« 80% de ceux qui sont dans les maquis reviendront. Restera alors une minorité sans religion et sans principe qu'Allah et le temps finiront par décimer », a déclaré, le 23 août dernier, Madani Mezrag, chef de l'ex-Armée islamique du salut (AIS), une organisation présentée souvent comme le bras armé de l'ex-FIS. D'où tient-il une telle conjecture ? Pour toute réponse, il a souligné : « Les éléments du GSPC ont une réceptivité pour descendre du maquis puisqu'ils sont très religieux. Leur descente est quasi acquise. » Pour sa part, le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia a déclaré, quelques jours plus tard, que la charte pour la paix et la réconciliation pourrait convaincre un millier de terroristes de déposer les armes. Ouyahia et l'architecte de la charte, le chef de l'Etat en l'occurrence, n'ont pas, par ailleurs, clarifié certains flous qui caractérisent la démarche devant, selon eux, aboutir à la paix civile. Comment et par quel moyen peut-on persuader les terroristes de quitter les maquis d'autant plus qu'ils sont les premiers concernés par l'offre de paix décidée par le Président Abdelaziz Bouteflika ? Le projet cible-t-il des terroristes à titre individuel ou des groupes armés en tant que structures ? Si l'on se réfère aux dispositions préliminaires consignées dans la première ébauche de la charte pour la paix et la réconciliation, on peut déduire que le projet vise avant tout des individus. Pourtant, l'expérience tirée des contacts engagés en 1997 avec l'AIS a démontré que les initiatives pouvant toucher directement des structures sont les plus payantes. De telles démarches étaient pour ainsi dire les plus efficaces et les moins coûteuses. L'Armée islamique du salut, on s'en souvient, avait annoncé une trêve en octobre 1997, après des tractations secrètes engagées avec les chefs militaires. Le 13 janvier 2000, l'organisation s'était autodissoute. La tactique avait permis, au-delà des concessions faites aux anciens bourreaux, de mettre hors état de nuire des centaines d'éléments de ce groupe et de récupérer un important arsenal de guerre. Selon diverses sources, plus de 3000 éléments de l'AIS ont quitté le maquis depuis l'entrée en vigueur de la trêve jusqu'à l'autodissolution de l'AIS. Néanmoins, les attentats du 11 septembre 2001, qui ont ciblé les tours jumelles, ont entraîné une nouvelle éthique et de nouvelles visions dans le traitement des dossiers sécuritaires. Partant, un éventuel accord entre les organisations terroristes encore actives et l'Etat suppose, a priori, des tractations secrètes de longue haleine. Or des négociations avec une organisation comme le GSPC, considérée, soit dit en passant, par les stratèges de la lutte antiterroriste du monde entier comme un escadron barbare et sanguinaire, feront perdre à l'Algérie toute crédibilité dans une conjoncture internationale marquée surtout par une coopération soutenue dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. L'équation des jusqu'au-boutistes Conscient de ces enjeux, le Président Bouteflika, qui cumule la fonction de ministre de la Défense nationale, ne se laissera certainement pas embringuer dans une logique qui risque de précipiter l'Algérie dans le gouffre de l'isolement. Force est de souligner, en ce sens, que la charte pour la paix et la réconciliation nationale tombe au moment même où l'Europe, notamment la Grande-Bretagne, est touchée de plein fouet par des attentats particulièrement sanglots. Aussi, et selon les analystes de la scène sécuritaire, le GSPC, qui a affiché son allégeance à Al Qaîda, a exclu tout « compromis » avec les autorités. D'autres informations, jamais confirmées, avaient fait état de l'exécution de Hassan Hattab, ancien chef du GSPC. Selon ces sources, il aurait été liquidé par une faction de radicaux pour avoir voulu engager des contacts avec les autorités entre 2000 et 2002. Cela reviendrait à dire que le groupe est actuellement commandé par une bande de jusqu'au-boutistes qui rejettent tout rapprochement avec les autorités. Cela est d'autant plus vrai que le GSPC, doté d'un site Internet, n'a rendu publique aucune déclaration concernant la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Sa seule réponse à l'offre de Bouteflika, c'étaient les attentats particulièrement meurtriers perpétrés depuis l'annonce de la date du référendum et son appel en direction des éléments qui se revendiquent d'Al Qaîda en Irak pour exécuter les deux diplomates algériens enlevés puis assassinés. Pour tout dire, la nouvelle donne internationale et l'inflexibilité du GSPC, du moins en tant que structure, rendent quasiment impossibles des contacts directs avec les groupes armés qui sévissent encore. Ainsi, la seule possibilité qui s'offre aux autorités civiles et militaires est d'arriver, par divers moyens, à toucher les terroristes en tant qu'individus. Les contacts pourraient se faire, notamment, par le biais des familles de terroristes et par l'intermédiaire des anciens repentis. Lors de sa dernière conférence de presse, Madani Mezrag avait déclaré être en contacts avec des terroristes du GSPC et que ces derniers ont « montré une ferme volonté de déposer les armes ». La nouvelle stratégie vise, selon des analystes, à vider les structures terroristes de leur première substance, à savoir le potentiel humain et logistique sachant que les redditions se feront avec arme et bagage. Pour qu'une telle entreprise réussisse, les contacts devraient concerner les réseaux de soutien au terrorisme. Il ne restera alors que les têtes réfractaires, affaiblies et dépourvues de leurs potentiels humains et matériel et dont la lutte antiterroriste s'en chargera.