Le syndicat des magistrats de la cour des comptes a dénoncé, hier, la suspension de quatre de ses membres par le président de la cour, après qu'ils aient signé une lettre exprimant leurs « vives inquiétudes » et « réserves » face au fonctionnement du conseil des magistrats. Dans un communiqué diffusé hier, le conseil syndical des magistrats, réuni dans les locaux du Syndicat des praticiens de la santé publique, après que l'accès à leur siège leur a été interdit, a appelé à une journée de « mobilisation » aujourd'hui pour protester contre les décisions de suspension jugées « injustes, illégales et arbitraires », demander la réintégration des magistrats suspendus et exiger le respect du droit syndical. Dans une longue déclaration, le syndicat a exprimé son « étonnement » de la suspension de son secrétaire général, son adjoint, du président des œuvres sociales et du délégué d'Oran, « qui ont contesté », dans une lettre adressée au président de la cour des comptes, « le fonctionnement » du conseil des magistrats. « Faisant fi de la plus élémentaire des décences et avec un cynisme poussé à l'extrême, il (le président de la cour, ndlr) notifie les décisions de suspension en plein mois de congé et reproche aux magistrats élus des manquements aux obligations statutaires sans apporter la moindre preuve, confond la fonction de magistrat et mandat d'élu, qui doit s'exercer selon la conscience de chacun et le respect de la réglementation... ». Le syndicat a estimé, en outre, que le reproche évoqué dans les décisions de suspension est « l'entrave au fonctionnement du conseil, oubliant le blocage de ce même conseil pendant plus de trois années lorsque le président de la cour a saisi le Conseil d'Etat pour annuler les élections pour le seul motif que ces élus ne sont pas à son goût, créant ainsi un retard considérable dans l'évolution de la carrière des magistrats. C'est la résorption de ce retard (...) qui constitue le point de discorde entre les membres élus qui souhaitent la mise en place de postes budgétaires, ce que le président de la cour refuse catégoriquement ». Pour le syndicat, cette suspension est « d'une extrême gravité » qui ne s'explique, selon l'organisation, que par l'intention de nuire aux magistrats par la volonté d'entretenir un climat d'instabilité et de provoquer le collectif des magistrats. « Encore une fois, la loi est bafouée, les libertés syndicales confisquées », souligne le syndicat. A l'origine de ce durcissement des positions, cette lettre signée par le secrétaire général du syndicat, son adjoint, le directeur des œuvres sociales et le délégué d'Oran, adressée le 23 juillet dernier au président du conseil des magistrats et dans laquelle les signataires ont exprimé « leurs vives inquiétudes et leurs réserves » quant au fonctionnement et à l'exécution des travaux du conseil. Ils ont également fait état de « graves dysfonctionnements de ce conseil, le réduisant à une simple structure chargée d'examiner les promotions des magistrats, mettant ainsi en veilleuse les larges attributions que lui confère la loi (...). Les différents points inscrits à l'ordre du jour n'ont pas été examinés, c'est le cas notamment des requêtes des magistrats et des promotions accordées hors conseil, de l'examen de la situation des magistrats dépassant l'âge de la retraite, du non-respect des dispositions relatives aux sessions d'ouverture et de clôture... ». Pour les contestataires, le fonctionnement du conseil est devenu confus du fait de l'absence de consensus, ajoutant plus loin, et sa mission fragilisée compromise à cause de la saisine du Conseil d'Etat pour l'annulation de la promotion de deux magistrats « sans respect aucun des procédures contradictoires ». Les quatre signataires ont estimé que le plan « restrictif » de gestion des carrières qui tient compte des postes budgétaires « limite le pouvoir » d'appréciation du conseil et « fausse » les règles édictées par l'ordonnance portant statut des magistrats. Devant cette situation, ils ont exprimé leur refus de continuer à être silencieux et cautionner ainsi les pratiques qui, d'après eux, ne font que « prolonger l'incertitude » du statut professionnel, aussi ils ont conditionné leur participation aux travaux du conseil par « l'examen des points soulevés et par l'assainissement de l'ordre du jour des sessions précédentes ». En réponse à ce courrier, soit le 3 août dernier, le président de la cour des comptes a décidé de la suspension des quatre contestataires en leur adressant les décisions alors qu'ils étaient en congé annuel. Il aura fallu la rentrée sociale pour que les réactions à ces mesures soient rendues publiques. Pour les syndicalistes, le président de la cour a écarté leurs quatre collègues pour les remplacer au sein du conseil par des suppléants, ce qui est une violation des textes. « Nous comptons mobiliser l'opinion publique sur ce grave précédent », a déclaré un membre du bureau syndical. Pour sa part, le président de la cour était injoignable hier.