Alors que l'opération de drainage des eaux des villes inondées au cours du passage de l'ouragan Katrina en Louisiane fait craindre la découverte de plusieurs milliers de victimes, de plus en plus de voix s'élèvent aux Etats-Unis pour critiquer le plan de prévention et de gestion des catastrophes mis en place par l'Administration Bush au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Le débat engagé sur l'efficacité de ce plan d'alerte, dont la concrétisation aurait coûté plusieurs milliards de dollars, est alimenté par une vive polémique qui oppose, actuellement, le gouvernement fédéral aux autorités de la Louisiane. Dès le lendemain du drame, les deux parties ont essayé chacune de faire endosser à l'autre la responsabilité du lourd bilan de la catastrophe causée par l'ouragan Katrina. Si dans l'entourage de l'Administration Bush, l'« imprévoyance et la faiblesse » des gestionnaires de l'Etat fédéré sont régulièrement stigmatisées, des leaders politiques aux niveaux local et national (particulièrement ceux chapeautant les mouvements noirs) accusent ouvertement la Maison-Blanche de n'avoir pas nourri pour La Nouvelle-Orléans le même intérêt que celui accordé aux autres grandes villes américaines et n'hésitent pas, par ailleurs, à « reposer avec acuité » la problématique de la fracture sociale et des clivages raciaux aux Etats-Unis. Cette différence de traitement tiendrait, selon eux, au fait que La Nouvelles-Orléans est dominée par des habitants de couleur (63%) majoritairement pauvres. Des laissés-pour-compte dont on ne se soucierait pas dans les administrations à Washington. Ces leaders noirs rappellent, à ce propos, le « cliché entretenu par les ultra-conservateurs présentant La Nouvelle-Orléans comme la ville du péché ». Un cliché qui aurait souvent servi d'« argument », ajoutent-ils, au gouvernement fédéral pour limiter son implication dans le développement de l'Etat de la Louisiane. Les responsables du parti démocrate qui ont rejoint le débat en cours de route se sont, quant à eux, interrogés sur la lenteur de la réponse apportée aux victimes de la catastrophe. A près de deux jours de la commémoration des attentats meurtriers du 11 septembre 2001, les imperfections et les failles relevées dans le dispositif de prévention et de gestion des catastrophes ont eu pour effet de mettre mal à l'aise l'opinion américaine et d'instaurer un sentiment d'insécurité au sein de la société. Celui-ci (le sentiment, ndlr) est exacerbé par les difficultés rencontrées quotidiennement par l'armée américaine en Irak dans son entreprise de mettre sur les rails un nouvel Etat. Si de plus en plus d'Américains se prononcent ouvertement pour le retrait de leur armée d'Irak, ils sont également nombreux à s'inquiéter des menaces terroristes et à se soucier de l'image de leur pays à l'étranger. La preuve : la catastrophe de la Louisiane a conduit des universités et de grands centres de recherches américains à « réfléchir », de nouveau, sur la politique de sécurité des Etats-Unis. La gravité des questions soulevées par la gestion de la catastrophe de La Nouvelle- Orléans a conduit le Congrès à mandater une commission pour déterminer les niveaux de responsabilité dans cette tragédie qui a coûté la vie à des milliers de personnes. Les conclusions du rapport de cette commission attendues avec impatience par l'opinion américaine s'annoncent déterminantes pour l'avenir politique du président Bush. Les observateurs estiment que l'ancien gouverneur de l'Etat du Texas pourrait bien perdre de son influence dans le cas où ce rapport serait défavorable à son Administration. Cette hypothèse pourrait être aggravée si la justice venait à le séparer de son principal conseiller, Karl Rove, dont tout le monde pense qu'il est la source « anonyme » de la journaliste du New York Times emprisonnée à la suite de la divulgation du nom d'un agent de la CIA. Le Président américain, qui ne donne pas l'air pour le moment d'être inquiété, a demandé au Congrès de consacrer une enveloppe supplémentaire d'un montant de 51,8 milliards de dollars au profit de la Louisiane. Celle-ci a été accordée jeudi dernier. Le gouvernement fédéral estime que 200 milliards de dollars seront nécessaires pour prendre en charge les sinistrés et reconstruire les villes dévastées par l'ouragan Katrina. 13 jours après la catastrophe, aucun bilan définitif officiel des victimes n'est encore rendu public. Mais les nombreux titres de la presse américaine évoquent plusieurs milliers de morts et considèrent le drame comme le plus meurtrier de l'histoire des Etats-Unis. Au plan des secours, les équipes s'activent sur le terrain dans l'espoir de retrouver des survivants. Les chances restent toutefois limitées en raison de la dégradation de la situation sanitaire des villes touchées par le cyclone. Des corps de victimes, parfois en début de décomposition, sont découverts quotidiennement. Pour limiter le champ des épidémies, la police de La Nouvelle-Orléans et l'armée ont décidé, hier, d'user de la force pour faire évacuer les 10 000 personnes qui sont restées volontairement sur les lieux après la catastrophe. Par ailleurs, la Federal Emergency Management Agency (FEMA) a annoncé que plus de 47 300 personnes ont été secoures et que 235 200 autres sont hébergées dans des shelters. A rappeler que des dizaines de milliers de rescapés ont été accueillis par les Etats voisins à la Louisiane. Ils bénéficient d'une forte solidarité de la société américaine.