On a gagné ! », déclaraient dimanche dans la soirée aussi bien le chancelier allemand sortant que son adversaire. Mais comme l'élection tenue dans la journée ne reconnaît qu'un seul vainqueur, il est à se demander, lequel des deux a réellement gagné. En termes de voix, la tête de liste chrétienne démocrate Angela Merkel est bien majoritaire, une position qui ne la rapproche pas pour autant du pouvoir, mais Gerhard Shroeder, assure t-on, n'a pas été totalement vaincu. Selon la formule retenue hier par nombre d'observateurs, c'est un match nul en attendant le déroulement du vote le 2 octobre prochain dans la ville de Dresde. Ce qui n'est pas évident en raison du nombre de sièges à pourvoir. C'est pourquoi la confusion était totale hier à Berlin : le scrutin, qui devait ouvrir la voie « à un nouveau départ », selon Angela Merkel, a donné un résultat à contre-pied des sondages, avec un net recul de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) qui, comme le Parti social-démocrate (SPD), enregistre l'un de ses plus mauvais scores de l'après-guerre. Une situation totalement inédite, avec au bout le spectre de l'absence d'accord tant le fossé semble profond et les rivalités personnelles exacerbées, ce qui pourrait même entraîner une nouvelle dissolution du Bundestag tout juste élu, de nouvelles élections et ainsi la paralysie politique, sur le plan intérieur comme international, du plus important pays européen, déjà souvent qualifié « d'homme malade de l'Europe ». Pour la première fois depuis 1949, les deux grands partis populaires tombent sous la barre des 70% des suffrages et seuls deux petits partis, le Parti libéral (FDP) et le nouveau Parti de gauche (néo-communiste), progressent. Selon les résultats officiels provisoires publiés par la commission électorale, la CDU et sa petite sœur bavaroise (CSU) recueillent 35,2% des voix (38,5% en 2002) et leur allié libéral (FDP) 9,8% (7,4% en 2002). Ce qui donne un total de 45%, alors qu'il faut recueillir au moins 48,5% des voix pour disposer de la majorité absolue des sièges au Bundestag, la chambre basse du Parlement. Le SPD de Gerhard Schroeder, recule à 34,3% (38,5% en 2002) de même que son allié Verts (8,1% au lieu de 8,6 en 2002). Les sociaux-démocrates, avec leur plus mauvais score depuis 1957 (31,8%), ont souffert de la concurrence du nouveau Parti de gauche, rassemblant les néo-communistes à l'Est et les déçus du SPD à l'Ouest : cette gauche plus radicale recueille, sous la houlette de l'ex-communiste Gregor Gysi et de l'ancien président du SPD Oskar Lafontaine, ennemi juré de Gerhard Schroeder, 8,7% des suffrages contre seulement 4% en 2002 à l'ancien PDS. Pourtant, Gerhard Schroeder, parlant d'une « défaite grandiose » d'Angela Merkel, a affirmé qu'il voulait rester à la tête du gouvernement, récusant ainsi l'idée d'une victoire de l'opposition. Pour former un gouvernement, il veut mener des pourparlers avec tous les partis politiques à l'exception des ex-communistes du Parti de gauche. Dans la mesure où sociaux-démocrates et Verts rejettent tout accord avec la gauche radicale, l'espoir de Gerhard Schroeder réside dans un accord très hypothétique avec les libéraux du FDP ou du moins une forte partie d'entre eux. Or, le président du parti, Guido Westerwelle, s'est lié depuis longtemps à Angela Merkel. M. Westerwelle a de nouveau récusé dimanche soir tout renversement d'alliance au profit du SPD. Pour sa part, Angela Merkel a estimé que « le gouvernement rouge-vert avait été désavoué » et souligné que la CDU, en tant que premier parti à l'issue du scrutin, avait « un mandat clair pour former le gouvernement » et qu'elle entamerait des négociations « avec tous les partis démocratiques, à l'exclusion du Parti de gauche ». Mais dès hier matin, l'échiquier politique s'apprêtait à prendre une autre couleur avec la perche tendue aux Verts par des dirigeants de la CDU pour qu'ils rejoignent une coalition avec la CDU/CSU et les libéraux (FDP). « S'il était possible que nous puissions former une coalition qui ne soit pas une grande coalition (entre CDU/CSU et le Parti social-démocrate du chancelier Gerhard Schœder), j'éprouverais beaucoup de sympathie pour cette solution », a affirmé le secrétaire général de la CDU, Volker Kauder. « Je pense que nous pourrons aller de l'avant cette semaine, nous voulons donner très vite un gouvernement au pays », a-t-il dit. M. Kauder a annoncé que la CDU et la CSU voulaient mener dès cette semaine des pourparlers exploratoires tout d'abord avec le FDP, puis aussi avec le Parti social-démocrate (SPD) et les Verts. Dans tous les cas, l'élection formelle du chancelier par le Bundestag nouvellement élu ne pourra pas avoir lieu avant la proclamation officielle des résultats définitifs, après le 2 octobre prochain. Cela donne du temps à la classe politique de préparer une coalition et même une alliance afin d'éviter un vide politique. Mais les uns et les autres appelés à gouverner ne manqueront pas par ailleurs d'aller au fond de ces élections pour analyser la déroute des principales formations et la montée d'autres tendances, comme l'extrême droite et les anciens communistes avec ce que les Allemands appellent « l'ostalgie ».