C'est bien un symbole et un symbole palestinien que tant de grandes œuvres déjà inscrites dans l'héritage palestinien soient nées dans l'exil et que, depuis 1948, Djabra Ibrahim Djabra, Ghassan Kanafani, Mahmoud Darwich, Edward Saïd et tant d'autres, dont les noms occuperaient toute une page, aient écrit pour un public perdu, qu'il leur faudrait un jour reconquérir. Dans un essai (1) sur la littérature palestinienne, Yahia Khalef (2) écrit : « De ce choc, (l'exil), la littérature palestinienne a eu toujours cette empreinte indélébile de ‘'l'exil''. Dans la Palestine occupée et meurtrie, l'écrivain n'a pas sa place. Les Israéliens ne font pas de différence entre ‘'le livre'' et ‘'le pistolet''. Même dans certains pays arabes, l'écrivain palestinien est ‘'mal vu'', aussi, beaucoup d'auteurs de renom ont quitté le monde arabe, précisément pour écrire leurs livres sous d'autres cieux plus cléments ». « C'est pourquoi, les œuvres palestiniennes de qualité réelle doivent se frayer un chemin parmi un encombrement incroyable. On ne s'étonnera donc pas que notre littérature la plus valable aujourd'hui s'écrit dans l'exil et qu'un grand nombre d'écrivains palestiniens se soient “engagés” dans la lutte politique à l'extérieur de leur terre. » Participer « avec l'écriture » à la lutte nécessaire pour recouvrer les droits palestiniens, sans sacrifier les formes littéraires modernes et surtout les contenus du réalisme porteur de « la vérité palestinienne », telle est la tâche qui se dresse devant les écrivains (de la nouvelle génération) les plus conscients de leurs fins et les plus exigeants sur leurs moyens. A ce sujet, Yahia Yakhlef écrit : « L'avant-garde innovatrice dispersée à travers les cinq continents ne leur offre que rarement des incitations fécondes. C'est pourquoi, dans la méfiance à l'égard de la fiction, se développe-t-il toute une “littérature documentaire” : elle va du récit encore spontanément réaliste, du reportage pur et simple mais politiquement (bien) orienté, des interviews (phénomène nouveau et à suivre) au magnétophone reproduites directement (ce qui peut donner parfois de surprenants effets « esthétique ») - à des textes “inclassables” pour la critique traditionnelle, proses sans personnages et sans cohérence apparente, mais qui ramènent dans les filets de l'écriture le réel contemporain, ses contradictions et ses luttes ». Cependant, il serait erroné (comme le précise Ahmed Kamil (3) répliquant à Yahia Yakhlef de rattacher à ces « tentatives » tous les écrivains palestiniens contemporains. En effet, il y a une minorité d'auteurs qui se livre constamment à une recherche discrète et approfondie de voies originales pour le récit. Il semble bien aussi que les écrivains palestiniens contestent de plus en plus dans les faits le modèle épique traditionnel et se posent davantage les problèmes de la langue, considérée non seulement comme un « moyen » mais comme une « matière ». C'est ce qui explique peut-être la prédominance actuelle de la « forme brève », roman court, nouvelle ou cycle de récits, où se déploient à la fois des recherches d'écriture et les multiples variations sur le thème. Résumant la « situation littéraire » palestinienne, Yahia Yakhlef écrit : « Sans doute après 1948 (4), on a puisé beaucoup d'inspiration dans les modèles littéraires égyptiens tels qu'ils s'étaient imposés à partir du début du XXe siècle, mais aujourd'hui la littérature palestinienne manifeste une grande variété. Partout, à des degrés divers et dans des conditions parfois opposées, il y a des auteurs qui cherchent à élargir le registre de l'écriture pour mieux participer au combat du peuple palestinien. » 1 La littérature palestinienne d'aujourd'hui (en arabe), Editeur non mentionné 2 Ecrivain palestinien. Son œuvre la plus célèbre est Nadjrane sous zéro. 3 Jeune écrivain palestinien 4 Année où les Israéliens aidés par les Anglais ont chassé les Palestiniens de leurs terres et ont créé l'Etat d'Israël.