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Plutôt vulgarisation que sauvegarde
MUSIQUE ANDALOUSE SUR INTERNET
Publié dans L'Expression le 27 - 12 - 2009

Noureddine Saoudi, Beihdja Rahal, entre autres, donnent leur impression sur la question.
La musique andalouse, cette musique savante à transmission orale, occupe désormais une remarquable place sur la Toile à travers une multitude de sites Internet et blogs qui lui sont dédiés dans un but jugé, par des personnalités du domaine, de vulgarisation sans forcément contribuer à sa sauvegarde. La préservation de ce patrimoine artistique consiste, notamment en la formation, l'enregistrement audiovisuel et la recherche, tandis que le rôle du Net est, entre autres, de le faire connaître à un public plus large, ont indiqué ces personnalités. L'interprète de musique andalouse, Noureddine Saoudi, estime que la majorité des sites Internet consacrés à cette musique sont conçus dans un «souci de communiquer et d'apporter des avis et commentaires, en abordant la dimension patrimoniale d'une manière superficielle». Il précise, toutefois, que certains sites «donnent des informations utiles» car leurs concepteurs retracent, en se basant sur un travail de recherche, toute la dimension musicale intime de ce patrimoine, de la prosodie à la mélodie en passant par les personnalités et les associations, citant comme exemple le site «//yafil.free.fr». Noureddine Saoudi ne voit pas l'utilité de concevoir un site Internet personnel, car ce genre d'espaces «n'a pas de relation directe avec la préservation du patrimoine musical andalou». Cet artiste, qui préfère aussi le contact direct au virtuel, souligne que «le plus important pour la sauvegarde de cette musique, c'est l'enseignement, la communication directe à travers l'animation de conférences thématiques, la recherche et l'analyse sur la musique et la création à partir du modèle andalou». Selon lui, il y a parfois sur le Net un problème de crédibilité des informations diffusées. «Il me semble que les sites Internet consacrés à la musique andalouse mettent, d'une manière générale, plus en valeur la personne qui les a conçus que l'art. D'ailleurs, est-ce qu'être interprète de musique andalouse signifie forcement être une personne qui apporte quelque chose à cette musique? Je ne le pense pas», estime-t-il. Pour la recherche, «mieux vaut le faire à partir des archives sonores ou livresques, car il s'agit d'un travail plus soutenu», suggère Noureddine Saoudi, arguant que la publication d'un livre «obéit à un certain nombre de principes, dont le passage par une commission de lecture, ce qui ne se fait pas pour les écrits diffusés sur la Toile». Pour le chercheur indépendant et concepteur du site Internet «Yafil», Youssef Touaïbia, «le Net est un moyen non pas de sauvegarde, mais de convergence des expériences personnelles dans le domaine du patrimoine musical. Il s'agit aussi d'une formidable plate-forme pour le rayonnement de la culture algérienne», dit-il. M.Touaïbia rappelle que la sauvegarde est une opération qui avait été initiée dans les années 1930, avec l'émergence des premières associations musicales qui se sont fixé la mission de se réapproprier un patrimoine musical ancestral. «Ce patrimoine existe depuis des siècles. Il évolue et change de costume au gré des époques et des modes qui imposent de nouvelles façons d'écouter et de pratiquer la musique», commente-t-il.
Le travail sérieux sur le patrimoine se fait sur le terrain
Le patrimoine musical andalou «a survécu à plus d'un maître, à plus d'une crise et à plus d'un envahisseur» et «n'a jamais été en danger de mort», pense le chercheur, estimant que «personne ne peut s'autoproclamer "défenseur" de la musique andalouse, pas même la fantastique percée technologique qu'est le Net».
