Annoncés la veille, Belkhadem, Haïchour et Ben Bella ne sont finalement pas venus à Constantine. Ce jeudi, au Palais de la culture Malek-Haddad, il y avait du monde, en majorité des «islamistes», pour suivre le discours «enflammé» d'un certain Madani Mezrag. Etaient présents également des sénateurs, des députés, notamment du RND, des représentants de partis politiques venus de plusieurs wilayas, des représentants des organisations estudiantines Ugel et Unea, enseignants et étudiants en chariaâ, des familles de disparus, des familles victimes du terrorisme et enfin des repentis. Sur un ton ferme et souvent sévère, Madani Mezrag a tenu un discours, où il a osé «attaquer» tout le monde. L'Etat, les victimes du 5 octobre 1988 et les archs n'ont pas été épargnés. «Le peuple algérien n'a nullement besoin qu'on lui rappelle l'édification de la réconciliation nationale. Ça fait des années qu'il n'attend que ça» a-t-il lancé au début de son discours. Le chef de l'ex-AIS, qui ne s'était nullement gêné pour parler au nom du peuple, a déclaré sur un ton ostentatoire: «à ceux qui nous aiment, à ceux qui nous haïssent, à ceux qui nous considèrent comme des criminels, je suis fier de vous dire aujourd'hui, n'en déplaise à certains, que je suis Algérien». Exploitant à fond le registre religieux, il a lancé quelques allusions «non dénuées d'arrière-pensées». «Le prophète est un homme de paix, de réconciliation et de pardon, mais aussi un homme de guerre». Pourquoi cette allusion, et à quelle fin, a-t-elle été prononcée? Ce n'est certainement pas Mezrag qui va répondre à cette question. Mais l'on peut aisément comprendre une volonté de blanchir l'ex-AIS des crimes commis durant les années de braise. «Nous n'avons aucun problème avec l'ANP, ni la gendarmerie, nous voulons en finir, une bonne fois pour toutes avec cette crise», a-t-il dit avant d'ajouter: «Il y a malheureusement des «lignes rouges» tracées pour ceux qui refusent encore la réconciliation nationale.» Pour lui, ceux qui rejettent cette démarche, sont certes une minorité mais qui constitue une majorité au sein du pouvoir. Selon Madani Mezrag, «le président de la République en personne subit ce déséquilibre des rapports de force, surtout quand il prend la défense du peuple, des victimes du terrorisme et les familles de disparus». Tout en entretenant le flou, il a déclaré que «c'est cette majorité au pouvoir qui continue à tout tenter afin d'extraire le peuple de son identité. C'est cette majorité qui a utilisé l'armée et la gendarmerie». Des propos lourds de conséquences que Madani Mezrag devrait expliciter un jour. Sur sa lancée, l'ex-émir égratigne le FLN. «Les partisans de l'occidentalisation sont nombreux au sein même du FLN», a-t-il soutenu. Pour le chef de l'ex-AIS, «la République n'est pas encore une réalité en Algérie». Selon lui, le pays est entre les mains de groupes de pression. «Nous allons, dans un proche avenir, tout révéler, mais entre-temps, nous allons tout faire pour que la réconciliation soit un succès total», a-t-il martelé, sans pour autant donner le moindre indice de ces «révélations». Il a en revanche tiré à boulets rouges contre le chef du gouvernement en qualifiant la conception que fait Ahmed Ouyahia de la réconciliation nationale, d'«absurde». L'ancien homme fort de l'organisation armée de l'ex-FIS n'a pas froid aux yeux en s'en prenant aux jeunes, morts lors des événements d'octobre et du Printemps noir. Pour Madani Mezrag, si ces éléments n'ont pas eu droit au statut de martyrs, il n'y a pas de raison pour que les jeunes qui sont tombés lors des manifestations de Kabylie aient ledit statut. Ainsi, dans son oeuvre de justification de la guerre que l'AIS a déclaré à la République, l'ancien émir de l'ex-AIS n'hésite pas à faire l'amalgame entre un mouvement de protestation pacifique et une organisation armée qui a fait des dizaines de victimes parmi les citoyens et les corps de sécurité. Enfin, Madani Mezrag a surtout voulu donner l'impression qu'il demeurait un pion important sur l'échiquier politique national.