Hugo Chavez, militaire de carrière, est devenu l'homme politique qui fait vibrer les foules de Caracas. Et hérisser les poils de ses nombreux adversaires. Une histoire atypique... Son talent pour le base-ball lui permet d'entrer à l'Académie militaire du Venezuela. Il en sort sous-lieutenant en 1975 avec un diplôme de sciences et d'art militaires avec une spécialisation d'ingénieur. Puis il suit plusieurs formations universitaires, dont une maîtrise de sciences politiques à l'université Simon Bolivar. Il monte en grade dans l'armée, jusqu'en 1988 où il est nommé chef de l'Assistance du conseil national de sécurité. En 1992, il participe à un coup d'Etat manqué contre le président Carlos Andres Perez. Cette tentative lui coûte deux ans de prison. Il est néanmoins libéré grâce à l'intervention du même président. En 1998, il se présente à l'élection présidentielle, sous la bannière du Pôle patriotique, son parti. Il devient Président le 2 février 1999. Approuvée par référendum en décembre 1999, une profonde réforme de la Constitution précède sa réélection triomphale, le 30 juillet 2000, avec plus de 56% des voix. Le Venezuela, contrairement à ses voisins, a connu un régime démocratique sans interruption depuis 1958. Mais les deux partis qui se partageaient le pouvoir étaient tombés dans le discrédit, salis par des affaires de corruption. Porté par les plus pauvres, dont il s'est fait le porte-parole, Chavez gagne l'élection présidentielle de 1999. Il promet de réduire le fossé entre pauvres et riches. Sa rhétorique inquiète les milieux patronaux. Et lorsqu'il tente de prendre le contrôle de la cinquième industrie pétrolière au monde, il est écarté du pouvoir par un coup d'Etat salué par les Etats-Unis. Mais deux jours plus tard, ses partisans, des pauvres pour la plupart, descendent dans la rue et Chavez remonte sur le trône. En leader populiste, il ne manque jamais une occasion de s'adresser à la nation pour stigmatiser les cadres qui travaillent dans l'industrie pétrolière. Selon lui, ils vivent « dans des maisons de luxe, où ils organisent des orgies, en buvant du whisky ». Chaque fois que les médias, notamment les chaînes privées, critiquent l'action de son gouvernement, il les accuse d'être dans la poche des milieux « réactionnaires ». Sa politique étrangère est déconcertante. Ses voyages à Cuba et en Irak l'ont rendu célèbre. Il est soupçonné de cultiver des liens avec la guérilla colombienne. La frontière entre le Venezuela et la Colombie est « poreuse », la drogue et les armes de la guérilla transitent sans problème. Il a des intentions expansionnistes sur le territoire de Guyana. Son franc-parler ne laisse pas indifférent les milieux diplomatiques. Ses relations avec Washington ont empiré lorsqu'il a annoncé qu'avec la guerre en Afghanistan, les Américains « combattaient la terreur avec la terreur ». Ce lieutenant-colonel des parachutistes a coécrit Comment sortir du labyrinthe pendant son séjour dans la prison de Yare. Il s'inspire de Simon Bolivar, le libérateur de la partie nord de l'Amérique du Sud et prône la révolution. La « révolution » de Chavez n'a pas changé grand-chose dans la vie quotidienne des Vénézuéliens. Il n'a pas réussi à enrayer la pauvreté ni la forte augmentation du chômage en dépit de l'entrée de devises provenant de l'industrie pétrolière. Le Venezuela exporte chaque jour 2,2 millions de barils sur une production quotidienne de 2,8 millions. En 2003, les exportations pétrolières ont rapporté 27 milliards de dollars, dont 15 milliards ont été versés à l'Etat. Pour essayer de faire plier l'homme fort de Caracas, l'opposition a déclenché une grève générale entre décembre 2002 et février 2003. L'industrie pétrolière a été paralysée pendant deux mois, mais le Président n'a pas cédé. Par la suite, la compagnie pétrolière publique PDVSA a licencié la plupart des opposants de Chavez. Aujourd'hui, âgé de 50 ans, Hugo Chavez, père de trois enfants, reste convaincu que le peuple bolivarien va renouveler la confiance née de deux élections consécutives. Il est soutenu par les classes pauvres de la population, en raison notamment des programmes d'éducation et de santé à grande échelle. Surnommé « El Comandante » (comme Che Guevara), il a récemment redéployé son arsenal rhétorique, mélange de messianisme, d'antilibéralisme et du culte de Bolivar, pour faire face aux attaques de l'opposition. Son émission du dimanche « Alo Presidente », diffusée à la radio et à la télévision, s'inspire des méthodes de son ami Fidel Castro. Chavez arrive à tenir son auditoire parfois pendant plusieurs heures. Après la 200e édition de son programme de télévision dominical, il a accusé ses adversaires d'être « les laquais de Bush ». C'est un Hugo Chavez radieux qui est apparu sur scène. Il a salué la foule et déclamé quelques vers. Il n'apparaît nullement inquiété par la menace du référendum qui risque de lui faire perdre son poste. Lorsque l'opposition a annoncé avoir réuni les signatures nécessaires pour un référendum révocatoire, Chavez ne s'est pas démonté. Il a qualifié ce résultat de « victoire nationale et démocratique ». En 1999, il avait lui-même proposé à l'Assemblée constituante ce mécanisme de référendum afin d'instaurer un nouveau modèle démocratique au Venezuela. Hugo Chavez : un homme contradictoire, sûr de lui et surtout de son électorat. Car comme il le dit si bien : « Ce que mes rivaux ne comprennent pas... est qu'Hugo Chavez n'est pas Hugo Chavez, mais le peuple du Venezuela. »