Ce n'est plus des barbus arborant une tenue traditionnelle et voulant coûte que coûte se faire repérer qu'ont à affronter les services de sécurité aujourd'hui. Les attentats de Londres du 7 juillet dernier l'ont entièrement prouvé. C'est plutôt des individus totalement ordinaires dans leur apparence et même dans leur train de vie quotidien. « Le Royaume-Uni venait de vivre, pour le pire, une première : des attaques terroristes, venues de l'intérieur, œuvre de jeunes Britanniques, nés et grandi ici, bien intégrés dans la communauté pakistanaise, à laquelle appartiennent leurs familles », écrivait Le Monde dans sa livraison de samedi dernier. Tout le travail de profilage des terroristes dressé ces dernières années, notamment depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, est désormais remis en cause au niveau des services de renseignements occidentaux. La preuve en est que, depuis cette date, deux pays importants, symboles d'une expérience établie contre le terrorisme, ont été ébranlés. L'Espagne dans sa lutte contre l'ETA (basque) et la Grande-Bretagne contre l'IRA (irlandaise). Mais cela ne les a pas pour autant préservés contre des attaques meurtrières. Tant il est vrai que leurs services ont été laxistes envers des individus qui étaient fichés « passifs pour le moment », mais aussi et surtout parce que l'on place les terroristes actifs dans des canevas totalement erronés. « L'effet de surprise et le choc ressenti par les autorités et l'opinion (britannique) sont à la mesure du caractère inédit de l'événement. Ceci expliquant cela, les quatre terroristes de banlieue avaient échappé à toutes les écoutes téléphoniques. Aucun courrier électronique, aucune rumeur rapportée par les informateurs à la solde du MI 5, le service de sécurité intérieure, n'avaient attiré la moindre attention sur la conspiration ourdie par ces inconnus dans tous les fichiers du royaume », explique encore Le Monde. Un spécialiste mal connu, en l'occurrence Ronald Crelinsten, professeur chercheur dans les questions terroristes, apporte plus d'éclairage. « Prenons l'exemple des attentats-suicides. Leurs auteurs sont en général catalogués de solitaires, de jeunes perdants sans éducation pour qui la vie n'a pas grande signification. » Or, ajoute-t-il, « pourtant, le profil des kamikazes responsables des attentats contre les Etats-Unis s'avère très différent. Nombre d'entre eux étaient plus âgés, dans la trentaine ou la quarantaine, ils étaient mariés, avaient des enfants et ils habitaient de jolies maisons de la classe moyenne ». Crelinsten précise : « Ce n'était pas des perdants, c'était au contraire des gars compétents et instruits. C'est inquiétant, mais cela rappelle le profil de nombreux tortionnaires qui sont souvent capables de séparer leur vie ordinaire et familiale de leur extraordinaire vie professionnelle. » Ce que Le Monde confirme en écrivant : « Que certains des terroristes (de Londres) aient, ou non, eu des contacts à l'étranger, l'essentiel est qu'ils se sont radicalisés en Grande-Bretagne même. Ces fantassins d'un terrorisme franchisé, sans lien nécessaire avec Al Qaîda, menant une vie familiale normale, entre le travail, le sport et la mosquée, ne correspondent pas au profil des islamistes arrêtés et jugés ces dernières années en Grande-Bretagne, le plus souvent d'origine algérienne. » De son côté, Crelinsten apporte une vérité de taille dans le contexte actuel. « Les terroristes ont franchi le seuil qui sépare en apparence un acte isolé d'un acte de guerre, et cette situation crée de sérieux problèmes pour tout le monde, les élus, les analystes stratégiques et les touristes qui souhaitent simplement pouvoir prendre l'avion sans craindre pour leur vie », révélera-t-il. Cet expert et analyste ne manque pas de signaler une importante chose. C'est quand il avance avec une grande prémonition : « Comme la population réclame une plus grande sécurité, de la même façon d'autres droits et libertés pourraient être sacrifiés ou du moins compromis. De plus, les demandes de représailles rapides pourraient donner lieu à une intervention militaire hâtive qui n'atteindra pas les factions terroristes, fera d'innocentes victimes parmi les civils et exacerbera les sentiments d'hostilité envers l'Ouest. »