Mardi dernier, les vendanges ont commencé avec la constitution des pieds de la cuve à base d'Alicante, le cépage le plus précoce des raisins de cuve. Les pieds de cuve ? C'est du moût de raisin qu'on laisse fermenter et qui, au bout de trois jours, forme le levain qui permettra le démarrage de la fermentation alcoolique des récoltes. Ces derniers vont d'ailleurs affluer aux caves ce samedi, le jour de la généralisation des vendanges. Deux œnologues de l'ONCV, des jeunes femmes, supervisaient l'opération à la cave Cardonna d'El Malah (Témouchent). Le taux alcoolique titrait autour de 13°, ce qui arrangeait bien les choses. Le PDG de l'ONCV et son staff étaient eux aussi là pour le coup d'envoi. Quel commentaire pouvait-il faire à propos de la polémique née autour des prix à l'achat du raisin fixé unilatéralement par l'ONCV, particulièrement sur celui du Cinsault tombé à 1000 DA de moins le quintal, soit à 1700 DA ? Qu'a-t-il également à répondre à l'accusation devenue récurrente ces dernières années quant à une manœuvre consistant à retarder les vendanges pour pousser le raisin à une surmaturation plutôt préjudiciable aux intérêts des viticulteurs ? Pour ce qui est des prix, notre interlocuteur rappelle que si les prix étaient élevés auparavant, c'était pour susciter un engouement au profit de la viticulture au moment où celle-ci était agonisante d'une part et d'autre part pour rétribuer assez justement les agriculteurs qui s'échinaient sur un vignoble âgé et peu productif.« Malheureusement, lorsque la reprise a commencé et lorsque nous avons voulu aller à la vérité des prix, il y a eu une surenchère de la part de la concurrence. Aujourd'hui, la production est à un niveau tel que nous pouvons imposer notre perception des choses. » A cet égard, Saïd Mebarki avance deux paramètres. Pour ce qui est du premier, il indique que l'hectolitre de VCC 12° (vins de consommation courante) qu'on peut obtenir du Cinsault est vendu en Europe à 20 euros, soit 1800 DA. « Faites alors vos calculs : nous achetons 1700 DA le quintal de Cinsault alors qu'il en faut 1,4 pour obtenir un hectolitre. A cela, il faut ajouter 500 DA pour le prix de la transformation payée à la coopérative, propriété des viticulteurs. Comment tiendrons-nous alors la concurrence avec les VCC qui vont être importés à moindre coût ? » Le deuxième argument a trait à une estimation, non en termes de marge bénéficiaire qu'engrange le viticulteur. « Si l'on considère le Cinsault, puisque c'est à son propos qu'il y a contestation, quiconque du secteur vous dira qu'un hectare bien conduit produit en moyenne du 60 q. Cela peut aller jusqu'à plus de 100 q pour les meilleures parcelles. Ainsi, à raison de 60 q, c'est une rentrée de 102 000 DA. Si l'on soustrait une dépense au maximum de 45 000 DA en frais culturaux et de vendange, le revenu à l'hectare est de 57 000 DA ! Alors, sachant qu'une exploitation, ce n'est pas que du vignoble, et en comparaison, que rapporte un hectare de céréales avec ses 10 q/ha de moyenne à Témouchent ? N'est-ce pas seulement 20 000 DA moins 7000 de frais ? Que rapportent également en comparaison les autres spéculations ? Que faut-il donc penser de ceux qui menacent d'arracher la vigne pour revenir aux céréales ? » Concernant la question de la surmaturation, le PDG de l'ONCV indique que la date des vendanges diffère d'une zone à une autre et qu'à la base elle dépend du point de rencontre entre un taux d'acidité et un taux de sucre. « Nous n'avons pas intérêt à une surmaturation parce que le vin en serait alcoolisé plus que de raison, ce qui en altérerait les qualités gustatives et le bouquet. Il deviendrait invendable ! Bien évidemment, certaines parcelles, ici ou là, peuvent arriver à une surmaturation. Cela ne nous oblige nullement à prendre leur récolte dans la mesure où il nous faut une quantité en deçà de laquelle nous ne pouvons vinifier. Cela dit, il y a nombre de parcelles qui arrivent trop tôt à maturité faute d'une mauvaise conduite culturale. Bien entendu, une vigne sans couvert végétal suffisant faute d'un travail insuffisant, n'offrira pas le nécessaire parasol aux grappes qui dessécheraient alors. » Quelle va être samedi la réaction des viticulteurs qui ont menacé de ne pas livrer leur récolte ? Quelle sera également celle des chambres de l'agriculture de wilaya qui se réunissent aujourd'hui à Témouchent sous la présidence de la chambre nationale ?