Devant l'imposant siège de la Cour des comptes, des consignes ont été données aux agents de sécurité de ne laisser aucune personne étrangère, encore moins les quatre membres du bureau du Syndicat des magistrats d'avoir accès aux bureaux. Respectées et appliquées à la lettre, ces consignes ont fait avorter l'action de protestation prévue aujourd'hui dans l'enceinte même de la Cour des comptes. Mesures arbitraires Face à cette « énième violation des libertés syndicales », les magistrats ont interpellé le président de la République. Ils lui ont adressé une longue lettre de protestation dénonçant « les mesures arbitraires et illégales » prises par le président de la Cour des comptes à l'encontre de quatre membres du bureau syndical. « Les magistrats de cette institution n'ont pas pu résoudre les problèmes qui ne font que s'accumuler du fait de l'absence de prise en charge par le président et de l'abus de pouvoir de ce dernier. » Les signataires ont décrit la situation « catastrophique » dans laquelle se trouve aujourd'hui la Cour des comptes, citant au passage : « Le gel des activités du conseil depuis trois ans, le non-respect des décisions rendues par cette instance, le refus du président de procéder à la nomination des magistrats, d'avaliser les augmentations de salaires, de tergiverser dans l'élaboration du statut particulier du régime des retraites des magistrats. » Ainsi, le conflit entre le syndicat des magistrats et le président de la Cour des compte semble se durcir en l'absence de toute volonté de dialogue. Abus et non-droit Selon le secrétaire général du Syndicat des magistrats de la Cour des comptes, Benhala Saâdeddine, il n'est pas question pour les représentants de l'organisation syndicale « de revenir à une situation de crise à l'approche de l'événement politique que vit le pays. Nous voulons trouver une issue à ce conflit qui nous oppose au président dans le calme et le dialogue. Cependant, il nous a surpris en nous adressant les lettres de suspension alors que nous étions en congé, pour deux motifs : absence à la réunion et les propos tenus dans la lettre qui lui a été envoyée par les membres du bureau du syndicat au mois de juillet. Les décisions du président sont illégales et abusives. Elles démontrent la volonté du président d'aggraver la situation. L'interdiction d'accès à nos locaux qui nous a été notifiée nous a astreints à tenir nos réunions dans d'autres structures. Nous avons prévu un programme d'action de protestation que nous allons soumettre au conseil national, juste après le référendum, une fois que nous aurons trouvé un local pour nous réunir. Nous ne comptons pas baisser les bras ». Prise en otage, la Cour des comptes se retrouve ainsi paralysée par un conflit qui ne semble pas connaître une fin. « Surseoir aux travaux du conseil des magistrats n'est pas fortuit. Il relève d'une succession de facteurs responsables d'une situation de non-droit et d'absence de transparence », a déclaré Benhala Saâdeddine précisant que le conseil « a toujours fonctionné sans la présence du président. Le vice-président et le censeur général ont siégé sans être légalement nommés. Il est à signaler aussi que le conseil a exercé sans règlement intérieur, de nombreuses requêtes de magistrats n'ont pas été examinées et les décisions prises souverainement lors du précédent mandat n'ont pas été appliquées (...) L'idée d'entrave au fonctionnement du conseil suite à l'absence des membres élus aux deux réunions n'est qu'un subterfuge créé de toute pièce (...) pour faire croire à une vacance et remplacer les quatre membres élus licenciés (...) L'intention de nuire n'est pas à démontrer (...) confondant ainsi les obligations statutaires et le mandat exercé par les élus (...). » Les syndicalistes se sont donc donné rendez-vous pour début de la semaine prochaine. Ils comptent investir la rue et revenir à des actions de protestation spectaculaires pour faire intervenir les pouvoirs publics dans ce conflit qui les oppose au président et qui, selon eux, n'a que trop duré.