L'attentat manqué fin décembre 2009 du vol américain 253 reliant Amsterdam à Detroit, au même moment que l'attentat commis contre la station permanente de la CIA en Afghanistan, et des actes de piraterie qui semblent évoluer progressivement en terrorisme maritime nous amènent à nous interroger sur cette forme nouvelle de terrorisme, celle de troisième génération. La vague d'attentats commis à l'échelle mondiale depuis celui des Twin Tower le 11 septembre 2001, de Madrid le 9 mars 2004, de Londres les 7 et 21 juillet 2005, de Charm El Cheikh le 25 juillet 2005, et d'autres avortés tels que l'attaque à la ricin programmée dans le métro de Londres, le mystère qui a entouré l'empoisonnement au polonium 2010, en novembre 2006 à Londres, de l'ex-colonel du FSB Alexandre Litvinenko ont remis sur la scène le phénomène du terrorisme international. Sur le plan tactique, les actions terroristes menées actuellement par Al-Qaïda à travers des réseaux au Yémen, en Somalie, au Maghreb et dans les Etats sahélo-sahéliens apparaîtraient comme une incitation à la guerre. Elles représentent une stratégie de pression exercée contre les Etats que cette organisation criminelle considère comme ennemis. Le but n'est ni de les conquérir ni de les vaincre mais plutôt de les amener à adopter un certain comportement. Aujourd'hui, Al-Qaïda a besoin de financer ses campagnes et actions pour poursuivre ses objectifs guerriers. À défaut de pouvoir recourir à une économie formelle, elle le fait aux moyens de l'économie informelle, voire criminelle. Il s'agit particulièrement de trafics d'armes et de drogue, de trafics humains et de prises d'otages et de navires (piraterie). Si Al-Qaïda a jusque-là largement préféré les actions terrestres pour ses attaques terroristes, il semble, aujourd'hui, que cette organisation considère de plus en plus l'espace aérien et maritime comme hautement stratégique, tant en termes d'ambitions économiques (piraterie, trafic) que politico-militaires. Si l'Algérie a fortement subi, dans son isolement, les affres du terrorisme de seconde génération, né de la fin de la guerre d'Afghanistan, ces récents attentats ont révélé la vulnérabilité des puissances mondiales considérées insoupçonnées auparavant et ont fait que les relations internationales sont entrées dans une nouvelle ère. Le phénomène de terrorisme, utilisant des causes idéologiques, politiques, religieuses ou autres, obéit à des cycles. Une nomenclature de sept types de terrorisme a été établie selon un certain nombre de facteurs de classification. Il s'agit de : terrorisme marginal terrorisme politique terrorisme crapuleux terrorisme messianique et religieux terrorisme institutionnel terrorisme international terrorisme nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC). Au-delà des attentats classiques utilisant des moyens traditionnels, les terroristes ont également étendu leur champ de bataille de l'espace physique au cyberespace susceptible de paralyser des systèmes vitaux, de perturber l'activité économique et commerciale, de fragiliser la capacité de réaction en période de crise, etc. Par son caractère spectaculaire, le terrorisme international est utilisé pour frapper les opinions publiques et avoir un retentissement médiatique. Il est, par conséquent, une forme de communication ayant un excellent rapport coût/efficacité. L'impact psychologique du terrorisme est énorme. Souvent imprévisible, il frappe aveuglément des populations civiles dans leur vie quotidienne, à des moments et dans des lieux à forte concentration (transports en commun, hôtels, magasins, centres de loisirs, tours d'affaires, aéroports, avions, etc). Dans la lutte internationale contre le terrorisme, l'utilisation de la force armée s'est avérée insuffisante puisque, par définition, le groupe terroriste n'a pas d'assise territoriale précise. Le renseignement humain (Humint) devient, aujourd'hui, un élément pertinent de cette lutte. L'infiltration des réseaux offre une réponse plus adaptée à cette menace de nouvelle génération par rapport au renseignement électronique (Elint), mais cela nécessite à la fois des moyens importants et du temps. Si les groupes terroristes peuvent coopérer ponctuellement entre eux, il n'y a pas une internationale terroriste structurelle et unie vers un objectif commun. Mais il existe des réseaux (networks) dont le plus important à ce jour est Al-Qaïda. Ce qui est préoccupant, aujourd'hui, c'est que le terrorisme est également lié à des groupes incontrôlés, extrêmement organisés et disposant de moyens importants. Le terrorisme s'est largement globalisé et modernisé en utilisant des moyens et des instruments (e-medias) plus développés lui permettant d'optimiser son efficacité. Considéré comme une entreprise transnationale de guerre, il utilise des brand names (enseignes) tel que Al-Qaïda actuellement pour un meilleur retentissement. Nous avons vu après les attentats du 11 septembre 2001 que Oussama Ben Laden possédait des réseaux transfrontaliers, dont les différents membres étaient bien intégrés dans leur pays d'accueil. Les rumeurs sur les spéculations boursières que ces groupes auraient faites juste avant les attentats montrent qu'ils ont bien intégré les modes de fonctionnement de l'économie moderne. Les récents attentats ou tentatives d'attentat font aussi ressortir que les terroristes appartenant à cette troisième génération ne sont pas particulièrement frustes, qu'ils sont largement diplômés et qualifiés et qu'ils sont bien intégrés au cœur même du système qu'ils attaquent. La lutte contre le terrorisme international sera longue et nécessitera des réponses en adéquation avec les nouveaux modes opératoires des terroristes et surtout une adaptation des services de renseignement et de sécurité avec plus d'acuité pour le renseignement humain, comme l'ont laissé entendre le président américain Obama et le Premier ministre britannique Brown lors du dernier sommet bilatéral sur la question du terrorisme international. À court terme, nous assisterons incontestablement à une refondation systémique des services de renseignement et de sécurité pour faire face à cette génération nouvelle de terrorisme. A. C. *Expert des questions stratégiques, membre de Defence & Security Forum et du World Economic Forum. Nominé GLT en 1999 au Sommet de Davos.