Emile Habibi, qui a vécu depuis 1922, date de sa naissance, tous les grands événements de la Palestine, a été toujours cet écrivain « historique » peut-être inégalable dans la littérature palestinienne. Sans exagérer, on peut avancer déjà que son œuvre Soudassy et El Ayy arn Es suifa (les six jours de l'étoile de David) est unique dans cette littérature. Nouvelles, documents, cette œuvre publiée en 1969 est un journal incomparable sur l'invasion israélienne de la Cisjordanie en 1967. On y trouve des témoignages cruels, mais impérissables pour la mémoire palestinienne et une large place réservée au mouvement de masse, ce mouvement, qu'Emile Habibi en écrivain visionnaire a toujours parié sur sa portée historique pour une libération totale du joug colonial. Comme 1948, l'année 1967 n'est qu'un repère pour Emile Habibi, qui n'a jamais cessé de militer aux prix de mille sacrifices (l'écrivain a connu à maintes reprises les affres des prisons israéliennes) pour une Palestine libre. En 1974, il publie son œuvre la plus importante de par sa maturité politique et artistique Al Waqà'I Al Agiba Fi Ikhtifa Said Abi Nahs Al Mutasha'il traduite dans de nombreuses langues, dont le français, où déjà le choix du thème et du titre, dans son ironie impitoyable, démolit d'un coup d'épingle toute la propagande israélienne. « Lorsque je décidais de ne plus être un imbécile, je ne dis pas au Grand Homme ce que je pensais de son appareil ultramoderne » (p.71). C'est ainsi que pense le héros de ce roman. Un héros qui n'est qu'un maillon du combat quotidien des masses palestiniennes. Un héros qui fait sienne l'idée du philosophe Hume : « Si nous n'avions pas de mémoire, nous n'aurions jamais eu la moindre notion de la Cause... » Dans ce roman, Emile Habibi a aussi défié toutes les formes romanesques conventionnelles, ce qui n'est pas le moindre des facteurs. Par cette œuvre, Emile Habibi a créé tout un univers esthétique et a révolutionné la forme du roman arabe moderne qui était « occidentalisée » jusqu'alors. Mais au-delà de la forme, cette œuvre est surtout « prophétique » dans l'histoire littéraire palestinienne et dans l'Histoire tout court ! « Celui qui ne veut pas rester sur son pal n'a qu'à descendre avec nous dans la rue. Il n'y a pas d'autres solutions ! » (P. 194). Quelle vision ! Quelle prophétie ! Il a fallu plus de quinze (15) ans (2) pour que ce mot d'ordre d'Emile Habibi soit enfin exécuté par les masses ! Mais qu'importe, « il n'est jamais trop tard pour bien faire ». Emile Habibi, en écrivain authentiquement patriote visionnaire, a toujours cru en ces masses et a toujours su que « quand ce nuage sera passé, le soleil se lèvera » (p. 196). (1)Emile Habibi est né à Haifa en 1922 et est décédé à Jérusalem en 1994. Nouvelliste, romancier et dramaturge, il a publié une dizaine d'œuvres, dont Le destin d'Oum Hachem, Quel avenir pour les réfugiés ?, Les six jours de l'étoile de David, etc. (2)Quinze ans après la parution du roman, l'Intifadha est enfin déclenchée