Entrepôt H&M de la banlieue parisienne, il est 6 h. Les ouvriers commencent leur journée de travail. Parmi eux, Reda, originaire d'Oran ; il a 28 ans et s'est marié il y a un an. Il a abandonné le lycée avant le baccalauréat. Depuis, il enchaîne les petits boulots mal payés et va et vient au gré des besoins des entreprises de la région. Aujourd'hui, il est préparateur de commande intérimaire. Le voilà donc en train de « pointer » chez H&M. Une fois de plus, le travail de Reda est tout, sauf passionnant : une liste à la main, il parcourt l'entrepôt pour aller chercher les commandes. Les consignes sont strictes, et l'entreprise intransigeante avec ses employés. Pas question de traîner ni de bavarder entre les allées. Pas question de s'asseoir non plus. Des chefaillons montent la garde. Les préparateurs ont un quota à respecter et malheur à celui qui ne sera pas dans les temps. Le salaire n'incite pas pour autant à faire du zèle, les ouvriers gagnent tout juste le salaire minimum légal. Reda a tout de même un peu de chance. Contrairement à la plupart de ses collègues, il reçoit une prime censée compenser la précarité de son poste. Mais en contrepartie, H&M peut le renvoyer à la moindre incartade. Ou parce qu'on n'a plus besoin de lui. Alors Reda fait de son mieux, avec l'angoisse de ne pas pouvoir revenir le lendemain. H&M est un des leaders de la mode à petit prix en Europe. Et pour continuer de proposer des prix si compétitifs, l'enseigne n'a pas inventé de solution miracle. Elle fait produire ses vêtements dans les pays émergents, puis recrute en Europe des employés sans qualifications, souvent d'origine maghrébine, et qu'elle peut remercier du jour au lendemain. Chez H&M, c'est la main-d'œuvre qui s'adapte. Et pourtant, l'entreprise soigne son image. Photographiée en train de prendre de la drogue, le mannequin Kate Moss s'est vu refuser le contrat qui aurait du faire d'elle l'égérie de la marque. La charte éthique de l'entreprise et les fondations de bienfaisance qu'elle finance en auraient certainement perdu leur crédibilité. Mais le glamour des publicités omniprésentes dans l'entrepôt fait amèrement sourire Reda. Car une fois son loyer et ses repas payés, son salaire ne lui laisse pas beaucoup de place pour rêver. La mode pour tous à un coût, H&M l'a parfaitement compris. Ses employés en paient le prix.