Béchar Djedid, qui veut dire « le nouveau Béchar », était surnommé « Bidon 2 », dont la création remonte à 1942, à l'époque coloniale, avec la construction du premier village minier, à 5 km au sud de Béchar, à proximité de la piste de Gao, connue également sous le nom de « piste impériale n°2 ». La petite agglomération va connaître rapidement un essor important lié à la découverte et à l'exploitation de plusieurs mines de charbon. Une cité musulmane va être édifiée, en plus des « corans » (habitations des mineurs), pour les familles de cadres des houillères. C'est l'année aussi de la réalisation de la centrale électrique fonctionnant au charbon qui va alimenter, outre les installations des mines de charbon de Kenadsa et Béchar Djedid, le centre de Béchar. Vers les années 1947/1948, un nouveau quartier, que l'on appelle l'« Oued », en bordure de l'oued de Béchar (13 km), voit le jour avec l'arrivée massive de la population d'Abadla (80 km au sud de Béchar), attirée par le travail dans la mine et qui va vite se sédentariser. Ainsi, le centre de Béchar Djedid ou Bidon 2, administré par un poste de la commune mixte de Béchar, va connaître un développement dans tous les domaines, notamment en matière d'éducation, de culture et de sport. Tout le monde se souvient des exploits de l'équipe locale, l'USBD. Mais après l'arrêt de l'exploitation des mines de charbon, intervenu juste après l'indépendance du pays, l'activité de Béchar Djedid va péricliter et le village perdra tous ses atouts de village dynamique, pour devenir au fil des années une ville dortoir. Dans le développement anarchique de la localité, deux grands quartiers, à savoir Haï Zériguet et Djorf, seront délaissés, abandonnés et ne feront plus l'objet d'entretien par la commune de Béchar, dont dépend Béchar Djedid. Aujourd'hui encore, il est difficile de circuler à travers ses quartiers aux routes défoncées, sans parler du débordement constant du réseau d'assainissement du à une vétusté avancée. Quant à l'autre quartier populeux de l'Oued, appelé Haï Kattara, s'il a fait l'objet d'une opération de restructuration dans les années 1980, il offre aujourd'hui le spectacle d'un quartier inachevé et mal équipé. L'agglomération de Béchar Djedid, qui compte plus de 45 000 habitants, étouffe sous le pois des difficultés socioéconomiques vécues au quotidien et dépend sur le plan administratif de la commune de Béchar, elle-même empêtrée et dépassée, selon l'aveu de plusieurs élus, par des problèmes épineux liés à la gestion des quartiers populeux (Debdaba, Barga et Mer Niger), qui totalisent plus de 80 000 habitants. En raison de l'importance démographique de ces cités, des élus ont émis des propositions visant à procéder à un nouveau découpage administratif, qui érigerait Béchar Djedid et Debdaba en deux communes dans le but de soulager, dit-on, l'APC de Béchar, qui ploie sous des problèmes concernant principalement l'assainissement, l'AEP, l'entretien de la voirie communale, le logement, etc. Il faut reconnaître cependant que l'APC de Béchar, comme la majorité des communes, est dépourvue de ressources. Ici, il n'y a pas d'activités industrielles ou d'investisseurs privés susceptibles d'alimenter le budget communal, qui connaît un déficit chronique. Elle ne vit que grâce aux subventions allouées par l'Etat, insuffisantes d'ailleurs pour répondre aux immenses besoins d'une population majoritairement jeune dont l'ambition est contrariée par l'indisponibilité de moyens financiers à laquelle sont confrontées les collectivités locales. Mais un ancien employé de l'APC dira au sujet d'un nouveau découpage administratif que « la solution ne réside pas dans cette alternative, car la misère ne se partage pas, elle sera toujours la même. Le véritable enjeu réside dans la volonté politique de faire sortir la population du faubourg de Béchar Djedid de cette situation difficile. Plusieurs élus, au lieu de s'intéresser aux problèmes de la cité, se livrent malheureusement à des magouilles, cherchent à préserver leurs propres intérêts au détriment de l'intérêt général. Il faut enquêter pour découvrir. Et ce n'est pas de la diffamation ». Pour revenir à la situation sociale de la localité de Béchar Djedid, l'arrondissement s'est développé pendant des années au gré des changements des APC qui ne se sont jamais intéressées au faubourg. Le résultat de ce désintérêt est aujourd'hui cette expansion urbanistique débridée aux constructions sans âme et rébarbatives, aggravée par une croissance démographique explosive. Tous les ingrédients d'une explosion sociale y sont réunis : chômage endémique, crise de logement aiguë (230 logements n'ont pas été distribués depuis quatre ans et font actuellement l'objet d'une révision de listes à la daïra sur plus de 7000 demandes), routes impraticables à la circulation, malaise social, insuffisance d'infrastructures sportives pour les jeunes, manque de distractions, etc. Devant ce tableau peu reluisant, il ne manquait que l'étincelle pour allumer le brasier. Et celle-ci est venue avec les coupures de courant électrique dans les foyers sous la forte canicule, jamais connue en ce mois de juillet (48° à l'ombre). Les jeunes émeutiers qui sont descendus dans les rues, il y a deux semaines, ont-ils été manipulés, comme l'affirment des déclarations d'officiels ? Par qui et dans quel but ? Il est cependant vrai que des rumeurs ont circulé au lendemain des émeutes, selon lesquelles des commerçants de Béchar Djedid auraient monté ces jeunes contre Sonelgaz, accusée de pratiquer ouvertement la discrimination en s'acharnant sur la localité en matière de délestage. D'autres sont néanmoins catégoriques : cette « manipulation » n'est que le fruit de l'imagination de l'administration, qui vit toujours sous la psychose de complot ourdi par l'extérieur, apanage de l'ancien parti unique. Les gens qui rejettent les arguments de l'administration trouvent que c'est une vue de l'esprit très courte servant à faire diversion sur les vrais problèmes, et toute accusation doit être étayée par des preuves sur cette prétendue manipulation. Le saccage du bureau du Polisario à Béchar Djedid aurait-il un lien avec une puissance étrangère ? Non, répondent ces mêmes citoyens, car, dans leur furie destructrice, les émeutiers ne font pas de distinction et n'importe quelle autre représentation diplomatique aurait subi le même sort si elle s'était trouvée sur leur chemin. Ce sont principalement les difficultés insolubles auxquelles sont quotidiennement confrontés les citoyens qui expliqueraient le ras-le-bol des jeunes et l'incapacité des pouvoirs publics locaux à se pencher sérieusement sur ces problèmes pour extirper les racines du malaise social qui, à la longue, déboucherait sur d'inévitables explosions sociales aux conséquences imprévisibles.