Surclassée pour la première fois par ses concurrents Toyota et Hyundai, Peugeot Algérie continue encore à alimenter le parc national automobile à la hauteur de 14% et compte investir le marché pour le long terme. Directeur général depuis 2002, Pascal Morel revient dans cet entretien sur l'actualité du marché automobile national et les objectifs de son entreprise à court et moyen termes. La loi de finances complémentaire 2005 vient d'interdire l'importation des véhicules de moins de trois ans, et le ministre des Finances dans sa présentation de cette loi a indiqué que les concessionnaires doivent souscrire à un nouveau cahier des charges. Qu'en est-il vous concernant ? Tout d'abord, cette loi n'est pas encore signée. Donc, on attend l'officialisation de cette mesure pour réagir par rapport à ça. C'est un premier point. Le deuxième point, c'est l'agrément des concessionnaires qui est une toute autre affaire. A l'heure actuelle, aucune décision n'est prise au niveau du gouvernement pour accréditer de nouveau les concessionnaires. Aujourd'hui, je crois que c'est uniquement à l'étude. On nous pose de temps en temps des questions sur un certain nombre d'évolutions possibles, notamment sur toutes les parties techniques de nos véhicules. Je dois avouer que je n'ai aucune information nouvelle quant aux mesures ayant trait à une nouvelle accréditation.Cela dit, l'arrêt des véhicules d'occasion (VO) est prévu deux mois après la signature, à supposer que le lobby accepte cette fois-ci la loi, puisque cela fait trois ans qu'il la rejette. Moi, en tant que concessionnaire, j'ai été accrédité en 1992, et à ce jour, je n'ai aucune information me disant que d'ici à octobre prochain, je dois arrêter de vendre des voitures. Et rien ne me dit, aujourd'hui, qu'il faut que je modifie les statuts ou toute autre opération pour me re-accréditer. Par ailleurs, on sait qu'il y a un nouveau cahier des charges, et comme la loi est souveraine, on verra ce qu'il y a dans ce cahier. Comment évaluez-vous aujourd'hui le marché de l'automobile en Algérie ? C'est un marché estimé à 200 000 voitures par an, tenu par une trentaine de constructeurs, en plus de l'importation des véhicules d'occasion. C'est un marché très porteur. C'est un marché instable par le fait qu'il y ait beaucoup de constructeurs implantés sans avoir les moyens de leur politique. C'est un marché qui se doit de se reposer un petit peu, si je me permets de le dire, pour trouver une certaine stabilité et pour qu'on aille dans le bon sens. C'est pour cela probablement que le gouvernement compte aller vers de nouvelles accréditations pour les concessionnaires afin de trouver une certaine stabilité pour le marché. Pouvez-vous être plus explicite par rapport à cette instabilité du marché ? Vous faites venir des voitures sans airbags, alors que la loi l'oblige depuis avril 2005. Vous faites venir des voitures d'occasion qui ne correspondent pas à l'homologation demandée. Vous faites venir des voitures qui se disent avoir 3 ans et qui ont peut-être 15 ans. Vous faites venir des voitures qui sont dans la « B zéro » de segmentation, et ce n'est peut-être pas ce que le client veut aujourd'hui. C'est un marché où tout ce qui est bancaire est en train de se mettre en place et ne correspond peut-être pas à tous les besoins des clients. Ou encore les clients n'ont pas les moyens d'aller vers les banques. Donc, le marché bouillonne de partout. Voyez aujourd'hui, ça fait beaucoup de marques qui sont sur le marché, et je ne suis pas sûr qu'elles seront là dans 2 ou 3 ans. Tout le monde pense pouvoir être professionnel de l'automobile, alors que cela est tout un métier, et ça prend beaucoup de temps. Vous ne pensez pas que le pouvoir d'achat des Algériens les pousse davantage vers ce genre de concessionnaires qu'ils jugent « bon marché » ? C'est le marché qui veut ça. Lorsque la CNEP, avant d'arrêter les crédits, a relevé le salaire demandé pour l'octroi de crédits véhicules de 15 000 DA à 22 000-25 000 DA, cela a limité l'accession aux crédits automobile. Ce qui a poussé les acheteurs à se tourner vers la segmentation du « B zéro » ou de ceux de la segmentation dite des pays émergeants. Nous, ce n'est pas du tout la stratégie qu'on voulait prendre. On a voulu prendre des voitures où tout client, quel que soit le pays dans lequel il est, est en droit d'avoir la voiture qui a la même sécurité que n'importe quelle autre dans un autre pays. Et la sécurité, ça a un prix. Une voiture à 500 000 DA vaut pour ce prix-là, et une voiture plus chère vaut pour son prix. On en a toujours pour son argent. C'est le propre de l'Algérien qui regarde souvent le prix d'achat et ne voit pas tous les alentours, à savoir la garantie, les pièces de rechange, les ateliers pour entretenir leur véhicule, le prix de la revente du véhicule. Tous ces éléments ne sont pas pris en compte et les clients ont l'impression d'avoir fait une bonne affaire. Quels sont les