Le visa, ce cachet authentique valant autorisation de séjour, apposé sur un passeport par les services diplomatiques des pays dans lesquels désire se rendre l'Algérien, est une pièce indispensable avant tout déplacement. Un document que certains pays ne délivrent pas facilement. Parmi les demandeurs de cette fameuse autorisation, on trouve, entre autres, des étudiants, des personnes malades, des hommes d'affaires, des amoureux de l'aventure et de la découverte... Depuis quelques années, les Algériens commencent à acquérir la tradition de vacances planifiées et, par conséquent, des voyages à l'étranger. Certains Algériens préfèrent se tourner vers les pays voisins entre autres, qui n'exigent pas de visa pour ne pas avoir à courir après une paperasse fastidieuse et surtout par crainte d'essuyer un refus qui peut compromettre leur plan de voyage. D'autres par contre, et ce, pour des raisons multiples, choisissent les destinations qui exigent pourtant un visa. La France est le pays le plus convoité par les Algériens. A longueur d'année, les files d'attente interminables de demandeurs de visas au niveau des services consulaires démontrent que la France demeure une destination prisée et privilégiée. L'attente est très longue et chacun a de bonnes raisons pour justifier cet éventuel déplacement vers l'Hexagone. Les motivations diffèrent selon la catégorie de citoyens : la poursuite des études pour les étudiants figure selon toute vraisemblance en première place, suivie du déplacement d'affaires, sans omettre ceux qui se déplacent pour des soins médicaux et enfin une dernière frange qui aspire à un visa pour une visite familiale en France ou bien pour se remémorer les souvenirs d'antan. À chacun une raison pour voyager Sur place, les demandeurs viennent de divers horizons. Ils ont tous une histoire. Certaines personnes résidant dans les zones éloignées préfèrent même se déplacer la veille du rendez-vous qui leur a été fixé par les services consulaires afin d'être parmi les premiers dans les files d'attente. La plupart de ceux qui n'ont pas de parent résidant dans la capitale passent la nuit devant l'ambassade ou alors les plus chanceux louent une chambre dans un hôtel. Rencontré sur place, un jeune accompagné de ses vieux parents retient difficilement sa colère. Il se sent humilié. « Je viens de Tizi Ouzou. Nous avons pris le départ à 4h. Il est 10h et notre tour n'est pas encore venu. Mon frère est très malade et son médecin nous a demandé de l'évacuer en urgence vers la France. C'est une question de vie ou de mort. Nous avons expliqué cette situation aux responsables des services concernés, mais aucune faveur ne nous a été accordée. Nous avons alors introduit une demande de visa il y a 20 jours et nous avons été convoqués pour aujourd'hui », dira ce jeune indigné qui interprète cette indifférence des responsables consulaires comme un non-respect pour l'être humain. « Nous n'allons pas participer à un concert, mais nous allons hospitaliser mon frère qui risque de mourir à tout instant. Nous ne comprenons pas le but de cette lenteur surtout dans de pareils cas et pourquoi il n'y a pas d'exception à la règle motivée par des cas de force majeure. » Ce jeune blessé dans son amour-propre nous citera des exemples de malade qui ont succombé avant l'obtention du visa. Ces derniers ont parfois usé de toutes les voies de recours, ils ont contacté des personnalités de haut niveau, pour leur venir en aide en accélérant éventuellement la procédure. L'autre catégorie de personnes qui rencontrent des difficultés sont les étudiants demandeurs d'un visa de long séjour. Ils doivent fournir un dossier comportant différentes pièces administratives. Et depuis peu, on exige une attestation d'évaluation du niveau de langue française délivrée à l'issue d'un test que les étudiants doivent subir au niveau du centre culturel français. A ce sujet, une étudiante a tenu à dénoncer cette démarche. « Je suis titulaire d'un magistère en biologie. J'ai fait toutes mes études en français. Ma thèse que j'ai décrochée avec la mention excellent m'a permis d'obtenir une préinscription dans une université en France. Arrivée au niveau du consulat pour la constitution du dossier du visa, on me demande de passer le test d'évaluation du niveau de français dont les frais d'examen sont de 4000 DA. Pourquoi subir une telle évaluation d'autant que tous mes relevés de notes figurent dans le dossier ? », nous dira cette étudiante qui ne comprend pas pourquoi