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Réconciliation et perspectives internationales (1re partie)
Publié dans El Watan le 26 - 09 - 2005

L'ouverture économique se traduit par la volatilité accrue des marchés qui impose une adaptation continue aux changements pour réagir, dans des délais courts, aux signes précurseurs des retournements de tendance, car la versatilité liée à la multiplicité des aléas a favorisé le développement des « produits dérivés » ou d'instruments sophistiqués de couverture des risques comme les « options numériques »(1) et les « crédits dérivatives »(2) dans la mesure où la prévision économique devenait un exercice particulièrement périlleux.
Ainsi, à court terme, l'économiste analyse et explique les faits a posteriori. Par contre, à long terme, il tente de justifier par des contributions théoriques souvent remarquables des choix économiques qui relèvent de la sphère politique. Il pourrait engendrer une confusion susceptible d'entraîner des effets pervers dans la mesure où le politique est tenu « d'implémenter » selon la formule anglo-saxonne consacrée et mettre en œuvre ses choix en élargissant les bases consensuelles. La raison permet de persuader mais pour faire changer d'avis, il s'agit de recourir à l'émotionnel. Ainsi, les grands changements et les principales réformes(3) ont toujours été menés par des grands leaders politiques et nous pourrions à titre indicatif rappeler le « new deal » du président F. Roosevelt, l'option nucléaire du président Charles de Gaulle, la privatisation des services publics et la flexibilité du marché du travail en Grande-Bretagne sous la direction de M. Thatcher, la première ouverture sur la Chine du président R. Nixon... Car ces dirigeants demeurent soucieux de « penser comme les hommes d'action et d'agir comme les hommes de réflexion » selon les mots du philosophe H. Bergson. D'ailleurs, ces hommes choisis par l'histoire se distinguent par des qualités de grands communicateurs pour la diffusion de leurs idées et faire partager leurs convictions aux autres et des orateurs brillants qui n'hésitent pas à veiller à la cohérence de leur discours. En 2005, l'Algérie se trouve confrontée à ces grands choix et le statu quo aurait un coût prohibitif. Cette dynamique du changement sous la direction du président Abdelaziz Bouteflika se trouve être la meilleure alternative avec un coût d'opportunité nettement inférieur à celui de l'immobilisme qui veut nous imposer sa tyrannie dans le souci de préserver les rentes. Ces résistances humaines compréhensibles gagneraient à être réduites de manière progressive dans un cadre consensuel pour les intérêts de la société. Il s'agit incontestablement de cet œuvre du président de la République qui n'hésite pas à prendre ses responsabilités politiques en évitant le glissement du rôle de l'économiste favorisé d'ailleurs par l'institution du prix Nobel d'économie en 1969 sous forme de greffe artificielle par rapport aux cinq prix de 1901 (chimie, physique, littérature, médecine et paix) conformément aux dispositions du testament d'Alfred Nobel dans la mesure où la science économique demeure bien singulière par rapport à ces disciplines et reste tributaire de l'idéologie politique. D'ailleurs, les récipiendaires, chargés de promouvoir la doctrine dominante, n'hésitent pas à se faire entendre de façon magistrale sur les grands thèmes. Leurs collègues non récompensés se rendent également disponibles pour donner des opinions sur des choix qui relèvent du politique. Parmi les exemples les plus significatifs, nous pourrions citer les déclarations de F. Von Hayek en 1974, les manifestations organisées à Stockholm en 1976 et la crise de Long Term Capital Management de 1998. Le prix Nobel de 1974 F. Von Hayek ON grand apôtre du libéralisme n'avait pas hésité à déclarer que s'il avait été consulté, il aurait émis un avis favorable à l'institution de ce prix car il donnait beaucoup d'assurance à ceux qui le recevaient. La venue du prix Nobel (1976) en Suède, M. Friedman avait été marquée par de grandes manifestations contre le Gouvernement chilien de l'époque qui mettait en œuvre des mesures économiques inspirées de la fameuse école de Chicago, dont le leader était Milton Friedman. Les prix Nobel Mirrlees (1996) et Merton(1997), dont les noms étaient associés à la faillite de LTCM en 1998, avaient également suscité de grandes critiques, et le président de la prestigieuse Federal Reserve des USA Green Span avait déployé de grands efforts pour éviter l'effondrement du système. Sans pour autant remettre en cause leurs talents et leurs aptitudes dans leur spécialité, nous devons bien noter que ce glissement de compétence ne semble pas utile, bien que le courant dominant externe puisse soutenir ce chevauchement. D'ailleurs, de nombreuses voix s'élèvent aujourd'hui pour mettre fin à ce prix Nobel d'économie et le restituer à la Banque centrale de Suède sans lui donner les attributs d'un prix scientifique et le petit-fils d'Alfred Nobel n'a pas ménagé ses efforts pour le respect des dispositions du testament initial. Cette correction aurait un avantage incontestable pour le rétablissement de la rigueur pour éviter l'illusion de détenir la vérité sur des questions d'actualité comme l'embellie pétrolière et la civilisation imposante du pacifique. 