objectifs de Peugeot Algérie pour 2005 ? Le total des ventes en 2004 est de 21 200 véhicules, et on compte en faire autant pour 2005. Toute notre énergie est basée sur notre plan d'investissement que nous avons mis en place, à l'image du renouvellement de certaines agences comme celle de Belouizdad, le centre de livraison de Sofitel, un magasin de 14 000 m2 où on est installé actuellement pour avoir beaucoup plus de disponibilité de la pièce détachée et de facilité de dépannage pour les clients. Et ce sont deux millions d'euros d'investissement quand même. Notre volonté, c'est d'investir sur le long terme. Mais au delà de l'embellissement des locaux, quel impact aura cet investissement sur le consommateur ? Le consommateur aujourd'hui doit avoir un taux de service au niveau de la pièce de rechange de 96%. C'est-à-dire qu'un client a 96 fois de chances sur 100 de trouver ce qu'il cherche. Le client, s'il respecte l'organisation que je mets en place, peut avoir son véhicule dans des délais très courts et avoir droit à un meilleur service client. Par ailleurs, l'amélioration des relations avec l'administration s'inscrit dans le cadre d'une meilleure prise en charge des besoins de nos clients. Sachez aussi que nous serons bientôt les premiers à avoir en ligne informatisée la possibilité d'avoir une carte grise provisoire en direct depuis une liaison avec les Mines. Le client n'aura plus à se déplacer pour les besoins de ses papiers puisqu'on se charge de le faire. Comment trouvez-vous aujourd'hui le climat des affaires en Algérie ? C'est toujours les mêmes contraintes, à savoir le problème du foncier qui est un élément important. Le deuxième point, c'est le système bancaire qui a toujours quelques difficultés à répondre à notre demande. C'est en cours d'évolution, ça prendra le temps qu'il faudra, mais ce sont deux éléments qui nous posent de gros problèmes. Cela fait un bon bout de temps que l'on cherche un terrain pour investir et on attend toujours, alors que j'ai une autorisation d'investir. On nous dit qu'il faut nous installer à Tiaret, à Batna ou dans d'autres endroits qui malheureusement, économiquement parlant, ne sont pas fiables. Si je m'installe dans les Hauts-Plateaux, ça veut dire que le client doit payer le surcoût lié au transport. Est-ce que le client algérien est prêt à payer plus pour avoir son véhicule ? Nous sommes là pour gagner de l'argent et créer de l'emploi, mais toute décision de ce genre aura des retombées sur le client. L'idée d'installation d'une usine de montage en Algérie est-elle envisagée ? Ce n'est pas à l'ordre du jour. Le marché ne me permet pas l'installation d'une usine parce que les autorités ne montrent pas une volonté ferme de nous obliger à monter une usine. Lorsque je dis ça, ça ne veut pas dire qu'il y a des lois qui viennent bloquer, et puis aujourd'hui, ça va être difficile avec l'adhésion de l'Algérie à l'OMC. Parce qu'il n'y a pas les compétences nécessaires pour faire une usine. Les Algériens pensent que l'industrie automobile est une industrie industrialisante de main-d'œuvre. C'est totalement faux. Plus vous avancez, et plus vous allez voir que cette industrie est de plus en plus robotisée. Et dans une société, comme celle-ci, où le niveau de vie avance, donc les salaires vont d'office augmenter, la rentabilité n'est peut-être pas alors assurée. Nous, nous voulons, quoiqu'il en soit au final, que nos produits soient de la même qualité que ceux qu'on retrouve dans la totalité de nos usines. Par ailleurs, que je vous dis que je vais installer 18 agents nouveaux, c'est un millier d'emplois que je crée dans l'ensemble de l'Algérie. Une industrie, c'est peut-être un millier d'emplois, mais sur un seul et même lieu. Et si on parle de formation, moi je forme 1500 personnes par an. Donc, pour résumer, l'industrie automobile n'est pas obligatoirement une source rentable au niveau de l'industrie, à moins d'une subvention de l'Etat. Et je ne pense pas que l'Etat soit prêt à dépenser des sommes colossales pour quelques emplois et avoir son industrie. Je rappelle que, en 1988, le président tunisien a fermé son usine à Sousse suite à une étude du FMI qui a démontré que l'emploi créé coûte plus cher que si l'Etat paie ces employés à rester chez eux. Moi, l'emploi, je le crée dans mes services. C'est quoi Peugeot Algérie en quelques chiffres ? Aujourd'hui, Peugeot Algérie c'est 14% de parts de marché. C'est un chiffre d'affaires de 25 milliards de dinars en 2004, et une prévision d'un chiffre d'affaires de 28 milliards de dinars pour 2005. On a 30 agents aujourd'hui et on a un objectif de 18 nouveaux agents d'ici 2008. C'est 200 personnes en emplois directs, près d'un millier dans la totalité de notre réseau et avec les gens qui tournent autour de Peugeot de manière générale, c'est à peu près 10 000 personnes, entre emplois directs et indirects. En 2004, 30% des ventes de Peugeot Algérie l'ont été par des crédits automobiles.