Si Beni Mansour était il y a encore quelques années connu pour son marché, sa poste, sa gare ferroviaire et toutes les commodités qui facilitaient la vie quotidienne de ses habitants qu'enviaient toutes les localités environnantes, il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui, tous ces acquis ont brusquement disparu reléguant le village au statut de lieu-dit. Pis, le village n'est cité aujourd'hui que pour sa léthargie et la sévérité légendaire de son climat, hiver comme été. Le marché de Beni Mansour, qui se tenait chaque dimanche, était une place de négoce très convoitée par les marchands, on y convergeait de partout, se rappellent les plus vieux, on y vendait tout, sans compter les nombreux charlatans et autres troubadours qui égayaient les rues du village et attiraient même les touristes étrangers dans les années 1960 et 1970. Rien de tout cela désormais, n'était-ce deux ou trois camionnettes qui viennent épisodiquement écouler des légumes et des fruits, de qualité souvent douteuse, qui n'ont aucune chance d'être vendus ailleurs. Côté développement, le village n'est pas mieux loti non plus, aucune nouvelle réalisation n'est venue atténuer le calvaire des habitants sur le plan socioéconomique. On est bien loin de l'euphorie des années fastes où le village, en raison de sa situation stratégique et de sa gare ferroviaire, accueillait presque tous les projets économiques destinés à la commune de Boudjellil. C'est ainsi qu'une unité Batimetal, une CAPCS, une unité de l'ex-Sonarem et un centre de santé sont venus constituer un embryon de tissu économique. Cependant, ces infrastructures n'ont jamais été exploitées à bon escient et n'ont jamais profité aux villageois. La société Baticompos, née de la restructuration de Batimetal, a choisi, pour des raisons qui restent à élucider, la ville de Bouira comme siège de sa direction générale, alors que de l'avis de nombreux cadres, celle-ci aurait dû rester à Beni Mansour « pour que la commune en tire profit », disent-ils. La CAPCS, après quelques années de fastes activités, a été transformée en siège pour la garde communale. Même sort pour l'ex-Sonarem qui, en l'absence d'une politique d'investissement, a abandonné son projet d'exploitation d'une mine de baryte. Et pour boucler la boucle, la SNTF a décidé de supprimer de nombreux trains de voyageurs, réduisant au chômage de nombreux commerçants de la localité qui se disent asphyxiés par ce revers. Pour la seule ligne de Béjaïa, le flux de trains est passé de 10 trains quotidiens à 4. « On est loin des centaines de voyageurs quotidiens qui transitaient par cette importante gare et qui immobilisaient les deux tiers du personnel de la gare », nous dit un cheminot qui regrette que cette dernière ne soit plus qu'un terrain vague où paissent des troupeaux au milieu de la voie ferrée. Cette situation, ajoutée au fait qu'en l'absence d'infrastructures vitales telles qu'une pharmacie, un cabinet médical ou dentaire, permettant de réduire la dépendance du village des centres urbains limitrophes comme Akbou, Tazmalt et Raffour, renforce la conviction des habitants qui désirent quitter coûte que coûte ce lieu « maudit », selon leur propre expression, mais ils n'arrivent pas à fourguer leurs biens pour aller s'installer ailleurs. De nombreux propriétaires sont prêts à sacrifier pour des miettes leurs biens immobiliers, mais les acquéreurs ne se bousculent pas au portillon. Les jeunes ne sont pas en reste de cette torpeur. L'aire de jeu édifiée au début des années 1980 est abandonnée à son sort par la faute des autorités. Une équipe de football a été créée, mais en l'absence d'aide de la municipalité, celle-ci a mis, au bout de quelques mois d'existence « administrative », les clés sous le paillasson. La voûte qui y a été installée n'est plus qu'un amas de ferraille, et des vestiaires il n'en reste que le souvenir, tout y a été détruit, car le stade ne dispose pas de gardien. « Les autorités feraient mieux de restituer le terrain à ses propriétaires », dit, la mort dans l'âme, un membre de cette ex-association. Evidemment, cette situation n'a pas échappé à quelques citoyens qui ont vainement tenté de s'organiser en association afin de défendre l'intérêt du village, mais à chaque fois, des considérations politiques et tribales sont venues prendre le dessus sur ces velléités. Même le comité de village, constitué en 2004 et qui a réussi dans une conjoncture marquée par l'élection présidentielle à arracher quelques revendications d'ordre social, a fini par tomber dans les nasses de la récupération sordide. Dès l'annonce de l'organisation imminente d'élections partielles en Kabylie, les ambitions se sont affichées, et l'on ne rate nulle occasion, en investissant entre autres cérémonies de mariages et enterrements, pour la confection de listes électorales en promettant, comme de coutume, monts et merveilles à la population.