qu'ils ne s'encombraient pas des nuances diplomatiques. En s'en prenant à nos diplomates, c'est l'Algérie, sa diplomatie, ses positions sur le conflit irakien qui sont en cause. Des positions qui peuvent paraître conformes au droit et à la légalité internationale pour les autorités algériennes, mais qui sont perçues par les groupes armés irakiens comme un soutien au nouveau régime en place. La prudence observée par la diplomatie algérienne face à ce conflit dans cette phase dite de reconstruction de l'Irak, où elle avait estimé qu'elle ne pouvait pas être absente diplomatiquement dans ce pays avec lequel nous lient des relations fraternelles qui remontent à la guerre de libération nationale, ne semble pas avoir suffi pour être à l'abri des représailles.
L'Algérie est l'un des rares pays arabes à avoir adopté des positions de principe par rapport au conflit irakien, qui nous ont d'ailleurs valu de sérieuses embrouilles avec les pays de la coalition, les Etats-Unis d'Amérique et la Grande-Bretagne, avec lesquels le pays entretient de bonnes relations politiques, économiques et commerciales.
L'Algérie n'a de cesse de rappeler en effet dans tous les forums internationaux la nécessité du respect de la souveraineté de l'Irak, qui implique le départ des troupes étrangères et l'implication de toutes les communautés irakiennes dans la vie institutionnelle. C'est ce qu'exigent, par d'autres moyens, par le recours à la violence, les groupes armés. Pourquoi alors l'Algérie a-t-elle été ciblée par les activistes irakiens et pourquoi maintenant ? Cherche-t-on à travers ce rapt à faire payer à l'Etat algérien son geste politique d'avoir consenti à ouvrir une représentation diplomatique même avec un statut « symbolique » et avec des missions administratives en dépit des menaces proférées contre les représentations diplomatiques à Baghdad et particulièrement arabes pour quitter la capitale irakienne ? La liquidation, il y a quelques jours, du diplomate égyptien enlevé à Baghdad se voulait à cet égard un avertissement à l'adresse des dirigeants arabes. L'autre hypothèse qui pourrait expliquer le rapt des deux diplomates algériens pourrait ne pas avoir de lien dialectique avec les positions de l'Algérie par rapport à la crise irakienne. Elle pourrait trouver son origine dans la tragédie algérienne et l'interconnexion entre les réseaux terroristes d'Al Qaîda, auxquels le GSPC algérien a prêté allégeance pour frapper l'Algérie au cœur, dans sa diplomatie. C'est l'hypothèse la plus plausible. Le rapt de nos deux diplomates paraît bien s'inscrire, en effet, dans cette logique de la confrontation à l'écart de laquelle l'Algérie s'est pourtant toujours tenue par rapport à la crise irakienne pour prôner, au contraire, la réconciliation entre les Irakiens et l'arrêt de l'effusion du sang des Irakiens. La voilà aujourd'hui entraînée malgré elle dans l'engrenage de ce conflit, auquel elle n'est mêlée ni de près ni de loin. Les Irakiens qui ont pris les armes contre les forces de l'occupation, lesquelles sont qualifiées par certains de résistants et par d'autres de terroristes, savent cela. C'est la meilleure arme qu'il conviendrait d'opposer aux auteurs de l'enlèvement de nos diplomates pour les ramener à la raison. Tout le reste n'est que littérature. Comme le fait de tenter de convaincre que nous n'avons pas de représentation diplomatique active à Baghdad, alors que le fait d'ouvrir une section diplomatique et de voir flotter l'emblème algérien sur son fronton est déjà un acte politique souverain de l'Etat algérien qu'il faudra avoir le courage d'assumer en toutes circonstances. La diplomatie d'un pays est forte et respectée parce qu'elle est offensive et ferme, même dans les épreuves difficiles. La capacité de négociation de l'Etat algérien, y compris dans ces moments difficiles, en dépend. A force de rechercher des équilibres parfois impossibles à réaliser et de surfer sur la vague, on finit par perdre l'équilibre et sombrer dans le creux de la vague.


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