L'objectif de cette évocation n'est pas de dire ce qu'est la musique classique algérienne, d'en retracer scrupuleusement l'histoire et l'itinéraire, c'est un débat de musicologue averti, de fin connaisseur. Il s'agit plutôt de rappeler quelques noms et d'évoquer quelques pionniers. Alger a connu au début du XXe siècle un éveil politique et culturel fécond. Les volontés s'affirment, les consciences s'aiguisent, les talents émergent. Le patrimoine musical ne fut pas en reste. Des actions sont entreprises pour l'enrichir, le développer et le préserver. Par conséquent, la musique classique connut ses pionniers pour la cultiver tels les cheikhs Menemeche et Sfindja. Une femme se distingua, Yamna bent El Hadj El Mehdi et donna l'exemple en s'adonnant à cet art. De même qu'il faut rendre justice aux mélomane israélites qui fournissent une belle contribution. Edmond Yafil en fut peut-être le plus ardent en créant la société El Moutribia avec Mahieddine Bachtarzi, jeune psalmodien du Coran, à la voix si singulière. Il est patent d'observer que dans cette entreprise de régénérescence d'une musique ancestrale, des apports « pluriels » convergent, méprisant les barrières de langue, de religion ou de nationalité. A ce titre, le mufti Mohamed Boukandoura apporta sa pierre à l'ouvrage. Néanmoins, il faut parler du rôle des associations qui se chargèrent de diffuser cette musique, d'en assurer l'apprentissage et l'initiation. Citons El Mossilia avec comme professeur un certain Bouzino et El Djazaïria au nom combien révélateur. C'est en son sein qu'exercèrent Mohamed et Abderrezak Fakhardji, dignes émules de Mohamed Bentefahi. La voie tracée par El Djazaïria et El Mossilia fut suivie par de nombreux adeptes aux fortunes diverses. Ces deux chefs de file se transformèrent en écoles, en vivier. Des élèves sont formés pour perpétuer la tradition. L'action de ces deux associations n'en fut que plus forte après leur fusion qui s'opéra en 1951. Après l'indépendance, le travail reprit de plus belle afin de drainer des adeptes, des continuateurs. Garçons et filles sont appelés à l'issue d'une studieuse formation, à préserver le legs. Aujourd'hui, l'on persiste à transmettre le message, en dépit des difficultés. Le public, les mélomanes, férus de patrimoine et de tradition, ont l'insigne bonheur de goûter à une musique qui n'a rien d'élitiste comme on tente de le faire accroire. Faut-il pour autant s'en ternir là et se contenter d'un acquis laborieusement glané. La réponse est non. Le chemin reste encore long parsemé d'embûches. Sid Ahmed Serri, chef d'orchestre, interprète et musicologue de métier, a entrepris un travail d'enregistrement du patrimoine. Il reste à persévérer dans la ligne qu'il a tracée.