ce n'est qu'à travers une telle lucidité qu'apparaît sous son jour le plus cru cette dialectique infernale qui met en rapport et en opposition, tout à la fois, le pouvoir politique et l'intellectuel. Une dialectique qui est en fin de compte psychologique, voire psychotique. Cela alourdit encore l'angoisse et l'incertitude de l'intellectuel qui ne peut rester en marge et doit accomplir son intervention sociale. Mais cette intervention le rend aussi très vulnérable, voire susceptible. Parce que l'intellectuel joue parfois le rôle de la victime ou le rôle du bourreau. Parfois les deux. Durant cette année 2005, plusieurs comportements politiques et plusieurs situations se sont présentés aux yeux de l'intellectuel qui en devient plus inquiet. La guerre d'Irak qui se continue douloureusement. L'Amérique de Bush de plus en plus sûre d'elle-même, avec le délire religieux du président américain qui n'arrête pas de fustiger les autres pays, sur un ton biblique. L'accord de partenariat de l'Algérie avec l'Union européenne, qui affole tout le monde jusqu'au patronat qui devient brusquement étatiste et revendique l'aide de l'Etat, lui qui a dénoncé l'Etat-providence et l'Etat-vache-à-lait ! La campagne pour le référendum au profit de la réconciliation et de la paix, qui ouvre la porte à tant de loups, d'affairistes et d'opportunistes. Avec tant de discours pleins de contradictions, de paradoxes, de mensonges et de délires verbaux que les salles et les stades combles ne font qu'exacerber. L'AIS et le GIA ont été militairement défaits par l'armée nationale, la sécurité nationale, les patriotes et les GLD. L'AIS s'est rendue parce qu'elle ne pouvait plus assassiner, violer, égorger, dévaster le patrimoine public. Il y a eu à ce moment la politique de la compassion qui était difficile à accepter ; mais avec la réconciliation, c'est un autre concept moral (ou immoral ?) qui est mis en action. Se réconcilier avec qui ? Pardonner à qui ? Ainsi, pour les besoins de la cause, la mémoire de Matoub Lounès est manipulée par des hommes politiques qui ont oublié que tant d'intellectuels, d'artistes et de journalistes ont été assassinés d'une façon barbare par la horde sauvage ! C'est pourquoi la mémoire du sang doit être longue et fertile. Pourquoi alors se réconcilier avec des tueurs qui continuent à assassiner tous les jours les jeunes appelés du service militaire et la population, toutes classes confondues ? Normal que Madani Mezrag se pavane dans le pays et prêche la haine, la menace et l'exclusion. Comme il le faisait dans son maquis dans les années 1990. Sauf que maintenant, il s'agite dans les lieux publics avec la complicité et la bénédiction du pouvoir politique. Il y aussi l'attitude de la France officielle qui refuse de reconnaître ses crimes, non seulement en Algérie mais ceux qu'elle a commis dans le monde entier (Afrique, Maghreb, Moyen-Orient, Asie, etc.), avec des arguments grotesques et nfantins. Encore un déni ! Le monde va mal. Les hommes politiques se permettent tout. Le capitalisme triomphant et l'impérialisme arrogant ont même réussi à faire de ces deux concepts des mots tabous... Et pour conclure et revenir à l'attitude de Jean Paul Sartre et à ses questionnements d'humanisme invétéré, il reste à dire que ce génie d'intellectuel sartrien a presque totalement disparu. C'est pourquoi il faudrait que les intellectuels perspicaces se cramponnent à leur « rigidité ». Plus que jamais. Car la mémoire du sang est longue et fertile. A suivre