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Que fera Barack Obama?
UN NOIR INVESTI 44E PRESIDENT AMERICAIN
Publié dans L'Expression le 22 - 01 - 2009

Crise financière et économique, récession, deux guerres en cours, la question israélo-palestinienne, le dossier du nucléaire...Le successeur de George W.Bush a du pain sur la planche.
La seule chose certaine, pour le moment, est que Barack Hussein Obama, 44e président des Etats-Unis d'Amérique, reçoit un héritage peu enviable de son prédécesseur, George W.Bush. En gros: une crise économique sévère qui rappelle celle laissée par le président Herbert Hoover au président Franklin D.Roosevelt, deux guerres qui sont de véritables bourbiers (Irak et Afghanistan), des conflits susceptibles de mettre en danger la paix dans le monde comme celui du Moyen-Orient, qui vient de connaître un autre chapitre tragique avec l'attaque barbare lancée par l'armée israélienne contre Ghaza, ou encore celui ouvert avec l'Iran à propos du programme nucléaire, ainsi que celui qui oppose l'Inde au Pakistan. Certains estiment qu'Obama est jeune et inexpérimenté pour pouvoir faire face à tous les défis et aux attentes immenses de ses concitoyens et du monde. D'autres voient en lui un Messie qui annonce une nouvelle ère. Peut-être sera-t-il tout simplement un président un peu plus soucieux du bien-être de ses concitoyens les plus pauvres qui se recrutent majoritairement parmi les gens de sa race, plus attentif à ses collaborateurs, plus enclin à écouter au moins les pays alliés et amis des Etats-Unis et à dialoguer avec les autres. A en juger d'après ses déclarations, il sera un peu plus multilatéraliste et plus respectueux des institutions internationales, contrairement à son prédécesseur qui fut un unilatéraliste guerrier. Ceci étant, les institutions américaines joueront comme d'habitude leur rôle. D'où l'importance du choix des collaborateurs dont beaucoup sont des anciens de l'administration Clinton. Ce qui ne représente pas le changement tant proclamé par Obama.
La crise économique dont hérite Obama est la plus sévère depuis la Grande Dépression dans les années 30. Les Etats-Unis sont en récession. Certains secteurs industriels, comme celui de l'automobile, sont sinistrés et ne pourraient pas survivre sans l'aide publique. Le chômage s'aggrave: son taux a atteint 7,2% en décembre dernier, soit le plus élevé depuis 16 ans, et deux millions et demi de personnes ont perdu leur emploi en 2008, soit la plus forte baisse depuis la fin de la seconde Guerre mondiale. Cette année, le déficit budgétaire sera de 1200 milliards de dollars sans compter quelque 850 milliards de dollars pour financer le «Plan de relance et d'investissements» que le Congrès devrait approuver vers la mi-février. On comprend que le président Obama ait fait de la lutte contre la récession sa priorité afin qu'elle soit la plus courte possible. Il a avancé plusieurs idées dont le lancement de grands travaux comme la rénovation des infrastructures routières, la modernisation des immeubles administratifs et des écoles, le doublement de la production des énergies alternatives pour augmenter l'indépendance énergétique des Etats-Unis, la création de 2,5 millions d'emplois. D'autres mesures sont également envisagées: réduction d'impôt de 1000 dollars dont bénéficieraient environ 95% des salariés, afin de relancer la consommation, les entreprises qui embauchent (lutte contre le chômage) bénéficieraient de 3000 dollars, réforme de la santé (près de 50 millions d'Américains n'ont pas de couverture sociale).
Les idées et les projets ne manquent pas, mais comment vont être financés tous ces projets aussi coûteux les uns que les autres? Certains, surtout dans les rangs républicains, affichent leur pessimisme à propos du «Plan de relance et d'investissements» et ne cachent pas leur crainte quant au gigantesque déficit budgétaire et l'énorme endettement public qui se situe déjà autour de 10.000 milliards de dollars. D'autant plus que, pour le moment, on ignore la profondeur et la durée de la crise économique.
Un héritage désastreux
Le président Barack Obama hérite aussi de deux guerres désastreuses en Irak et en Afghanistan. Il a toujours été contre la guerre en Irak. Dans un discours prononcé le 2 octobre 2002, lors d'un meeting anti-guerre à Chicago, il avait déclaré: «Je ne suis pas quelqu'un qui s'oppose à la guerre en toutes circonstances...Je suis contre une guerre stupide, non basée sur la raison, non sur le principe, mais sur la politique». Pour lui, la seule guerre qui vaille d'être menée est celle qui sert les intérêts suprêmes des Etats-Unis. Il dénonçait les néoconservateurs qui peuplaient l'administration Bush. Il a fait du retrait des troupes américaines d'Irak son principal thème de campagne. Il envisage d'effectuer ce retrait en 16 mois, à compter du jour de son investiture. Des forces resteront en Irak pour mener des opérations ponctuelles de contre-terrorisme, mais il n'y aura pas de bases permanentes. Une promesse qui s'avérera difficile à tenir compte tenu des intérêts américains en Irak que symbolise l'immense ambassade ouverte à Baghdad. Une partie des troupes qui quitteront l'Irak sera déployée en Afghanistan. Obama compte y injecter encore 30.000 hommes et demander à ses alliés de l'Otan de consentir aussi des efforts supplémentaires. Il compte également dégager plus de ressources pour le développement de l'économie afghane et augmenter l'aide non militaire au Pakistan qui sera fermement invité à sécuriser les zones frontalières. Pour Obama, la résurgence des talibans en Afghanistan constitue «les plus grand danger» pour la sécurité des Etats-Unis, et le premier devoir d'un président est de défendre son peuple.
