En quittant la paisible cité de Mohammadia et ses alignements de ficus, rien ne renseigne le visiteur sur le brutal changement qui l'attend. La RN4 qui mène à Sig est bordée de majestueux cyprès qui cachent mal les vergers d'agrumes vieillissant. Sans transition, les dernières senteurs d'orangers s'éclipsent. A hauteur de la petite bourgade de Yalou, c'est un autre paysage qui s'offre au visiteur. Les alignements impeccables d'oliviers de tous âges, s'étalent sans fin, de chaque côté de la route. C'est le territoire de la Sigoise qui commence. Pendant qu'à gauche, se dressent somptueusement des arbres séculaires, sur l'autre bas coté, ce sont des jeunes plants, d'à peine trois années, qui annoncent l'insouciante relève. Le vent chaud qui souffle sur cette plaine adossée aux monts des Chorfas les fait à peine frémir. Encore juvéniles, ces arbustes semblent avoir pour seul souci, d'assurer un profond enracinement dans cette terre d'alluvions qui jouxte les marais de la Macta. La ville de Sig, longtemps ballottée entre Mascara et Oran, s'est agrandie dans tous les sens. Parfois même au détriment d'une oliveraie plus que centenaire. En effet, par endroit, il est loisible au passant d'en caresser les branches, sans quitter sa voiture. Soudain, au détour d'un virage grouillant de monde, s'ouvre un immense boulevard digne d'une métropole européenne. Nous sommes en plein cœur de la cité coloniale avec son vieux marché couvert, sa mairie et sa place centrale d'où se détache l'ancienne poste. Sans que rien ne vienne annoncer que nous sommes dans la cité de l'Olivier, la fluidité de la circulation a vite fait de nous projeter vers la route d'Oran. Nulles traces de ce qui pourrait ressembler à un véritable capharnaüm où l'olive est assaisonnée à toutes les sauces. Le Sigois, étant d'un naturel réservé, a tendance à se garder de toute exubérance. Pourtant la place est considérée, à juste titre, comme étant la plaque tournante d'au moins deux activités économiques majeures. Ordinairement, connue pour avoir donné son nom à la plus prestigieuse olive de consommation, la cité, sans zèle ni ostentation, occupe la très enviable fonction de bourse à la volaille. Pourtant ses 230 confiseurs d'olive dont certains ont plus d'un demi-siècle d'activité dans le domaine, constituent incontestablement, la mémoire de l'oléiculture régionale. Il suffit pour s'en convaincre, d'emprunter n'importe quelle voie perpendiculaire au grand boulevard pour être rassuré sur la principale activité de la cité. Les unités de conditionnement sont partout. Malgré une promiscuité étouffante, il est difficile à un profane de déceler la moindre adversité chez ces professionnels au long cours. Assurés d'être, non seulement, les meilleurs mais également, les plus habiles dans le traitement de l'olive, ils ne prennent plus la peine d'afficher, ouvertement, une quelconque agressivité. Chacun garde, pourtant, très jalousement les petits secrets qui feront la différence. Car contrairement aux idées reçues et malgré les apparences, rien n'est aussi différent d'une olive qu'une autre olive. Chez les 230 traiteurs en activité, chacun y va de sa méthode. A l'arrivée, il y a ce fameux goût qui passe de l'amertume assumée au salé le plus délicieux. Celui qui vous transforme une banale saumure en une douce vinaigrette. Un seul regret. Son prix ne cesse de grimper. Achetée aux producteurs entre 50 et 70 DA, elle n'est accessible qu'à partir de 180 DA. La dernière récolte ayant été, de l'avis unanime des confiseurs, l'une des plus médiocres des 20 dernières années, ils seront nombreux à pronostiquer une tension, Notamment, durant le Ramadhan.