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Paul Wittgenstein, Moh Seghir et les autres
Génie tutélaire, où te caches-tu ?
Publié dans El Watan le 15 - 09 - 2005

Dans le Vieil Alger, et dans le monde de la musique populaire plus précisément, on pouvait, autrefois, voir et apprécier un guitariste hors pair. Il était aveugle, et ce qualificatif lui collait à la peau au point qu'il devint une partie intégrante de son nom patronymique. La relation qu'il pouvait établir avec le monde extérieur passait, inévitablement, par les mélodies de tous les jours. Il s'appelait Moh Esseghir, et il était de la génération de cheikh Al Anka !
Ce qu'il y avait encore d'exceptionnel chez lui, c'était sa façon de tenir son instrument. Défiant toutes les règles fixées par les grands maîtres pour ce « clavecin expressif selon la définition de Claude Debussy », et observées, depuis plus de deux siècles, par tous les guitaristes à travers le monde, Moh Esseghir, au grand dam de ses collègues, dressait son instrument, verticalement, sur sa cuisse gauche. Il avait ainsi adopté la position des violonistes dans les orchestres andalous dans tout le Maghreb. Il faut admettre qu'une telle tenue de l'instrument ne permet, en principe, aucun trait de virtuosité. On ne peut ainsi ni pincer une corde correctement, ni réaliser un buté dans les normes, ni plaquer un accord comme il se doit. Moh Esseghir, et c'est ce qu'il y'avait d'ahurissant chez lui, donnait vraiment l'impression de bêcher, ou de racler, gentiment et sans cesse, ce qui pouvait y avoir à sa gauche. Le médiator, coincé entre le pouce, l'index et le majeur de sa main droite, n'hésite guère à libérer, pour ainsi dire, des lignes mélodiques d'une grande suavité, des variations sur les modes bien répandus parmi tous les chanteurs et les instrumentistes de la musique populaire. Ce Moh Esseghir, ce guitariste virtuose, aurait sûrement étonné, par son jeu exceptionnel, un jazzman comme Django Reinhardt (1910-1953), autre handicapé qui ne pouvait faire usage que de deux doigts de la main droite, ou même un guitariste rompu au classicisme comme Andrès Segovia, le grand maître du genre. En bref, le génie musical populaire a composé pour lui les plus belles mélodies. Tout autre est le destin du grand pianiste Paul Wittgenstein (1887-1961), frère aîné du philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein (1889-1951). Déjà pianiste consacré, voire la coqueluche de Vienne durant la belle époque, il perdit son bras droit au cours de la Première Guerre mondiale. Cet homme réussit, cependant, à remonter la pente, et quelle pente ! Il faut se contenter de le dire sans entrer dans d'autres considérations. Un proverbe populaire de chez nous ne dit-il pas à bon escient : « Ne connaît vraiment la brûlure de la cravache que celui qui en porte les stigmates sur son dos ? ». On le retrouve le 27 novembre 1931, à Vienne, où il décida d'affronter un public de mélomanes ayant gardé le souvenir d'un grand pianiste d'avant guerre. Vienne ne pardonne pas, dit-on dans l'entourage des musiciens, toutes tendances confondues. A la fin du XVIIIe siècle, Beethoven n'avait-il pas éclipsé, par son jeu époustouflant, les plus grands pianistes dans cette même ville ? Comment donc un pianiste, ou le restant d'un pianiste, amputé de surcroît du bras droit, peut-il prétendre à une quelconque prouesse, voire reprendre sa place dans le panthéon des grands ? Paul Wittgenstein s'était, entre-temps, solidement préparé à ce face-à-face exceptionnel. Un travail titanesque, exigeant une logique sans faille. A-t-il bénéficié du concours de son frère, le logicien Ludwig Wittgenstein ? On ne le sait pas. Auparavant, il avait passé commande d'un concerto au grand compositeur français Maurice Ravel (1875-1937). Celui-ci, bien que connaissant parfaitement le statut quelque peu étrange du pianiste handicapé, répondit favorablement à sa requête en composant un concerto en ré majeur en 1929, avec réduction pour piano de la partie orchestre. Depuis, ce concerto est entré dans la légende musicale avec pour titre : concerto pour la main gauche. Paul Wittgenstein avait une profonde connaissance de ses capacités d'exécution pianistique. Il savait bien où il pouvait aller avec les doigts d'une seule main. En 1934, il refusa un concerto pour la main gauche écrit spécialement pour lui par le compositeur russe Sergueï Prokofiev (1891-1953). Finalement, qui faut-il croire ? La réalité, telle qu'elle s'offre à nos yeux, ou bien les triomphalistes, ceux qui déclarent ostensiblement que l'impossible n'existe vraiment pas ? Même en prenant appui sur les acquis de la science, des zones d'ombre continueront à jalonner la marche de l'homme vers l'avant, d'où ces déséquilibres qui s'imposent à nous sans crier gare. En effet, il arrive que les mots, les plus simples, échappent à l'entendement humain en ceci qu'ils demeurent sans connotation précise, voire même sans aucune charge sémantique. Un bras coupé, à titre d'exemple, trouve, selon la logique de ces mêmes triomphalistes, une espèce de remplacement dans le monde psychique de celui qui en est dépourvu. Un homme frappé de cécité peut transformer son petit monde ainsi que celui des autres ! Moh Esseghir, Paul Wittgenstein, Al Maâri, Taha Hussein et tant d'autres à travers le monde continueront à nous ébahir. Le trait de génie, de ce fait, n'est pas toujours le propre de l'homme parfait, physiquement et moralement. L'histoire, depuis la haute antiquité, est là pour nous le rappeler.

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