1) Pétrole : cette ressource non renouvelable a toujours été la variable déterminante du modèle économique anglo-saxon mis en œuvre après la Première Guerre mondiale et privilégiant des choix stratégiques que l'on retrouve aujourd'hui dans la dynamique du secteur pétrolier international. Ainsi, l'accord d'Achnacarry du 17 septembre 1928 sur les prix du pétrole établis sur la base d'une référence minimale du Golfe du Mexique fournit les fondements de la constitution d'un cartel. Il s'agit de suivre cette évolution après la création de l'OPEP en 1960 et nuancer sa marge de manœuvre tout en retenant que l'industrie pétrolière fait figure de pionnier en matière de mondialisation pour deux raisons essentielles :
La première réside dans le fait que les niveaux de production des pays exportateurs sont fixés selon les besoins de l'économie mondiale et non selon les besoins domestiques et la seconde liée à la nécessaire diversification des risques en matière d'exploration, car on ne saurait concentrer tous les moyens sur un seul périmètre pétrolier ou mettre « les œufs dans le même panier ».
Il est clair aujourd'hui que l'Arabie Saoudite fournit près de 10 millions de barils par jour à l'économie mondiale et utilise pleinement ses capacités bien que ses besoins financiers pourraient se limiter à une utilisation de 30 à 40% des capacités installées.
L'Algérie produit également l'équivalent de 3 millions de barils/jour (équivalent pétrole, gaz condensat) et cela semble également obéir à la même logique et les membres sages de l'OPEP ont d'ailleurs réaffirmé leur entière disponibilité à contribuer à un approvisionnement régulier de l'économie mondiale pour soutenir la croissance. Ces faits montrent bien que l'industrie pétrolière obéissait aux règles de la mondialisation plusieurs décennies avant les autres secteurs.La souveraineté ne saurait être définie sans tenir compte de cette mondialisation dans la mesure où le réajustement des prix pétroliers obéit à la volonté de découvrir de sources d'approvisionnement nouvelles et de les valoriser comme les schistes bitumineux et l'offshore en eau profonde en dehors de la zone de l'OPEP. Il faut toutefois bien noter que les réserves récupérables aux prix en vigueur restent localisées pour près de 2/3 au niveau des pays membres de l'OPEP. Par contre, les prix du pétrole demeurent tributaires de la croissance mondiale. La nature de la relation entre la croissance économique, le déficit budgétaire et les taux d'intérêt présenté par le magazine The Economist dans sa livraison n° 8441 mérite d'être citée dans la mesure où elle confirme bien le soutien apporté à la consommation aux Etats-Unis qui se traduit inévitablement par une demande additive ou supplémentaire du pétrole et une pression sur les prix renforcée par des capacités de raffinage surexploitées. Les auteurs de cet article constatent que les niveaux des déficits élevés des budgets des pays consommateurs n'entraînent pas une pénalisation importante des taux d'intérêt des bons du Trésor à long terme et cela apporte un soutien au marché hypothécaire et aux investisseurs pour soutenir la croissance. Ainsi, le déficit public devrait se traduire par une hausse des taux d'intérêt liés aux emprunts d'Etat et à un phénomène d'éviction (Crowding out) qui se prolonge par une baisse de la demande de logement et de biens durables liés à la réduction de l'endettement des ménages. Or, les taux d'intérêt réels soutenus ont au contraire favorisé la demande de crédit et le développement du marché hypothécaire. L'apport des capitaux étrangers fournit une bouffée d'oxygène à la consommation privée US qui alimente la croissance mondiale et l'économie américaine joue le rôle de locomotive en obtenant la solidarité « active » des économies à surplus de capitaux, dont la précarité de la situation est exprimée par la possible utilisation de la planche à billets par cet emprunteur privilégié. A titre d'exemple, le déficit de budget américain en 1995 était de 2% du PIB (richesse créée au cours de l'année) et entraînait un taux d'intérêt réel(4) de 4% alors qu'en 2005 le déficit se situait autour de 4% et le taux d'intérêt réel se maintenait à 1%. Cette diminution de loyer de l'argent pour le Trésor se retrouve pour les autres économies européennes et japonaise, et cette tendance est renforcée par l'ouverture des marchés de capitaux. La croissance économique américaine se trouvait donc bénéficiaire de cet apport inespéré. La surchauffe de l'économie peut être évitée par un rétablissement des taux d'intérêt, mais elle aurait des conséquences plus désastreuses pour l'Union européenne dans la mesure où les taux de base aux Etats-Unis d'Amérique ont déjà été portés à 3,5% (Fed Rate) en attendant de nouveaux ajustements, alors que le taux de base de la Banque centrale européenne reste limité à 2% et la croissance aux USA avoisine les 4% et celui de l'Europe ne devrait pas dépasser 1,5% pour la majorité des pays en 2005.
