Il est donné pour quasi certain que la campagne vendanges, qui démarre aujourd'hui, ne sera perturbée par aucun des incidents annoncés par des viticulteurs. Ces derniers contestaient le rabaissement par l'ONCV de 1000 DA le prix d'achat du quintal de Cinsault, un cépage de cuve planté au-delà des besoins de vinification par rapport à la modicité des superficies plantées en d'autres cépages plus recherchés par les transformateurs. Ainsi, à la veille des vendanges, le président de la Chambre nationale d'agriculture a réuni, à Aïn Témouchent, les présidents des chambres des principales wilayas viniviticoles pour les rappeler à l'ordre. En langage plus ou moins codé, il leur a expliqué que le ministre a enjoint, contre compensation, à l'ONCV de prendre en charge toute la production de Cinsault qui représente 60% du total, ce qui n'était pas acquis à la veille des vendanges puisque l'office s'était fixé un quota ne dépassant pas les 20%. Selon l'orateur, cet acquis devait être apprécié à sa juste mesure et en conséquence, il serait malvenu que les viticulteurs tentent d'obtenir davantage en se lançant dans une protesta au moment du lancement de la campagne en faveur de la réconciliation nationale : « Vous ne pouvez pas exiger des prix élevés pour améliorer vos revenus. Pour cela, pensez plutôt à améliorer votre productivité car elle est bien en deçà des normes ! » Il indiqua que le ministre de l'Agriculture l'avait, deux heures durant, interpellé au téléphone sur tout ce que le gouvernement a consenti en faveur de la filière et de « la récompense » qu'il reçoit de celle-ci en fin de compte. « Le PNDA, cela a été quand même 400 millions de dollars par an ! ». Ce faisant, et pour une fois, il a été tenu un discours diamétralement opposé à l'habituel propos populiste. Professionnalisation L'orateur a pris à rebrousse-poil les tenants d'une agriculture rentière parmi l'assistance. De la sorte, il a été clairement signifié qu'il n'est plus tenable de refuser de se soucier des possibilités d'écoulement de sa production : « Nous sommes tenus à la professionnalisation de la filière en nous hissant de la mentalité d'assistés. Nous sommes à l'ère de l'économie de marché, ne l'oubliez pas. Nous devons mettre sur le marché des produits loyaux, sains et marchands, mais encore les présenter sous leurs plus beaux atours. Il est anormal que nos dattes ou nos pommes ne trouvent preneurs que lorsque c'est un étranger qui se charge de leur exportation. Il nous appartient d'agir pour réguler le marché. Nos produits sont plus chers que ceux importés. Aussi, il n'est pas normal qu'il y ait quatre à cinq intermédiaires entre nous et les consommateurs. N'attendons pas que l'Etat le fasse à notre place. Il faut que nous nous organisions autrement et que nous trouvions des solutions. Pourquoi le surplus de raisin à l'Ouest n'est-il pas livré à Alger où il est vendu à 120 DA alors que l'ONCV ne peut en donner que 17 DA le kilo ? Qu'est-ce qui empêche la Chambre de Témouchent de trouver des arrangements avec celle d'Alger ? Il y a urgence à y penser parce que l'année prochaine, l'ONCV ne prendra pas en charge les 60% de la production de Cinsault. » Poursuivant, l'orateur interpelle l'assistance en citant le cas de Témouchent : « Comment se fait-il que sur 2500 viticulteurs, il n'y ait que 60 adhérents à la coopérative viticole ? Qu'est-ce qui vous empêche de recapitaliser la CASSVIT en faisant adhérer tous les viticulteurs ? C'est ainsi que vous pourrez remettre à niveau vos caves, des caves devenues obsolètes. C'est cet outil en ruine qui fait qu'il ne peut être élaboré dedans des vins de qualité même si vous produisiez les meilleurs raisins du monde ! » La parole est donnée à l'assistance dont nombre de membres admettent le bien-fondé du discours. Quelques intervenants par contre donnent l'impression de croire que le pays est encore à l'époque de l'Etat providence. Au titre des résolutions de la rencontre, il a été décidé de demander au ministère de mettre en place un système de formation et de recyclage, avec voyages à l'étranger, pour se rendre compte de ce qui s'y fait car « il est anormal que nous demeurions le seul pays où l'on fait de l'agriculture sans formation ni recyclage alors que les techniques culturales évoluent rapidement ». Par ailleurs, il a été retenu que, désormais, les prix de vente soient décidés dans l'interprofession. Enfin, il a été sollicité pour cette année, exceptionnellement, que le ministère accorde aux agriculteurs une compensation de 300 DA par quintal de Cinsault vendu à l'ONCV. Pour rappel, lorsque l'affaire du prix d'achat du Merseguerra avait surgi, un autre cépage double fin, le ministère avait accordé 500 DA de compensation par quintal.