Abdelatif Benachenhou, l'ex-ministre des Finances, a animé hier à Boumerdès, dans le cadre des activités de l'université d'été du FLN, une conférence-débat sous le thème « La croissance économique en Algérie : ressources et politiques ». Très critique à l'égard des politiques économiques adoptées par le gouvernement, Benachenhou dira notamment que « la question de la croissance ne se réduit pas à l'argent mais elle est beaucoup plus complexe ». D'autant plus complexe qu'elle exige une exploitation rationnelle et maximale des ressources humaines, expliquera l'ex-grand argentier du pays. « Nous produisons chaque année des milliers de diplômés, mais sont-ils mis à contribution pour développer notre économie ? », s'interroge Benachenhou qui trouve que « le débat sur la croissance est très faible ». « Une situation paradoxale vu les besoins de l'Algérie en termes de croissance », dira-t-il. Mais « cette situation, qui s'explique par la crise sociale majeure qu'a vécue l'Algérie durant les années 1990, est appelée à changer en raison de l'ouverture de l'économie algérienne ». Benachenhou apporte la contradiction au discours rassurant du président et du gouvernement actuel en imputant la faiblesse de la croissance au développement inégal des ressources. « L'épargne privée, tout comme celle publique, est croissante et les réserves extérieures sont solides. Autant de facteurs à même d'assurer une croissance stable et qui rendent l'investissement global plus crédible pour les Algériens et les étrangers. Mais notre pays continue à envoyer des signaux contradictoires à l'adresse des investisseurs étrangers », a déclaré le conférencier. « Tant que nous n'avons pas clairement défini notre position, il ne peut y avoir d'investissements étrangers dans notre pays », tranche Benachenhou. Il s'indignera autant par l'insuffisante croissance des ressources humaines, l'insuffisance dans la mobilisation du développement des ressources naturelles et le sous- développement inquiétant des infrastructures, notamment dans le secteur du transport. En définitive, Benachenhou estime que « l'insuffisance des ressources humaines - dont la formation, le placement et surtout l'usage constituent le maillon faible des politiques suivies actuellement - est le principal facteur limitant de la croissance ». Globalement, Benachenhou, qui a suscité aussi bien des applaudissements que des signes de désapprobation parmi l'assistance, hier à la salle de l'INH de l'université M'hamed Bouguerra, sur nombre de questions, apporte des éléments de réponse en constatant des lacunes dans le foncier agricole. « Pour les entreprises non agricoles, les résultats sont mitigés », a dit l'ex-ministre. « En dehors du secteur de l'agriculture, la progression de la petite privatisation est plus ou moins acceptable, mais la grande privatisation ce n'est pas clair » a-t-il dit. En conclusion, Benachenhou fait le lien entre la croissance économique et la réconciliation nationale. Celle-ci n'est pas contradictoire avec la première, a-t-il commenté, puisque « c'est la crise des années 1990 qui a imposé une approche politique à ce problème qui a contribué à rendre le débat économique marginal ». « Le taux des investissements nationaux ne dépasse pas les 30 %, tandis que l'épargne dépasse les 50 %. Ceci à un moment où plus de 71 % des exploitations agricoles ne bénéficient pas d'un cadre juridique. Elles n'ont pas d'actes de propriété », dira-t-il. Tout cela n'est pas correct aux yeux de l'ex-ministre. Pour lui, « une nouvelle tarification des biens et des services n'est pas anti-sociale. C'est la situation actuelle qui peut le devenir en entretenant le gaspillage et en freinant l'investissement ». Il donnera l'exemple de l'eau dans les différents usages et des carburants. « Comment rendre la propriété publique efficace dans une économie de marché ? C'est une autre difficulté. Si une nouvelle politique économique de croissance est compatible avec la politique de réconciliation nationale, il n'en demeure pas moins qu'il existe des priorités à donner à la première. Parmi elles, une juste répartition des richesses entre toutes les wilayas du pays et la garantie de l'emploi pour les jeunes », a-t-il dit.