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Les chemins difficiles de l'arbitrage
droit algérien
Publié dans El Watan le 04 - 08 - 2005

L'arbitrage est une technique de règlement des différends qui consiste pour les parties à soustraire conventionnellement leurs litiges à la compétence des tribunaux étatiques pour les soumettre à une instance constituée de juges dénommés « arbitres », choisis par les parties elles-mêmes.
L'arbitrage offre ce que la justice étatique prohibe. Les tares du système judiciaire sont la raison d'être de l'arbitrage : un système judiciaire, sclérosé, obsolète, des juridictions dépassées, croulant sous le poids de dossiers en évolution exponentielle, des procédures lentes, lourdes. Des magistrats qu'un défaut de formation spécialisée à la base et une impossibilité de spécialisation sur le tas, dans l'exercice et la pratique, a disqualifiés pour le traitement et l'étude de dossiers exigeant de plus en plus de technicité. Les affectations, les nominations, la gestion des carrières en général sont faites au gré des besoins et des considérations d'intendance. Cette mobilité a compromis la constance des juges au sein des sections qui pourraient permettre le renforcement de leur formation et leur spécialisation... C'est ainsi qu'un même magistrat peut se voir attribuer en même temps des sections aussi variées que le statut personnel et l'instruction, puis se voir parachuter au foncier ou à l'administratif. Autant de sections qu'un magistrat peut, à la fin de sa carrière, être un bon généraliste et maîtriser, d'une façon relative, un peu de chaque chose. Le plan de charge et le cumul parfois, ainsi que l'alternance entre des sections disparates ont engendré des magistrats superficiellememt polyvalents qui n'atteindront jamais le niveau de spécialisation requis pour le traitement de dossiers aux problématiques pointues. Un ensemble de facteurs appartenant tant à l'histoire qu'à la politique et à l'économie, bref, à la culture en général, ont placé le système judiciaire en porte- à-faux avec une réalité de plus en plus mouvementée, riche, compliquée et complexe. Le système judiciaire est devenu un véritable boulet, traînant au pied de l'économie et des affaires, compromettant leur liberté et leur rapidité de mouvement et de mouvance. Le contentieux, le litige, le différend, le désaccord sont des éléments récurrents normaux dans la vie des affaires. La promptitude et la pertinence de leurs règlements est un gage de sécurité et de succès des échanges commerciaux et de leur prospérité. L'existence d'une mécanique et d'une technique de dénouement des litiges permet aux partenaires d'agir et de s'engager en toute sécurité, de multiplier, de diversifier leurs transactions, d'ouvrir des espaces à leurs expansions, à leurs activités et à leurs richesses. Un litige non réglé ou mal géré engendre un gel et un blocage des contrats, des échanges, une perte de profits et un manque à gagner parfois considérables. L'arbitrage se présente ainsi comme une alternative à un système judiciaire impotent, désuet. Il (l'arbitrage) peut assurer à la communauté des hommes d'affaires et des commerçants, ce que le système judiciaire prohibe. L'Algérie a pour des raisons politiques observé une certaine hostilité à l'égard de cette pratique pour deux raisons essentielles :
La susceptibilité quant à la souveraineté ne permettait pas d'admettre la compétence d'institutions quelconques qui viendraient se substituer aux tribunaux étatiques.
La domination de l'arbitrage par les pays occidentaux, notamment le colonisateur d'hier et les capitalistes de surcroît alliés de l'impérialisme. Il n'était donc pas concevable en ces temps-là de permettre à ces institutions de trancher dans des domaines aussi sensibles que les nationalisations par exemple. L'idée substantielle que voulaient donc propulser expressément ou implicitement les experts et les praticiens de la question était la nécessité de reformer notre droit arbitral afin de sécuriser davantage nos partenaires étrangers. La consécration de l'arbitrage devait évacuer un verrou dans la mesure où elle atténue le risque juridique que court tout investisseur et qui est inhérent à la vie des affaires. L'arbitrage offre une garantie d'impartialité des juges car on hésite toujours, et c'est légitime, à confier un contentieux drainant de grands intérêts au juge national de l'adversaire. Enfin, l'obstruction de tribunaux étatiques fait de l'arbitrage un échappatoire efficace et rapide au blocage des grands contrats par des contentieux que les tribunaux des Etats mettent longtemps à évacuer. En outre, les litiges internationaux posent souvent des problèmes afférents aux mécanismes du commerce international, souvent complexes et pour lesquels le juge n'est souvent pas formé. Cependant, hélas, en dépit des multiples avantages qu'elle recèle, cette technique consacrée et adoptée dans toutes les parties du monde trouve d'immenses difficultés à s'instaurer en Algérie. Sur le plan interne, l'arbitrage était obligatoire pour les entreprises socialistes qui devaient régler les litiges qui les opposaient par le biais d'une procédure arbitrale spécifique, définie par l'ordonnance de 1975. C'était un arbitrage de nature différente de celui que vous allez étudier ici, il était rendu par les tutelles et les hiérarchies. Les sociétés socialistes ont fait leur temps, elles ont maintenant disparu, remplacées par les entreprises publiques économiques soumises au droit privé. Fonctionnant et agissant selon le droit commercial, l'arbitrage obligatoire ne leur est plus applicable. Au plan international, l'arbitrage était par contre prohibé pour des raisons politiques qui appartiennent maintenant à l'histoire. Cependant, en dépit d'une interdiction de principe, cette technique fut imposée aux entreprises algériennes qui commerçaient avec les étrangers. L'arbitrage commencera, crescendo, une incursion progressive dans le droit algérien. Il fut un temps où les ressources pétrolières et celles provenant des différentes matières premières donnaient à l'Algérie une position confortable ; les devises générées par ces ressources dispensaient de rechercher les capitaux nécessaires au développement. La crise se