«Le travail sérieux sur le patrimoine se fait sur le terrain. Le terrain ce sont les associations de musique, les maîtres encore en vie, les bibliothèques qui détiennent des trésors, les particuliers qui gardent en otage un patrimoine comprenant des manuscrits et des archives sonores. C'est aussi l'étude et la critique du répertoire. Le Net n'est qu'un support de l'information», renchérit-il. Interrogé, dans ce cas, sur l'utilité du site Internet qu'il a conçu, M.Touïabia précise que cet espace virtuel, dont l'idée est venue après la tenue en 2000 d'un colloque sur le devenir de la musique sanaâ à Alger, «a été créé pour pousser à la réflexion sur ce patrimoine et pour réfuter les dires de certains musicologues zyriabistes qui, ignorant tout de notre patrimoine, voient en lui juste un héritage venu d'ailleurs». Ce site, qui traite de la technique musicale (transcriptions, notions théoriques, expériences de composition, bibliographies, questions à débattre, etc.) et contient une partie consacrée à l'histoire de cette musique, se veut aussi, a-t-il poursuivi, un hommage à un des acteurs de l'oeuvre de sauvegarde, le défunt Cheikh Hadj Djaïdir Hamidou qui s'est investi pleinement dans la réalisation de ce projet à travers, notamment des photos, témoignages et archives publiées.
Le Net, moyen supplémentaire d'information sur la musique andalouse
L'avis de l'interprète de musique andalouse, Beihdja Rahal, n'est pas différent, car elle aussi trouve que le Net «ne contribue pas» à la préservation du patrimoine musical andalou, mais représente plutôt un moyen «supplémentaire» pour informer sur cette musique et la vulgariser. «Je ne pense pas que le Net contribue à préserver ce patrimoine contre l'oubli. C'est un moyen supplémentaire pour informer et faire découvrir cette musique à un public plus large», considère-t-elle. «Pour moi le rôle du Web, c'est de mettre à la disposition des gens ce patrimoine à travers des textes ou des extraits vidéo dans un but de vulgarisation. Moi, par exemple, j'ai créé un site Internet personnel afin de partager mon travail avec des milliers de personnes en Algérie comme ailleurs, et aussi pour faire la promotion de mes albums», confie Beihdja Rahal, la dame au 18 albums de nouba. «La préservation consiste en la formation, les enregistrements, les concerts et, bien évidement, la transmission de maître à élève, le travail de chaque interprète ou association. Pour moi, c'est ça la façon adéquate, principale et prioritaire de préserver le patrimoine musical andalou», ajoute-t-elle. La préservation est, selon elle, liée également à l'encadrement et la bonne prise en charge des associations de musique andalouse, car, explique-t-elle, «le rôle principal de ces associations est la formation et non l'animation de concerts et soirées. Elles représentent des écoles avant tout, donc elles ont besoin de locaux, de mobiliers et de moyens pour accomplir leur vraie mission». «Le Net est un moyen de diffusion de la musique andalouse et aussi une manière d'informer, à condition que les sites ou les blogs soient gérés par des connaisseurs et des personnes du domaine», relève-t-elle.
Le Net, un support fiable quand il est bien manié
L'animateur du blog www.andaloussi.net, Sid-Ahmed Abid, estime lui, au contraire, que le Net est «un support fiable quand il est bien manié». «C'est rapide, efficace et sans frontières pour informer, former et générer des réactions qui peuvent, éventuellement, contribuer à la sauvegarde de ce patrimoine», fait-il remarquer. Le Net est, pour ce passionné de musique andalouse et de photographie, «une grande Toile et un moyen développé pour la communication et les échanges, qui crée indéniablement des liens entre les différents acteurs de cette musique et le public mélomane». Il affirme que le patrimoine musical andalou est sauvegardé par le nombre appréciable d'associations musicales qui oeuvrent sur le territoire national mais aussi à l'étranger. Pour ce bloggeur, «le Net ouvre la voie à tout le monde. Chacun peut concevoir et mettre en ligne des informations, des partitions musicales et des vidéos», et donc représente «réellement un moyen efficace pour protéger ce patrimoine et le faire connaître».


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