George W.Bush a introduit, au début de l'année, le concept saugrenu d'«axe du mal». Créée au début des années 90 par les Etats-Unis, la notion d'Etat terroriste a trouvé une nouvelle opportunité à la faveur de l'attaque antiaméricaine du 11 septembre de l'année dernière. Première puissance mondiale, l'Amérique s'est donc arrogé le droit de cataloguer des Etats souverains taxés, par elle, de «soutien au terrorisme». Ainsi, dès 1993, une première «liste noire», constamment mise à jour, a été établie et comprenait sept Etats, coupables, selon Washington, de soutenir le terrorisme international. Ces Etats, dont le nombre n'a pas beaucoup varié depuis, sont l'Irak, l'Iran, la Syrie, la Libye, le Soudan, Cuba et la Corée du Nord. Si l'on excepte ces deux derniers pays, latino-américain et asiatique, on note que le plus gros contingent d'Etats «rebelles» se compose de pays arabes et musulmans. Coïncidence fortuite? Peu probable, en vérité ! A suivre les experts américains ayant établi cette «liste noire», le quart des Etats arabes sont des Etats «terroristes», ou au mieux soutiennent le «terrorisme», contre lesquels les Etats-Unis seraient en droit d'utiliser tous les moyens qu'ils jugeraient nécessaires. Voilà en tout état de cause un concept étrange qui voit un pays, aussi puissant soit-il, parmi les 200 qui composent la planète, s'attribuer le droit de juge et partie et de déterminer, à lui seul, les bons et les mauvais, le rain de l'ivraie. Une manière détestable de voir le monde de haut, ou mieux du sommet de sa puissance militaire, exprimée encore, en mars dernier, par le président américain George W.Bush qui menaçait de ses foudres ce qu'il a appelé «l'axe du mal». Autrement dit l'Irak, la Corée du Nord et l'Iran. Ainsi, M.Bush fait retomber le monde dans le manichéisme, du bien et du mal, de l'époque des sorcières de Salem. De fait, cette vision obscurantiste des rapports entre les Nations a été très mal accueillie par les partenaires de Washington, et aux Etats-Unis mêmes. Après les déclarations du président américain, des proches du président français Jacques Chirac avaient estimé quelque peu agacés que «la rhétorique du bien et du mal n'est pas adaptée à la réalité du monde tel qu'il est aujourd'hui». Le discours belliqueux de l'hôte de la Maison-Blanche, a également fait réagir l'ancienne secrétaire d'Etat du président Bill Clinton, Madeleine Albright, qui qualifia de «grave erreur l'amalgame» que faisait le président Bush. De fait, George W.Bush, fait sien le concept de «la carotte et du bâton», cher aux responsables américains, récompensant les bons et réprimant les mauvais, développé au début du siècle dernier. Entouré de faucons à l'image de son secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, ou de sa conseillère diplomatique et à la sécurité nationale, Condoleezza Rice, il ne fallait pas attendre de M.Bush, néophyte en politique internationale, qu'il fasse jouer à la première puissance mondiale le rôle qui lui seyait et était attendue d'elle. Une responsabilité en rapport avec cette puissance même, faite d'abnégation, éclairant les autres pays par sa sagesse, sachant employer cette force à bon escient et pour l'intérêt général. Or, tout au contraire, M.Bush donne l'impression de vouloir user de cette puissance pour mettre les Etats du monde au pas. La désignation de pays souverains, membres de droit des Nations unies, comme Etats «rebelles» ou «voyous» montre combien les Américains ont été incapables d'assumer la charge de leur puissance militaire, économique et financière, allant jusqu'à ne pas tolérer que des pays aient des concepts de vie différents du leur. En effet, si le fait est avéré que des Etats, comme les en accuse Washington, «soutiennent le terrorisme», il appartiendra alors aux Nations unies et au Conseil de sécurité, seul habilité en la matière, à réprimer ces écarts afin d'y mettre un terme. Or, aujourd'hui, les Etats-Unis de George W.Bush, prétendent se substituer à la communauté internationale et aux Nations unies dans la lutte contre le terrorisme, et même, se mêler de problèmes internes propres aux Etats, comme cette lubie à vouloir changer le régime irakien. Le danger aujourd'hui pour la paix et la sécurité pour le monde ne vient nullement de ces prétendus Etats «voyous», mais bien de la propension des Etats-Unis, qui, à l'image du cow-boy, tire d'abord et pose les questions ensuite. Le western en grandeur planétaire! La paix et la sécurité du monde sont trop sérieux pour souffrir d'être laissées dans les seules mains de la première puissance mondiale.