Un chiffre peut-être rond ou carré, tronqué ou réel, effrayant ou rassurant, à virgules ou entier, flottant sur l'inconnu ou absolu dans ce qu'il représente. Mais dans tous les cas, un chiffre est froid, glacé comme un soleil d'hiver, une politique nationale, une raison d'Etat ou un calcul de pourcentage, même au pays de l'informel. Dans tous les cas aussi, le chiffre appartient toujours à quelqu'un, même s'il implique beaucoup de personnes. Il y a toujours un chef du chiffre, celui qui les calcule, les rassemble et les donne à l'opinion. Depuis quelques années, c'est Yazid Zerhouni qui fait office de chiffreur en chef. Hier encore, il est sorti froidement de son bureau avec une chemise froide pleine de chiffres froids. Qu'il a pourtant donnés avec un sentiment de satisfaction, avec une chaleur inhabituelle chez ce ministre de l'Intérieur souvent très froid, comme un chiffre. Et le chiffreur en chef n'a pas fait que donner des chiffres. Il a répondu à quelques questions, en en oubliant souvent une quand on lui en a posé plus de deux, et s'est étendu en donnant sa propre appréciation, qualifiant les chiffres du référendum de plus gros score depuis l'autre référendum, le premier, celui de l'autodétermination. Ce qui semble logique, qui peut refuser l'indépendance ou la paix ? Personne, même si contrairement au premier où il s'agissait de recouvrement des richesses nationales, le second inclut le programme de les vendre au plus offrant. Mais bref. Après les chiffres et l'exégèse, le chiffreur en chef est parti, levant la séance froidement. Puis tout le monde est rentré chez lui retrouver la chaleur de son foyer, avec la satisfaction du devoir accompli. Tous ? Non. Les 200 000 Algériens qui ont voté non doivent se sentir bien seuls aujourd'hui. Qui sont-ils ? Le chiffreur ne l'a pas dit, mais selon quelques indiscrétions, il aurait les noms.