La question du logement social a été à l'origine d'un grand mouvement de protestation observé par les citoyens de la ville de Aïn Boucif (à 80 km au nord de Médéa, où vit une vingtaine de milliers d'habitants), dans la journée de dimanche dernier. Vers 9 h de cette journée-là, un peu plus d'un millier d'habitants se sont donné rendez-vous près du siège de l'APC de la ville. A l'origine de cette grogne somme toute imprévisible, la manière dont a été distribué le quota de logements sociaux (149 au total), caractérisé par l'absence d'équité et la non-prise des paramètres les plus élémentaires dans pareille situation. Fermeture du siège En un assez court laps de temps, les élus de l'APC ont été sommés de quitter la mairie. Voyant le président de l'APC venir, des citoyens n'ayant pas figuré sur la liste des heureux bénéficiaires ont tenté de lui demander des explications sur les critères qui ont été pris en considération pour faire bénéficier tel ou tel citoyen d'un logement. Mais contre toute attente, ce dernier se serait mis à les insulter. C'est alors que les citoyens présents aux abords du siège de l'APC ainsi qu'à l'intérieur procédèrent à la fermeture du siège, informant le premier magistrat de la ville qu'il sera poursuivi en justice au nom de la population de Aïn Boucif. Daïra depuis 1974, la ville donne l'impression d'un endroit désert. Sous un soleil de plomb, quelques rares personnes vaquent à leurs affaires, notamment celles consistant à faire des achats avant que la chaleur ne devienne insupportable. Aux abords du siège de l'APC et en dépit du fait que la tension a légèrement baissé, il n'en demeure pas moins que l'ébullition est omniprésente. Un rien mettrait le feu aux poudres. C'est d'ailleurs pour cette raison que le service d'ordre (dépêché en force) est aux aguets. Un policier en civil ayant deviné notre identité s'approche de nous. « J'espère que vous avez votre ordre de mission. De toutes façons, si vous voulez-vous adresser au président de l'APC, eh bien ce dernier n'est pas ici, de même d'ailleurs que ses adjoints ou le secrétaire général de l'APC », nous dira-t-il. C'est alors qu'un citoyen nous prit par la main, désignant du doigt une dizaine de personnes (dont l'écrasante majorité est jeune) assises par terre, juste en face du siège de l'APC. « Elles observent une grève de la faim depuis l'aube d'aujourd'hui (le 16 août), afin de protester contre les pratiques maffieuses présentes au sein de l'APC », martèlera-t-il. C'est alors que tout un chacun voulait intervenir pour dire toute la frustration qu'il ressent. « Nous exigeons le départ du président de l'APC. Il a fait preuve d'arbitraire et de parti-pris flagrant. Certains bénéficiaires sont aisés et n'ont guère besoin d'un logement social. D'aucuns font dans la provocation, nous poussant à verser dans la violence. Nous avons compris leurs desseins et nous n'allons pas marcher dans leur logique. Nous sommes des personnes pacifiques », nous dira le président d'une association culturelle. Les intervenants ont été unanimes pour dire que les lacunes de la ville (et de la commune) de Aïn Boucif sont nombreuses. Retrait de confiance L'eau, l'électricité, la santé et l'état des routes sont, entre autres, les problèmes qui attendent d'être solutionnés dans les plus brefs délais. Un citoyen s'apprêtant à prendre la parole fut interrompu par un groupe de personnes (le DRAG, le directeur de la planification et le directeur général de l'OPGI de la wilaya de Médéa) émissaires du wali de Médéa. « Nous sommes venus écouter vos doléances... », dira l'une des personnes envoyées par le wali de Médéa. Mais la foule l'empêchera de terminer son intervention, scandant en chœur « Wali ! wali ! wali ! », comme pour montrer son attachement à la présence de ce dernier. Un groupe de 5 élus de l'APC de Aïn Boucif nous remettra un document (envoyé au wali de Médéa) dans lequel ces élus annoncent leur retrait de confiance à l'actuel président de l'APC, eu égard à sa mauvaise gestion des affaires des citoyens. Avant de quitter les protestataires pour nous diriger vers la daïra de Aïn Boucif, des citoyens nous ont remis une plate-forme de revendications, dont la création d'une commission d'enquête en vue de jeter la lumière sur les dépassements de l'Assemblée populaire et la nécessité de présenter des excuses publiques par le président de l'APC (aux citoyens de la ville) suite aux insultes qu'il aurait proférées et enfin la révision de la liste des bénéficiaires des logements sociaux. Ce dernier point a été approuvé par M. Haddou, chef de la daïra de Aïn Boucif. « L'actuelle liste sera revue. Actuellement, nous avons un total de 48 recours. Après le délai réglementaire de 8 jours, nous les transmettrons au président de l'APW de Médéa. Il faut que les gens sachent que les bénéficiaires de logements qui n'ont pas fait l'objet de recours verront leurs noms maintenus », précisera-t-il. De retour à Médéa, nous fîmes un tour du côté du siège de la wilaya dans l'espoir d'avoir le point de vue du premier magistrat de la wilaya. Après qu'il nous ait dit qu'il allait voir avec ses supérieurs si le wali pouvait nous recevoir (il ne nous a pas dit que le wali était en congé, contrairement à ce que nous avons entendu çà et là), le préposé à la porte d'entrée nous demandera de patienter. Quelques minutes plus tard, il nous fera comprendre que cette rencontre ne pouvait avoir lieu. Selon lui, il nous était possible de parler avec le chef du cabinet du wali de Médéa. Après avoir patienté durant un bon quart d'heure, notre homme viendra nous informer que le responsable en question est « très occupé » et qu'il ne pouvait, de ce fait, s'adresser aux journalistes.