A l'époque coloniale et bien des années après, à l'heure où le soleil déclinait à l'horizon, enfants, on était attentif, au même titre que nos aînés, au signe annonciateur de la rupture du jeûne. Le son d'un canon chargé à blanc et actionné généralement par un employé communal, à la vue des lumières allumées sur le minaret de la Grande mosquée. Au son tonitruant du canon, a succédé le son aigu d'une sirène déclenché au niveau de la caserne des sapeurs-pompiers et sur des immeubles. Cet instrument, qui annonçait par le passé l'imminence d'une menace ou d'une catastrophe quelconque, retentissait cette fois-ci pour la bonne cause, l'annonce de la rupture du jeûne. Mais, les pannes d'électricité étant fréquentes à cette période, la sirène restait souvent muette, plongeant les Constantinois dans l'expectative sinon le désarroi chez les plus anxieux. Et dans ces cas de figure, il était fréquent de voir les chefs de famille épiloguer sur l'heure H, n'hésitant pas à s'interpeller sur les pas-de-porte et d'une fenêtre à l'autre, chacun évitant soigneusement de se « mouiller » et risquer les foudres de ses voisins s'il venait à se planter dans ses estimations. Au final, même si les estomacs criaient famine en raison des interminables palabres qui s'engageaient dans ces moments là, il était fréquent pour les familles constantinoises, réunies autour d'une chorba fumante éclairée par les lueurs blafardes d'une bougie, de rompre le jeûne bien au-delà de l'heure H.