On croyait que le désarmement de la Corée du Nord était l'objectif premier (après la lutte contre le « terrorisme ») de la doctrine des néoconservateurs. La probable annonce faite par George W.Bush de retirer entre 70 000 à 100 000 militaires américains stationnés en Europe et en Asie plaide plutôt pour un apaisement dans les relations entre Washington et Pyongyang. « Cette initiative permettra de renforcer notre capacité à répondre aux menaces à l'étranger, à améliorer la protection de l'Amérique et de nos alliés, et elle allégera le fardeau pesant sur nos militaires et leurs familles », a déclaré un responsable du département US de la Défense. Ce chiffre ne concerne pas les effectifs déployés en Irak et en Afghanistan. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, en était l'un des ardents avocats, dans le cadre d'une vaste modernisation de la défense américaine. Au début du mois, il avait encore enfoncé le clou devant le Conseil des relations étrangères de Chicago, en déclarant que les Etats-Unis n'avaient plus besoin de stationner autant de troupes en Allemagne puisque la menace d'une offensive soviétique avait disparu. « Le moment est venu de modifier notre doctrine de défense en Europe et en Asie et autour du monde et de passer d'une défense statique, qui n'a plus beaucoup de sens aujourd'hui, à des capacités beaucoup plus mobiles », avait-il déclaré lors de cette intervention, le 6 août, en faisant valoir qu'elles permettraient de mieux répondre aux menaces asymétriques que représente le terrorisme. Etrangement, cette nouvelle doctrine s'apparente plus à celle de Nixon qui prônait une « autogestion » des pays asiatiques de leur sécurité tant intérieure qu'extérieure. L'effectif US stationné en Corée du Sud est actuellement de 37 500 hommes, essentiellement formé par la 7e division d'infanterie. Quelque 225 appareils de tous types sont déployés dans les différentes bases aériennes de la région. L'armée US emploie quelque 4 000 expatriés et héberge plus de 11 500 familles de soldats. Au Japon, où le gros des forces est basé dans l'île d'Okinawa, les Etats-Unis déploient 47 000 militaires et 5 500 civils du Department of Defense (DOD). 350 appareils sont quant à eux stationnés dans l'archipel nippon. En Europe, sous l'égide de l'OTAN, les USA gardent un effectif de plus de cent mille hommes. L'entrée d'anciennes républiques du pacte de Varsovie dans le pacte Nord-Atlantique, a, de fait, repoussé la ligne (virtuelle) de contact avec l'ancienne Armée rouge, de l'Allemagne, vers les frontières naturelles de Russie. C'est le déplacement de ce centre de gravité vers l'Est qui a rendu caduque la présence d'une division en Allemagne. La multiplicité des foyers de tension et les alliances conclues avec certaines anciennes Républiques soviétiques ont dû précipiter ce besoin de redéploiement des effectifs militaires US dans la région. Les incursions et les actions terroristes dans les régions allant de la Corne de l'Afrique à l'océan Atlantique ont alimenté les craintes de Washington de voir le Sahel se transformer en une véritable pépinière alimentant (et recueillant) les activistes d' Al Qaîda. Pour cela, il n'est pas exclu qu'une partie des éléments retirés du Japon, de Corée et d'Europe, vienne verrouiller cette région d'Afrique, dans le cas où les Etats-Unis choisissent d'y installer des bases militaires. De l'île de Guam, au milieu du Pacifique, à la région occidentale du Sahel en passant par Diego Garcia dans l'océan Indien et la Corne de l'Afrique, et avec, plus au nord, des bases allant des Balkans aux frontières sino-pakistanaises, l'armée US encerclera littéralement l'ensemble du monde musulman, en attendant, probablement, de s'y installer.