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La rupture est reportée à plus tard
Publié dans El Watan le 31 - 07 - 2005

La 38e cuvée théâtrale de Mosta, c'est fini ! Ce ne sont que quelques satisfactions, mais hélas des déceptions pas toujours bonnes à rappeler aux amateurs de cette rencontre censée être le point privilégié de toutes les pistes théâtrales développées durant l'année.
Si l'on doit commencer par les satisfactions, nous dirons que celles-ci viennent essentiellement des interprètes femmes. Des femmes comédiennes qui investiront de manière conséquente la scène de la Salle bleue abritée par les murs de la maison de la culture Ould Abderrahmane Kaki. Infiniment inspirées de certaines troupes (Adrar, Guelma, Larbaâ Nath Irathen, Bougara), elles jouaient sans complexe les rôles, jusqu'à hier jugés tabous et ne montraient aucune espèce de frayeur dans la réplique adressée au comédien homme. Leur présence dans la représentation n'est plus une présence symbolique, un faire-valoir, et elles tiraient leur épingle du jeu, assez souvent avec aisance, de pièces tout juste moyennes. Elles dominaient le lot par leur prestance et leur envie de casser les hypocrisies ambiantes. La deuxième satisfaction vient, d'une manière générale, des troupes de l'intérieur du pays qui n'entretenaient pas de relations théâtrales suivies, avec le Festival du théâtre amateur de Mosta. Nous pensons ici plus précisément aux groupes de la ville d'Adrar et à ceux de la commune de Larbaâ Nath Irathen. Pour cette dernière équipe, la surprise était encore plus agréable, car la langue amazighe ne semblait poser aucune espèce de handicap au public majoritairement constitué de spectateurs ne comprenant pas la langue de Jugurtha. En effet, les jeunes éléments de l'association culturelle Taourirt Amokrane étaient emballants, persuasifs dans la manière de conter une légende locale qui parle grosso modo d'un dieu de la pluie qui ne lâcherait ses orages féconds qu'à la condition de s'offrir annuellement la plus belle fille du village. L'autre intérêt bénéfique à mettre en avant pour cette moisson concerne la partie scénographique et à ce niveau, nous devons avouer que parmi les 9 groupes en compétition, une bonne moitié pouvait prétendre à ce prix pour l'effort palpable fait dans cette direction. Abdelhalim Si Rahmouni dans Dar Rabi a fait un réel travail d'accompagnement esthétique dans l'œuvre inachevée de Ould Abderrahmane Kaki, les autres scénographes dont on parle peu, hélas, n'ont pas démérité, loin s'en faut, dans la mission d'expliquer par les autres arts d'accompagnement la quintessence de toute œuvre. Si l'on doit parler de satisfaction encore, on doit ajouter les pertinentes questions posées et débattues avec beaucoup d'à- propos, lors du symposium qui a tenu indéniablement ses promesses de lieu d'échanges et de réflexion sur la pratique du théâtre en Algérie. Dix communications ont été lues par des universitaires et chercheurs et des praticiens en charge de ce secteur. Le résultat est à notre avis largement positif. Cela dit, beaucoup de lacunes sont apparues dans les spectacles retenus pour cette 38e édition qui, selon Djamel Bensaber, le directeur du festival, boucle un programme de cinq années (2001-2005). Les lacunes sont liées en grande partie à la formation de l'acteur mais aussi et surtout des metteurs en scène chargés d'écrire une deuxième fois le projet théâtral. Le nom du réalisateur est bien mis en évidence sur les prospectus distribués à l'entrée de la salle, mais dans la réalité du montage, l'œuvre de celui-ci n'est pas toujours palpable. Il y a dans la majorité des spectacles joués lors de ces six journées, plus qu'un désir confus de mettre en scène une idée qu'une réécriture éclairée du projet culturel autour duquel des hommes et des femmes se sont réunis. Le même reproche peut être avancé concernant les contenus, exception faite d'une ou de deux représentations. L'écriture dramatique n'était en effet pas toujours au rendez-vous. Confuses dans leur thématique, naïves dans leur dialogue ou encore largement désarticulées dans la progression dramatique qui commande toute représentation théâtrale aspirant à produire de l'émotion dans sa relation avec le public, les œuvres proposées manquaient, dans une bonne proportion, de « souffletons »... Le rythme d'adhésion baisse à la première demi-heure généralement, et on se met à souhaiter la fin du spectacle dans une salle pas toujours climatisée pour affronter les rajouts verbaux et scéniques inutiles. L'introduction des mouvements d'ensemble et des chants collectifs injectés pour soutenir la cadence, elle non plus, ne procède pas toujours de la mesure. La formule choisie pour contourner l'écueil de la rigueur du « métier » manquait elle aussi de discernement, ce qui donnait des interprétations dans lesquelles le comédien est, dès le départ, écartelé entre l'envie de dire, le besoin de comprendre ses répliques et l'ambition de se faire plaisir. Le montage poétique de Djamel Bensaber est à inscrire dans ces spectacles de l'embrouillamini. Un spectacle à court d'arguments qui exigeait, à notre humble avis, beaucoup plus que la mise en voix des poètes Mahmoud Darwich et Jean Siméon, les poètes des causes justes ne peuvent défendre une cause culturelle si elle n'est pas au départ construite sur un socle sûr. Du moins clairement exprimée. L'implication de l'élément meule (une meule de soudeur authentique), là non plus, ne pouvait produire du sens et de la solidarité en faveur de la Palestine trahie. Les spectacles qui se sont produits dans le circuit « off » n'ont pas eu à leur tour l'effet escompté chez une population mostaganémoise, encore une fois en rupture de ban avec un festival qui, paradoxalement et quoi qu'on dise, demeure le plus célèbre des festivals. Un gros ours au pied d'argile.

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