Situé sur la côte est d'Alger, le village de Bordj El Bahri, (ex- Cap Matifou) a les pieds dans l'eau au bord des rives bleu turquoise qui s'étendent d'Alger Plage jusqu'aux confins de Tamentefoust (ex- La Pérouse). Le territoire de la circonscription administrative est d'une superficie de plus de 7 km2 dans laquelle s'insère le lieudit Café Chergui, la cité de Dergana et abrite 30 000 habitants au dernier recensement opéré en 1998. Le chiffre est revu toutefois à la hausse pour égaler le nombre de 50 000 âmes en raison de l'essor urbanistique, nous a dit Mme Naïma Dridi, la première vice-présidente de la municipalité de Bordj El Bahri. Cette localité, distante seulement de 27 km d'Alger, rayonnait autrefois sur des lieux de villégiature situés aux alentours du chemin des Ruines, où les camps de vacances, les terrains de camping et de sport offraient aux estivants le raffinement et l'art de vivre. Seulement, l'accession opérée au début des années 1980 au rang de commune allait sonner le glas du « grenier de la France » et précipiter la ville dans la déliquescence. Et pour cause, l'agriculture est délaissée au prétexte fallacieux de la rareté des moyens d'irrigation et de la remontée des eaux de mer, nous dit-on. En conséquence, le béton rampant se propage aujourd'hui sur les vertes terres d'une ville à vocation agricole et qui s'étendaient jadis aussi loin que la vue pouvait se déployer. Au demeurant, quelques hectares subsistent encore à l'état de jachère et attisent en ce moment tous les desseins de cupidité qui s'esquissent au café situé en face du siège de l'Apc : « Celui qui veut un terrain n'a qu'à venir dans notre commune pour être servi sur-le-champ », nous confient des citoyens qui nous ont accostés à la sortie de l'APC, et de préciser que l'enquête diligentée par les enquêteurs de l'Office national de répression du banditisme (ONRB) a mis à nu un important réseau de falsification de documents administratifs au sein même de l'Apc. C'est ainsi que 13 personnes, en majorité des employés de l'Apc, ont été placées sous mandat de dépôt pour chef d'inculpation de double assassinats, faux et usage de faux, trafic d'influence, usurpation d'identité, escroquerie, corruption, dilapidation de deniers publics et blanchiment d'argent. Présentement, la pénurie du foncier freine l'investissement touristique. L'exemple aidant, l'unique hôtel, sis à la place de l'Etoile d'Alger Plage, propriété d'un opérateur privé, est toujours fermé en raison des dégâts occasionnés par le séisme du 21 mai 2003. C'est dire que l'accession au statut de municipalité n'a pas produit en fin de compte l'élan de développement escompté. Kahouet chergui : Le Pechawar local Loin s'en faut, la commune d'apparence décousue et agitée est désagréable à voir durant la belle saison, où l'été est malheureusement synonyme de gros nuages de poussière. Ici, l'hiver est redouté pour les innombrables flaques d'eau dans les crevasses et les camions qui charrient de la boue. Pour y remédier, l'équipe communale a réuni un budget pour le revêtement des routes qui mènent du lieudit Café Chergui jusqu' à Coco Plage. Malheureusement, l'enveloppe est trop faible pour prétendre évaser la RN 24 et désengorger le trafic sur la route dite Harraga : « L'infrastructure n'a pas suivi l'extension du tissu urbain. Pour ce faire, nous avons procédé à la démolition de six villas pour dégager un espace nécessaire à la réalisation du projet de l'échangeur programmé en 2003 par le ministère des Travaux publics », atteste notre interlocutrice. Le bazar érigé sur un monticule qui surplombe le semblant de station urbaine de Kahouet Chergui ne satisfait à aucune norme de sécurité et échappe complètement au contrôle de l'apc : « Le marché appartient à un ancien élu issu d'un mandat de la fin des années 1980 et qui a accaparé cette parcelle », nous ont confié des citoyens très au fait de l'actualité de leur commune. Les vendeurs d'eau, les taxis clandestins et les commerçants de l'informel s'ajoutent à l'anarchie ambiante et jouent au jeu du chat et de la souris avec les agents de l'ordre public totalement dépassés. La microzone : un projet mort-né Le lancement du projet d'une microzone d'activité devait générer des recettes pour l'apc, qui continue de fonctionner avec un budget de 4 milliards de centimes. La municipalité vit actuellement des loyers des biens de l'Etat et des frais de location de l'abattoir local. Concernant le logement, la municipalité de Bordj El Bahri a bénéficié de 66 logements sociaux participatifs, dont la distribution a été confiée à l'Opgi de Dar El Beïda. Cependant, le projet de 120 logements du même organisme logeur est toujours en suspens. Il faut donc ajouter le programme de 300 logements piloté par la direction du logement de la wilaya d'Alger et financé par le Fonds arabe de développement social qui ne peuvent satisfaire une demande de plus de 4000 demandeurs de toit. « Notre commune était rattachée jusqu'en 1997 à la wilaya de Boumerdès où des demandes de logement ont été probablement satisfaites. Maintenant que nous avons réintégré la wilaya d'Alger, nous sollicitons le concours des fichiers nationaux de l'Aadl et de la Caisse nationale du logement pour débusquer d'éventuels fraudeurs », a tenu à préciser notre interlocutrice. Volte-face énigmatique Il était midi, lorsque notre entretien a été interrompu brusquement par la sonnerie du téléphone et l'intrusion en coup de vent de la secrétaire qui annonçait une urgence à notre interlocutrice. Après avoir raccroché, l'élue, visiblement gênée par ce qui paraissait être une injonction, a subitement demandé à voir nos cartes professionnelles avant de nous raccompagner gentiment à la porte et de mettre fin à l'interview. Nadir Kerri , Nazim Djebahi