Ces données confirment d'ailleurs bien les écarts de croissance au cours des 15 dernières années entre Etats-Unis d'Amérique et l'Europe. Ainsi, la hausse de prix de pétrole demeure liée d'une part à la croissance soutenue et à l'épuisement des réserves (Peak Oil)(5) sans de véritables alternatives. Le 2 septembre dernier, le Premier ministre français a d'ailleurs indiqué que la France et l'Union européenne devraient se préparer à l'après-pétrole.
Le problème du prix de pétrole reste tributaire des alternatives et de leur fiabilité et peu des pays de l'OPEP ou d'autres producteurs, car il suffit d'indiquer que les Etats-Unis d'Amérique consomment plus de 50% de pétrole par dollar de PIB que l'Union européenne et trouvent plus dépendants du marché d'autant plus que leurs prix domestiques à la pompe reste très bas par rapport à ceux de l'Union européenne puisqu'ils ne représentent que 60% des niveaux de prix pratiqués en Europe. Cette flexibilité de l'économie US semble d'ailleurs largement dépassée par celle de l'économie chinoise qui semble détenir des réserves de productivité importante. 2) La Chine : les performances exceptionnelles de l'économie chinoise suivie par l'Inde et certains pays de l'Asie du Sud-Est consacrent l'émergence de cette civilisation et nous apportent des enseignements d'une utilité rare dans la mesure où la sphère de l'économie réelle demeure privilégiée.
L'économie réelle : actuellement, la Chine ne contribue qu'à concurrence de 4% du PIB mondial et l'Inde a un apport de 2%. En 2050, il est prévu que ces parts respectives puissent atteindre 28% pour la Chine et 17% pour l'Inde, soit 45% du PIB mondial pour ces deux pays. Ces projections linéaires relèvent d'un cas d'école, mais montrent bien le potentiel des uns et les rigidités des autres sans pour autant préjuger des ruptures d'équilibre qui conduisent à des réactions imprévues.(A suivre)
Notes :
1) Les options numériques permettent de se couvrir contre les variations défavorables des prix en payant une prime en contrepartie d'un prix d'exercice garanti à une date fixée (européenne) ou avant une certaine date (américaine). L'option devient numérique ou « digitale » si la prime n'est exigée qu'en cas où le prix atteint le niveau de son déclenchement. Dans le cas contraire, l'acquéreur n'est pas redevable du montant de la prime. Pour simplifier, il s'agit d'une prime assimilable à une assurance. La généralisation de ces instruments touche les salaires, les biens immobiliers.. car le citoyen se prend en charge et supporte tous les risques (marché).
2) Ces instruments visent à se couvrir des risques de défaillance de l'emprunteur à l'échéance en payant à une contrepartie une prime.
3) Les réformes ne peuvent être l'œuvre que de visionnaires car leur coût est payé « cash » alors que les fruits attendus ne peuvent être recueillies qu'à long terme. L'initiative du président Bouteflika se singularise par son insertion dans ce mouvement historique irréversible bien perçu en évitant d'établir des critèrers strictement techniques pour des choix politiques essentiels.
4) Taux d'intérêt réel : Il s'agit d'un taux d'intérêt nominal diminué du taux d'inflation. Dans certains cas, le taux d'intérêt nominal est égal au taux d'inflation, et le taux d'intérêt réel est nul. Les déficits budgétaires devraient se traduire par une hausse de ces taux d'intérêt réel pour pénaliser les emprunteurs publics par un effet d'éviction ou crowding out se traduisant par une augmentation des taux d'intérêt. L'ouverture des marchés a limité cet effet.
5) Peak Oil : le pic pétrolier est atteint lorsque les réserves pétrolières récupérables deviennent inférieures à la production cumulée passée. Les analystes semblent le situer autour de 2010 pour les pessimistes et 2015 pour les autres. Ces délais peuvent être repoussés avec les schistes bitumineuses et l'offshore en eau profonde avec des coûts très élevés. Cette situation exprime une croissance rapide de la production pétrolière et une diminution des découvertes. Il s'agit bien de ressources non renouvelables.


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