Abdelaziz Bouteflika ne veut pas qu'on lui donne de leçon en matière de lutte contre le terrorisme. Hier, à la Coupole du 5 Juillet à Alger, il l'a clairement dit lors d'un meeting électoral en faveur de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Nul n'est, selon lui, habilité à lui apprendre comment faire pour combattre le phénomène. « Je suis le président de la République. Je suis le chef suprême des forces armées. Et je suis le ministre de la Défense », lance-t-il. Entre journalistes massés devant une barrière constituée d'éléments de la garde présidentielle, de la DSPP et la console sono, des regards interrogateurs s'échangent. De qui parle Bouteflika ? Inutile de chercher la réponse. Bouteflika dit avoir connu des « éradicateurs » et des « islamistes ». « Loin du pouvoir, j'étais toujours favorable à réconciliation nationale. Et je n'ai pas changé de position », précise-t-il. Là aussi, des regards interrogateurs. Qui était « éradicateur » et qui est devenu « réconciliateur » ? Continuant. Il y a le mot d'ordre : « Vous êtes libres de voter pour la paix ou contre la paix », lance-t-il. Cela clarifie au moins une chose : le non au référendum du 29 septembre ressemble déjà à « un rejet » de la paix. La charte du 14 août est qualifiée par Bouteflika comme « un rappel » au vaccin de « la concorde civile ». Vaccin ? « Je procède avec le peuple de la même manière qu'un médecin »,a-t-il dit. La guérison par doses est censée, selon la logique du chef de l'Etat, neutraliser la violence dans la société. « Après le deuxième vaccin, Rebi eddir el khir », dit-il. Le président de la République suggère qu'un autre « rappel » est possible. « Le peuple algérien saura quoi faire au moment voulu », appuie-t-il. Cela dit, la question de « l'amnistie générale » est ignorée dans le discours. Et puis, il y a cette phrase dite en français : « Une hirondelle ne fait pas le printemps. » « Et moi, je parle avec le peuple », insiste Bouteflika. Il tient à témoin les présents dans la salle et lancera : « Dans la charte, vous saluez l'armée et les services de sécurité ». Il évoque un passage dans le rapport de Farouk Ksentini, non encore rendu public, sur les disparitions forcées en Algérie. « Il est écrit dans ce rapport que des services de sécurité ont procédé à des disparitions. J'ai lu ce passage dans la presse... », annonce-t-il. Le chef de l'Etat a-t-il lu le rapport dans son intégralité ? Sur un ton de reproche, il déclare , sans la nommer, que la commission Ksentini avait droit à la liberté d'expression mais elle devait éviter, « pour des questions sensibles », de blesser autrui. « Samahaoum Allah ! (Que Dieu leur pardonne) », lance-t-il. Revenant sur les drames de ces dernières années,M. Bouteflika annonce que 100 000 Algériens ont été tués. « Mais, au fond de moi, je sais qu'il y a eu 150 000 morts », dit-il. Les dégâts matériels sont estimés, selon lui, à 30 milliards de dinars. Aucun chiffre sur le nombre réel des disparus. Sauf celui-là : « Depuis 1999, il y a eu 7 disparus. » Rendant hommage Abdelhak Benhamouda, il évoque les « talents journalistiques » et « les savants » assassinés ou obligés de quitter le pays durant les années de violence. « Il y avait, d'un côté, ceux qui tuaient avec le couteau et le pistolet et, de l'autre, ceux qui incendiaient tout avec des déclarations et des mots », dit-il. La cause est entendue : Bouteflika ne veut, et il le répète, ni d'un Etat laïc ni d'un Etat théocratique. « Je dis bien Etat islamiste », précise-t-il. Il souligne que l'Islam est la religion de l'Etat et insiste pour dire que l'Islam a été « le ciment » qui a sauvé l'Algérie de tous les drames et des invasions. « Ce n'est ni l'arabité ni l'amazighité qui l'ont fait », indique-t-il encore. Au passage, il souhaite une « hadja » (un pèlerinage » à la comédienne Bayouna présente, au premier rang, avec une flopée d'artistes, à l'image de Farida Saboundji, Mohamed Adjaïmi, et Mohamed Lamari. « Notre ténor qui, quand il chantait, faisait éclater le verre », claironne Bouteflika à l'adresse de Mohamed Lamari, l'interprète célèbre de « Ah, ya qalbi » (ô, mon cœur !). La salle se vide petit à petit. Au fond, une femme, à la voix à peine audible, lance : « El hogra ! Les plus puissants mangent les plus faibles ». Bouteflika marque un arrêt : « Levez votre tête, personne ne vous fera de mal. Patience ! » Il appelle les présents à lire la charte et à voter. « Je vais m'engager dans une mer profonde. Un engagement plus dangereux que celle de la guerre de libération.... », dit-il.