la délivrance de visa pour la France est aussi compliquée. Revenant sur la question des frais d'examen, un autre étudiant nous explique qu'il a déposé à six reprises un dossier pour l'octroi de visa et n'a jamais obtenu ce document. Il tente sa chance depuis 1998. Bien qu'il ait en sa possession une préinscription, il a toujours eu des réponses négatives sans aucune argumentation ni justificatif. « J'ai obtenu mon ingéniorat en 1998. J'ai immédiatement formulé ma demande pour un visa d'étude, après l'obtention d'une pré-inscription. Malheureusement, on m'a envoyé un bout de papier me signifiant le rejet de mon dossier. J'ai renouvelé ma demande à plusieurs reprises sans aucun résultat positif. J'aurais souhaité avoir un entretien avec les services consulaires pour un complément d'information. On ne m'a jamais accordé cette faveur », dira-t-il. Pour cette année, ce jeune a décidé d'opter pour une autre destination, à savoir le Canada, d'autant que la France a inclus dans la constitution du dossier les frais du visa. « J'ai dépensé beaucoup d'argent dans la traduction de mes documents et je n'ai pas l'intention d'en gaspiller davantage. Toutefois, je ne saisis pas le sens de cette nouvelle procédure. L'objectif est-il de limiter les demandes de visas ? », s'est-il interrogé. Cependant, il faut relever que beaucoup de personnes nous ont fait remarquer que la situation s'est nettement améliorée à l'intérieur du service consulaire et que plusieurs guichets ont été ouverts pour accueillir les bénéficiaires d'une convocation pour la délivrance d'un visa. Un vieux couple attendant patiemment son tour ne s'est pas plaint et dira avec un large sourire : « Nous avons eu du premier coup l'accord pour un visa. Je me rends en France pour voir mes enfants et nous n'avons jamais eu de problème à ce sujet. » Par ailleurs, nous avons contacté les services consulaires en Algérie pour avoir des clarifications et des détails sur le nombre de visas délivré aux Algériens chaque année, mais nous n'avons eu aucune information. Les concernés ont jugé que le moment n'est pas opportun pour aborder ces questions... En outre, l'autre destination prisée par les Algériens, plus particulièrement les vacanciers, est la Turquie. Depuis quatre ans, ce pays délivre chaque année près de 32 000 visas aux Algériens. Actuellement, vu l'afflux des demandeurs, le nombre pourrait atteindre 40 000, selon les prévisions des services consulaires turcs en Algérie. En une journée, ces derniers ont eu à traiter plus exactement 450 passeports pour l'octroi d'un visa. La demande pour la Turquie enregistre une augmentation considérable durant la saison estivale notamment, à partir du mois de mai où 2000 à 3000 visas sont délivrés mensuellement et la demande baisse pendant les trois premiers mois de l'année ainsi qu'au mois du Ramadhan. Ercumend Ahmet Enç, ambassadeur de la République de Turquie en Algérie, nous indiquera que l'Etat qu'il représente est l'un des pays les plus sécurisés. « Nous savons ce qu'est le terrorisme et nous avons pris nos précautions bien avant le 11 septembre 2001. Nous avons même tenté à l'époque d'expliquer aux autres nations les dangers que peut causer ce fléau international. Malheureusement, ils ne nous ont pas écoutés. Maintenant, je crois qu'ils nous ont compris puisqu'ils demandent notre aide et notre collaboration », dira M. Enç qui est persuadé que la sécurité est un facteur qui contribue inévitablement au développement d'un pays sur tous les plans. L'ambassadeur avec fierté nous citera les origines des touristes qui choisissent la Turquie, plus précisément Istanbul, pour passer leurs vacances, tout en énumérant les différents types de visas qu'il délivre. La Turquie octroie un visa d'entrée individuel, ce qui implique que les détenteurs de ce document peuvent résider en Turquie jusqu'à l'expiration de leur visa. La Turquie est connue également pour ses vols de correspondances, ceci l'amène alors à délivrer des visas de transit pour les individus qui envisagent de quitter la zone douanière. Toutefois, pour cette dernière catégorie les services consulaires sont très exigeants et le demandeur doit prouver qu'il exerce une activité économique. « Pour des raisons économiques, nous sommes le seul pays européen qui pose des conditions qui ne sont nullement restrictives envers les Algériens. Nous n'avons jamais eu de problème avec l'Algérie et c'est pour cette raison que nous leur délivrons très facilement le visa », explique