Qui se souvient de Sérine ? La petite fille de 18 mois d'El Kala (Tarf) qui souffre d'une grave cardiopathie et dont la maman avait lancé dans nos colonnes, en mai dernier, un appel de détresse lorsque la clinique chirurgicale infantile de Bou Ismaïl, lui avait enlevé tout espoir de vie pour son bébé. L'appel, qui a suscité un large mouvement de solidarité, avait aussi fait réagir les pouvoirs publics au plus haut niveau. A l'annonce de la prise en charge pour une intervention chirurgicale à l'étranger, nous avions annoncé que Sérine était sauvée, puisqu'elle allait pouvoir être opérée. Mais le sort en a décidé autrement. Soutenues par Lila à Alger et Zaïa à Bruxelles, qui se battront bec et ongles pour le rendez-vous en Belgique, du soutien financier et moral de l'association des Amis d'El Kala et de donateurs anonymes, Sérine et sa maman ne se rendront à l'hôpital Reine Fabiola de Bruxelles qu'à la fin du mois de juin après avoir obtenu un premier rendez-vous en septembre ! Au premier examen en profondeur, la sentence tombe, c'est trop tard. La maladie a progressé. Elle avait atteint un stade où l'intervention n'était plus possible. Elle aurait dû se faire dans les premiers jours de vie de Sérine, nous dit le professeur H. Dessy, chef de service de cardiopathie de l'hôpital de Bruxelles. Pour sauver Sérine, il aurait fallu une greffe cœur-poumon dans les jours qui suivent, nous explique encore le médiateur de cet hôpital. Autrement dit un miracle. Le professeur Touati, le spécialiste algérien qui a examiné Sérine à différentes reprises, nous dit qu'il y avait un espoir lorsque Sérine a été orientée vers la clinique de Bou Ismaïl pour un premier examen. En octobre 2004, elle n'avait que 7 mois et le bon diagnostic avait été fait. Au lieu de cela, on l'a renvoyée chez elle, avec une vague promesse d'être rappelée dans les deux mois qui suivent. Puis, plus rien, jusqu'à ce qu'El Watan se saisisse de l'affaire. Aujourd'hui, Sérine est sous un traitement médical destiné à retarder autant que possible l'échéance fatale. Ses parents refusent de s'y résoudre et, comme beaucoup de leurs proches, s'en remettent au Tout-Puissant. Sérine n'est pas un cas isolé. Il y aurait des centaines d'enfants cardiopathes qui se sont présentés ces dernières années pour une consultation à la clinique chirurgicale de Bou Ismaïl. Le nombre exact n'est pas connu et fait l'objet d'ailleurs de secrètes controverses, et même, certifient certains, d'enjeux bassement commerciaux. On parle de 3500 à 5000 cas connus et répertoriés dans tout le pays. La procédure courante consiste lorsqu'ils sont orientés par les secteurs sanitaires à leur passer un examen médical, à remplir un formulaire et à les renvoyez chez eux avec la promesse d'être rappelés pour être soignés. Cela pour éviter d'accroître le taux de mortalité dans la clinique qui, nous dit-on, est hallucinant. « Il y a trop de demandes en attente », nous répond la responsable du service hospitalisation de la clinique à qui nous demandions en avril dernier les raisons de « l'oubli » de Sérine. En effet, seuls dans leur détresse au fond des douars, sans soutien, les parents, généralement démunis et sans instruction, acceptent leur sort et la disparition de leur enfant.