présenta et la conjoncture bannît les choix ; le besoin changea de camp ; les investisseurs sollicités pour suppléer aux capitaux pétroliers et alléger le fardeau de la dette posaient leurs conditions et exigeaient des garanties. Les services du gouvernement avaient, au début des années 1980, demandé à un groupe de juristes une enquête sur les règles du droit algérien qui inquiètent les opérateurs étrangers. PAS DE SUBVENTIONS Curieusement, et contre toute attente, la réponse a indiqué le code de procédure civile qui octroie, d'une façon quasi automatique, aux juridictions algériennes la prérogative de trancher les litiges relatifs aux contrats ayant lieu en Algérie et/ou engageant des Algériens. Il est tout à fait naturel que les opérateurs étrangers hésitent et s'inquiètent de voir des litiges relatifs à de gros intérêts algériens contre des opérateurs algériens confiés à des magistrats algériens. C'est ainsi que s'amorça une progressive refonte. La loi de 1986 sur les sociétés d'économie mixtes autorisa le règlement des litiges et différends entre associés algériens et étrangers par le biais de l'arbitrage. Ce fut la première consécration légale, quoique partielle, de la technique arbitrale. Deux années plus tard, notamment le 5 novembre 1988, l'Algérie adhérait avec réserve à la convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, adoptée par la conférence des Nations unies à New york le 10 juin 1958, trois décennies auparavant. Cette adhésion ouvrait un véritable débat car elle comportait un paradoxe, petit ou grand. La charrue ne se trouvait-elle pas avant les bœufs ? Pouvait-on adhérer à une convention internationale relative à un mécanisme ignoré en droit interne ? Une loi ne devait-elle pas précéder la convention ? L'adhésion était assortie de deux réserves : La première de commercialité : elle ne s'appliquait qu'aux litiges considérés comme commerciaux selon le droit algérien ; La seconde de réciprocité : elle ne s'appliquait qu'avec les pays qui adoptaient la même position. Ces deux réserves méritent un véritable débat qu'il serait fastidieux et peut-être déplacé d'instaurer ici. En 1993, le législateur algérien finira par promulguer un texte sur l'arbitrage international qui régira une situation imposée d'abord dans les faits. En 1995, deux ordonnances furent promulguées : La première portait approbation de la convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d'autres Etats. La seconde portant approbation de la convention portant création de l'Agence internationale de garantie des investissements. A côté de cela, plusieurs conventions bilatérales d'encouragement et de protection réciproque des investissements furent signées avec plusieurs pays ; elles comportent toutes l'adoption de la clause Cirdi qui consiste à soumettre les litiges éventuels à l'arbitrage du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements. Sur le plan pratique, l'arbitrage s'instaure avec de grandes difficultés. Le système judiciaire avec ses imperfections continue à monopoliser la régulation de la vie des affaires. Pourtant, ici beaucoup plus qu'ailleurs, la justice étatique expose ses limites parfois tragiques La loi algérienne sur l'arbitrage peut être relativement ancienne ou relativement nouvelle. Elle n'a peut-être eu que de rares opportunités d'application. Les raisons des difficultés d'une adoption effective de l'arbitrage comme mode de règlement des différends et de son intégration dans les relations d'affaires sont multiples. La première est à notre sens d'ordre pédagogique. Les efforts nécessaires de formation et d'information ont fait défaut. La présentation de cette technique de règlement nécessite un travail de vulgarisation et de promotion destiné à ses premiers usagers, les opérateurs économiques. La deuxième raison est d'ordre politique, elle incombe aux pouvoirs publics qui n'ont pas consenti l'effort nécessaire de création et de mise en place de structures de promotion de l'arbitrage. Aucune subvention n'a été allouée pour soutenir les efforts des structures habilitées à instituer des centres d'arbitrage, notamment les chambres du commerce. Un reproche doit être fait aussi à la communauté des juristes qui sont les premiers redevables d'un travail de vulgarisation et de promotion de cette technique. Ils doivent informer de l'existence de ce mode alternatif de règlement des différends et en présenter les avantages et les bienfaits. Une initiative louable, quoique tardive, a été prise par la création d'ICC Algérie, représentation algérienne de la chambre d'arbitrage de la Chambre du commerce internationale. Cette structure essaie avec des moyens modestes de rassembler les professionnels du droit et d'ailleurs, afin de provoquer l'essor et le développement de l'arbitrage par un ensemble d'activités et de missions, notamment l'organisation de séminaires de vulgarisation et de formation d'arbitres, etc. La Chambre algérienne du commerce et de l'industrie vient de mettre sur pied son propre centre d'arbitrage. Pour ces raisons, et peut-être pour d'autres, le texte de 1993 n'a eu que de rares opportunités d'application. En outre, et même s'ils existent, ces cas pratiques de mise en œuvre de ce texte sont inconnus parce que dispersés et épars. L'inexistence des opportunités de rencontre et de débat de spécialistes, ainsi que l'absence de publications spécialisées prohibent les communications et les échanges d'informations sur la jurisprudence arbitrale algérienne si tant est qu'elle existe. A côté de cette déficience en sources d'informations sur la pratique du texte, il est aussi à déplorer la rareté d'études de réflexion et d'analyses théoriques. Nous ne connaissons que très peu d'efforts consacrés à ce texte et nous comprenons mal le peu d'intérêt qu'il a suscité. Cet effort consenti par la Chambre algérienne du commerce et de l'industrie répond à un besoin prioritaire de la vie des affaires en Algérie, il vient combler une lacune ô combien malheureuse ; il doit être soutenu, entretenu. L'apport d'une prestigieuse institution comme la Chambre internationale du commerce et de l'industrie est un encouragement que nous apprécions à sa juste valeur.


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