Le nouveau président poursuivra donc la lutte contre le terrorisme. Comme tous les Américains, il est marqué par le 11 septembre. A l'époque, il avait appuyé la demande de l'administration Bush de «faire la chasse et éliminer ceux qui ont massacré des innocents au nom de l'intolérance». Aujourd'hui, il est plus décidé que jamais de défaire le terrorisme dans le monde et a annoncé déjà quelques mesures pour réaliser cet objectif: améliorer les capacités de renseignement, préparer les militaires à faire face aux défis du XXIe siècle, gagner la bataille des idées en travaillant avec les modérés dans le monde musulman (c'est ainsi que 2 milliards de dollars seront consacrés à l'éducation, une idée qui rappelle le G.M.-O.), restaurer l'influence des Etats-Unis dans le monde.
Le terrorisme nucléaire retiendra l'attention du président Obama qui a évoqué, entre autres, le danger d'une bombe radiologique (bombe sale). C'est ainsi que l'Iran est sommé d'abandonner son programme nucléaire qualifié d'«inacceptable», de cesser d'aider les terroristes et de ne plus menacer Israël. Pourtant, le candidat Obama avait déclaré qu'il était favorable à un dialogue «sans pré-conditions» avec Téhéran et Damas. Ce dialogue sera probablement amorcé au niveau d'un envoyé spécial qui sera chargé du dossier iranien, mais il est difficile de prévoir un quelconque progrès, du moins à court terme. De même qu'il est difficile de prévoir comment évolueront les discussions avec la Corée du Nord dont le démantèlement du programme nucléaire est une nécessité pour éviter un effet domino (Corée du Sud et Japon). Cette détermination manifestée à l'encontre de l'Iran et de la Corée du Nord gagnerait à être étendue à Israël.
Un tabou. Cela étant, l'alignement de Bush sur Israël a été tel que le moindre recentrage par Obama paraîtra comme un progrès. La vigilance est de rigueur.
Evoquer le nucléaire, renvoie à la problématique du désarmement en général. Les travaux de la Conférence du désarmement de Genève sont gelés depuis 1996, date à laquelle furent conclues les négociations du Traité sur l'interdiction des essais nucléaires. Obama a bien annoncé son intention de favoriser la conclusion d'un Traité sur les matières fissiles, mais ses préoccupations concernent surtout les mesures à prendre pour éviter la contrebande de tout ce qui pourrait permettre aux terroristes de mettre la main sur des matériaux sensibles. Toujours en matière de désarmement, il faudra aussi attendre les initiatives qui seront prises en direction de la Russie pour voir plus clair. Deux grands dossiers opposent au moins les deux pays: la mise en place du bouclier anti-missile américain et l'élargissement de l'Otan, une question sur laquelle Obama pourrait se prononcer lors du prochain Sommet de l'Alliance atlantique.
Obama ne dévoile pas toutes ses cartes
S'agissant du conflit du Moyen-Orient, Obama a été très peu loquace, pour ne pas dire même muet depuis sa gaffe devant l'Aipac, le lobby pro-israélien (Jérusalem «capitale indivisible» d'Israël»). Lors des massacres de Ghaza, il a fini par annoncer son intention d'en faire une question prioritaire. Ceci se traduira probablement par la désignation d'un envoyé spécial qui fera la navette entre les parties concernées et intéressées, comme ce fut le cas sous l'administration Clinton. Pour l'instant, on sait qu'Obama maintiendra un partenariat fort avec Israël, continuera à appuyer son droit à se défendre (il a défendu ce droit en 2006, dénoncé les missiles de Hizbollah et cosponsorisé un projet de résolution dans ce sens) et renforcera même l'aide militaire. Il a déclaré que «les Etats-Unis ne prendront jamais leurs distances avec Israël, le plus fort allié dans la région».
Enfin, il faut rappeler que les Etats-Unis ont des relations de plus en plus poussées avec l'Inde. Les deux pays ont signé un accord de coopération nucléaire en dépit du fait que New Delhi n'a pas adhéré au Traité de non prolifération (T.N.P.). Washington a besoin du Pakistan pour mener sa lutte anti-terroriste. Les deux voisins du subcontinent indien sont des puissances nucléaires de facto et la ligne de cessez-le-feu au Cachemire est une véritable ligne de feu depuis 1949. Obama essayera de calmer le jeu et confiera probablement ce dossier à un envoyé spécial.
Très prudent, Obama n'a pas encore dévoilé toutes ses cartes. Il compte agir vite sur plusieurs fronts et sera forcé de les dévoiler assez tôt. Pragmatique, il s'adaptera au terrain. Il devra faire preuve de courage car il hérite d'un bateau en train de couler. Il apportera certainement des changements, mais seront-ils cosmétiques ou stratégiques? Espérons qu'il incarnera un monde plus juste et plus pacifique. Il part avec un préjugé favorable, mais la période de grâce sera courte.
(*) Ancien ambassadeur


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