Dans la matinée d'hier, plusieurs centaines de jeunes habitants de Hadjar Dis, Bergouga et Derradji Redjem, des localités de la commune de Sidi Amar (Annaba), ont occupé la route durant plusieurs heures. Ils scandaient des slogans en termes très violents contre les autorités locales et le Pouvoir. Formant une longue procession, les manifestants se sont dirigés vers le chef-lieu de commune, Sidi Amar, distant de leur localité d'une dizaine de kilomètres. Aux abords du siège de cette administration qu'ils ont tenté de saccager, ils ont été rejoints par plusieurs centaines d'autres jeunes. L'arrivée des éléments de la brigade antiémeute de la Gendarmerie et leur intervention rapide ont permis d'éviter le pire. Ne se limitant pas aux slogans violents, aux barrages composés d'objets hétéroclites ainsi qu'à l'incendie de pneus et autres troncs d'arbre placés au travers des routes pour bloquer la circulation automobile, les manifestants se sont dirigés par la suite vers Bouzaroura, dans la commune d'El Bouni, 7 km plus loin. Très importante par sa situation géographique et sa vocation de carrefour à destination de plusieurs wilayas de l'intérieur, la route Annaba-El Hadjar-Guelma-Souk Ahras-Tébessa a été fermée à toute circulation par les manifestants de 10h à 16h30. Les manifestants entendaient exprimer ainsi leur colère et leur désapprobation contre l'indifférence des autorités locales. Celles-ci sont accusées de ne pas respecter les engagements qu'elles avaient pris le 2 septembre 2004 à l'issue d'une réunion regroupant les représentants de quartiers et de cités, le chef de la daïra d'El Hadjar et le président de l'APC de Sidi Amar. Cette réunion était intervenue quelques heures après des émeutes provoquées par des jeunes en colère contre les représentants syndicaux d'Ispat El Hadjar. Rappelons qu'un enfant est décédé, écrasé par un tube de gros diamètre mis au travers de la route par les émeutiers. A ces syndicalistes, il était reproché le recrutement d'une soixantaine de jeunes issus des localités avoisinantes au détriment des demandeurs d'emploi de Sidi Amar. Aux premières heures de la journée du 3 septembre, les travailleurs d'Ispat décidaient une grève illimitée. Elle avait été aussitôt appliquée sur le terrain, paralysant de fait l'ensemble des unités de production du complexe sidérurgique. La grève avait été suivie par les travailleurs d'une vingtaine d'autres entreprises publiques de la plate-forme syndicale UGTA de Sidi Amar. Cette grève était en quelque sorte une réponse directe des travailleurs aux menaces d'agression dont faisaient l'objet plusieurs membres du conseil exécutif du syndicat. « L'élimination quasi totale des produits déclassés et rebutés causant l'effondrement du trafic informel de ces produits, hier sources extraordinaires de profits pour la mafia locale de l'acier, a valu au secrétaire général du syndicat, durant ces trois dernières années, d'énormes pressions et des manipulations multiformes. Heureusement, conscients des enjeux et vigilants à souhait, les travailleurs ont démontré, lors du meeting du 30 août 2004, leur soutien indéfectible au bureau syndical d'Ispat Annaba, affichant par la même occasion leur hostilité totale à la mafia locale », précise, dans son communiqué émis le 5 septembre 2004, le conseil syndical d'entreprise. Analysé, cet enchaînement de faits opérés par les jeunes manifestants et surtout par leur tentative d'entraîner d'autres localités, cités et quartiers distant de plusieurs kilomètres de leur commune prête à moult interrogations. « Qui peut bien tirer les ficelles de ces manifestations et émeutes ? Qui cherche à semer le trouble parmi les populations, particulièrement en cette veillée de rentrée sociale et scolaire ? A qui pareille situation pourrait bien profiter ? Même si Ispat venait à prévoir un quota de postes de travail au seul profit des jeunes de Sidi Amar, qui dit que ces manifestations prendront fin ? » Telles sont les questions que d'aucuns à Annaba se posent. En tous les cas, du côté des manifestants, l'on est déterminé à aller jusqu'au bout, jusqu'à satisfaction de leur seule et unique revendication, à savoir le recrutement de plusieurs jeunes de la commune et de ses différentes localités. « Nous souhaitons que les dirigeants d'Ispat Annaba, de leur côté, évaluent à sa juste valeur une année de trêve et de stabilité. Jusqu'à présent, le partenaire indien a toujours été à la hauteur de la confiance placée en lui. Nous souhaitons qu'il continue sur cette voie pour le bien de tous. » Cette autre affirmation du syndicat dénote quelque peu le climat de suspicion qui s'installe entre les deux partenaires depuis quelques mois. Affirmation qui peut également être interprétée comme étant une menace à peine voilée à la démarche des responsables indiens de la société de solliciter, le 1er septembre, les services d'un huissier pour enquêter sur la légalité de la grève déclenchée par les travailleurs.