Des Aurès, source de la révolution du 1er Novembre, en votre nom, au nom de votre solidarité avec les autres peuples, je présente mes salutations et mes sentiments d'amitié au Président Chirac, lui souhaitant, en votre nom, santé et bonheur », a déclaré le Président Abdelaziz Bouteflika hier à Batna (400 km à l'est d'Alger), lors d'un meeting animé au stade du 1er Novembre. « Je souhaite au peuple français mes vœux de prospérité », a ajouté le chef de l'Etat. Une partie du public présent siffle ces paroles alors que le Président a poursuivi : « Je connais la probité de Chirac et sa conscience politique. » Il a également qualifié son homologue français d'« ami ». « Nous ne sommes pas fautifs et nous ne demandons pas l'impossible, nous revendiquons un droit. Chacun doit reconnaître ses propres torts à l'autre », a dit Bouteflika appuyant que les Algériens « ne veulent d'amitié que sur des bases saines ». Coopération Il ne dit pas clairement le traité d'amitié, prévu pour signature en fin d'année, ni ce qu'il exige réellement des Français, Bouteflika a indiqué que la coopération algéro-française « allait bien ». « Nous œuvrons à ce que cette coopération se renforce. C'est leur intérêt et c'est aussi le nôtre », a-t-il déclaré. Le Président a bifurqué sur l'immigration avant de lancer « un salut à ceux qui se sont égarés et ont choisi l'exil loin de leur pays ». « L'Algérie est notre pays à tous, chacun est libre dans ses idées sauf si celles-ci servent des intérêts étrangers où jettent la fitna », a-t-il proclamé. Le projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale propose des mesures d'exonération de poursuites qui pourraient encourager les cadres de l'ex-FIS à l'étranger à retourner en Algérie. « Mais il est hors de question, maintenant, de retourner à la politique d'un certain temps », a prévenu le chef de l'Etat sans clarifier la teneur du « maintenant ». « Il n'y a pas d'amnistie générale. Elle n'est possible que si le peuple a conscience de ses conséquences politiques, juridiques, etc. », a-t-il martelé avant de lancer que l'amnistie générale « veut dire revenir à 1988, chacun reprend sa place d'alors et on retourne à la fitna ». L'occasion pour le chef de l'Etat d'élaborer sa propre lecture historique de la crise en reconduisant la « théorie des deux démons » : « Le peuple était entre le marteau et l'enclume, entre les tenants d'un Etat islamique et les tenants d'un Etat laïque. Les deux camps étaient musulmans et depuis la guerre entre Ali et Mouaâouiya (premier schisme de l'islam), on n'a pas connu pire fitna. » « Le Président chahid Boudiaf est mort pour la réconciliation », a déclaré le chef de l'Etat. Qui a causé la crise ? Le Président pose la question et y répond : « Je ne suis pas historien. » Pourtant, le projet de charte qu'il porte de wilaya en wilaya et de zaouïa en meeting, propose une certaine relecture de l'histoire puisqu'il incombe au seul parti dissous, l'ex-FIS, la totale responsabilité de la crise. Même s'il a évoqué les « intellectuels et journalistes martyrs des crimes perpétrés par le terrorisme ». « Des gens ne sont pas d'accord avec ce que je dis. Ils en ont le droit. Nous sommes dans un pays démocratique, chacun pense ce qu'il veut », a-t-il assuré sur fond d'un « Nâam » (oui) géant tapissant une large affiche derrière la tribune. Des militants du MDS et de SOS Disparus, critiques par rapport au projet de charte, ont été interpellés et même présentés à la justice pour « distribution de tracts menaçant l'intérêt national ». Les médias publics restent fermés au débat contradictoire et le pays est sous état d'urgence, mesure liberticide reconduite sans avis parlementaire. « Celui qui veut voter oui est avec nous, il veut du bien à ce pays. Celui qui veut voter non est libre devant sa conscience et devant Dieu. Il n'y a qu'une seule solution, c'est la réconciliation nationale », a dit le Président Bouteflika. « j'ai un message » Il est revenu sur sa visite avant-hier à Tizi Ouzou, où son meeting a été en partie chahuté, selon les comptes rendus de la presse. « J'ai un message à vous livrer : la Kabylie va bien, Tizi Ouzou va bien, Béjaïa va bien, Bouira va bien, Boumerdès va bien », a-t-il lancé à des citoyens ramenés par bus de Khenchela, Tébessa, Oum El Bouaghi et de Batna même. Le meeting se termine. La sono lance le morceau allaoui de l'Orchestre national de Barbès. Des cadres de la communication de la Présidence n'en reviennent pas : sur les hauteurs des gradins, une banderole rose avec la mention « Les élus FFS sont avec la réconciliation nationale ». Une autre banderole à côté, même couleur : « Les sympathisants du FFS sont avec la réconciliation nationale ». Dehors, chacun tente de retrouver son bus. Certains, comme ces habitants de Oued Cherchar (wilaya de Khenchela) à 140 km de Batna, attendent devant le commissariat central une éventuelle solution. Les lycéens de Batna, à qui on a demandé de quitter leurs classes hier matin pour assister au meeting, semblent plus chanceux. « Personne n'a demandé à l'ancien Président Liamine Zeroual (qui habite à la sortie nord de la ville) de venir », observe-t-on. Demain, le Président Bouteflika se rendra à Constantine pour poursuivre sa campagne.