Azar Nafisi a signé un livre majeur, le meilleur essai de cette année. Lire Lolita à Téhéran est plus qu'un témoignage ou un combat contre l'intégrisme. Il donne à comprendre, ouvre des horizons. La culture est la meilleure arme contre tous les fascismes. Salman Rushdie ne s'était pas trompé quand il avait dit que l'Iranienne Azar Nafisi fait partie des écrivains « qui ont ouvert les premières brèches et qui ont, en transperçant la peur de l'Autre, créé ce vent nouveau de curiosité », en faisant référence au désir de l'Amérique de comprendre le monde après les attentats du 11 septembre. Lire Lolita à Téhéran met à nu l'intégrisme et montre que la littérature peut se révéler un moyen efficace d'émancipation. Le cadre d'abord. Après avoir été obligée de démissionner de l'Université de Téhéran, à cause de la pression des autorités iraniennes, Azar Nafisi a réuni, chez elle, clandestinement pendant près de deux ans, sept de ses étudiantes pour découvrir de grandes œuvres de la littérature. Certaines de ces filles étaient issues des familles conservatrices et religieuses, d'autres de milieux progressistes et laïques. « Cette expérience unique leur a permis à toutes, grâce à la lecture de Lolita de Nabokov ou de Gatsby le Magnifique de Scott Fitzgerald, de remettre en question la situation ‘'révolutionnaire'' de leur pays et de mesurer la primauté de l'imagination sur la privation de liberté », note très justement l'éditeur. Azar Nafisi est professeur de littérature anglo-saxonne à l'Université de Téhéran à la chute du Shah. Elle partage la liesse générale mais comprend vite qu'elle doit porter le voile pour dispenser son savoir. Très vite, elle s'entend expliquer que son enseignement est nuisible, amoral et « occidental », insulte suprême durant le règne de Khomeiny. Azar Nafisi démissionne et se rebelle. Manna, Mashid, Yassi, Azin, Mitra, Sannaz et Nassrin, les sept filles qui se rendent en cachette chez leur professeur, jettent leur tchador le temps de s'instruire, de découvrir l'Autre par le regard des écrivains. La littérature était leur seule évasion, leur seule fenêtre de liberté face à la police de la pensée, de la vertu... A toutes les polices de la censure. Exilée à Washington où elle enseigne à l'université John Hopkins, Azar Nafisi explique que ce cercle de littérature clandestin a été pour elle la seule manière de lutter contre le régime en utilisant ses propres armes. Grande "défenseuse" de l'islam, qui est à ses yeux une magnifique religion, elle dénonce les intégristes de son pays qui défigurent la religion musulmane et qui font de l'Iran un enfer sur terre.