l'ambassadeur en indiquant que la procédure est plus facile quand il s'agit des demandeurs qui sont déjà partis en Turquie ; par contre la démarche est un peu longue pour ceux qui veulent se rendre pour la première fois dans ce pays. Ces derniers n'ont pas de fiche d'identité au niveau du consulat. « Nous devons établir une fiche pour toutes les personnes qui désirent se rendre en Turquie et nous délivrons le visa à chaque membre de la famille, que ce soit un enfant ou un adulte et c'est cette démarche qui nécessite un peu plus de temps », dira notre interlocuteur qui estime qu'en matière de classification l'Algérie est placée en deuxième position après l'Egypte. « Des pays africains, limitrophes de l'Algérie, à savoir le Mali et le Niger, formulent également leur demande de visa en Algérie, car il n'y a pas d'ambassade turque dans ces Etats. Toutefois, nous ne leur accordons pas les mêmes facilités. En ce qui les concerne, nous demandons d'abord une autorisation du ministère de l'Intérieur turc pour leur délivrer le visa », dira-t-il. Lenteur dans le traitement des dossiers Le Canada, cette autre destination qui attire un nombre important d'Algériens, notamment des étudiants en informatique, en médecine, en journalisme..., n'a pas un service consulaire proprement dit en Algérie. La structure existante ne semble pas disposer de réelles prérogatives ni pouvoir effectif en matière de traitement des dossiers des postulants à l'immigration ou la délivrance du visa. Cela engendre d'énormes lenteurs et des problèmes aux candidats. Leurs dossiers sont souvent traités au niveau des ambassades du Canada à Tunis et à Paris. « Récemment, le service consulaire de l'ambassade du Canada à Alger a été autorisé à effectuer des entrevues pour les demandeurs de visa ayant déjà été sélectionnés par le ministère canadien de l'Immigration », explique l'un des postulants ayant effectué un entretien à Alger. Selon lui, les attentats du 11 septembre 2001 ont compliqué davantage les procédures de l'immigration au Canada. Depuis, les candidats sont soumis à une enquête sécuritaire des plus strictes. Les demandeurs de visa ont également signalé des difficultés dans la visite médicale, des lenteurs dans le traitement des dossiers et surtout l'absence d'un organisme local qui doit chapeauter l'étude des dossiers et le contenu du formulaire. Concernant la visite médicale, les autorités canadiennes exigent une visite médicale générale accompagnée d'un bilan sanguin et d'une radio téléthorax. Cependant, cette procédure pose une série de contraintes, plus particulièrement pour les citoyens résidant au sud du pays. Les médecins agréés par l'ambassade du Canada et qui sont au nombre de six ont tous des cabinets au Nord, dont quatre à Alger. Autre contrainte, le bilan médical n'est valide que pour une durée d'une année. Si les services chargés de l'étude de la demande n'ont pas achevé le traitement du dossier pendant la période de validité du bilan, le postulant doit refaire dans son ensemble la visite médicale, ce qui cause des pertes de temps. Cela est d'autant plus ressenti par les personnes qui ont une famille au Canada en attente de l'achèvement de la procédure de parrainage. D'autres candidats ont soulevé la question liée aux formulaires d'immigration. En ce sens, un postulant a qualifié d'« humiliantes » certaines questions consignées dans ces documents. Pour ce qui est des Etats-Unis, les responsables au niveau du service consulaire estiment que le nombre de visas octroyé aux Algériens a tendance à diminuer ces dernières années. Néanmoins, les représentants américains en Algérie ont une explication : « La raison principale de cette baisse est due essentiellement à l'absence d'un section consulaire en Algérie qui se chargera du traitement des dossiers. En effet, les demandeurs de visa doivent se rendre en Tunisie pour le dépôt du dossier. Un voyage qui n'arrange pas la plupart des désireux d'aller aux USA », dira un responsable au niveau de l'ambassade des USA. Néanmoins, pour combler cette faille, les services consulaires envisagent l'ouverture à Alger d'une section qui s'occupera du traitement des dossiers. « Lors de la décennie du terrorisme, nous avons réduit nos effectifs et nous avons transféré le service en question ainsi que l'encadrement en Tunisie. Aujourd'hui, avec l'amélioration de la situation et dans le cadre du renforcement de nos relations bilatérales, nous comptons rouvrir toutes nos sections et renforcer nos équipes. »