La Cour des comptes a été réactivée, et l'organe de prévention et de lutte anticorruption sera enfin mis en service, selon l'avant-projet de loi de finances complémentaire 2010, adopté mercredi en Conseil des ministres. L'épisode applaudi et considéré comme un jalon précieux dans la «purification» de l'économie nationale mérite cependant quelques interrogations ou du moins une qui concerne la déclaration du patrimoine. Cette dernière, occultée par le Conseil des ministres, constitue pourtant l'un des fondements de la loi 01/06 du 20 février 2006 relative à la prévention et la lutte contre la corruption ; elle en est même la plus importante dans le volet prévention. Pour éviter en effet la dilapidation de l'argent public, promouvoir l'intégrité, la responsabilité et la transparence dans la gestion des secteurs public et privé, l'Etat a institué l'obligation de déclaration du patrimoine (des biens) pour les agents publics avant et au terme de leur mandat ou fonction. Les plus hauts responsables de l'Etat ainsi que les élus, catégories définies par la loi, sont, en effet, enjoints de déclarer leurs biens ; déclarations censées être publiées dans le Journal officiel (article 6). Depuis l'entrée en vigueur de la loi 01/06, ce sont des centaines et des centaines de responsables qui sont concernés. Or, au grand mépris de la loi, rien n'a été fait. Le Conseil des ministres du 25 août aurait pu saisir l'occasion pour redresser ce tort et mettre fin à une violation scandaleuse de la loi algérienne, mais hélas, il n'en fut rien. Les Algériens sont informés aussi que la loi 01/06 prévoit des sanctions en cas de violation des dispositions sur la déclaration du patrimoine. L'article 36, traitant du défaut ou la fausse déclaration du patrimoine, stipule en effet : «Est puni d'un emprisonnement de 6 mois à 5 ans et d'une amende de 50 000 à 500 000 DA tout agent public, assujetti légalement à une déclaration du patrimoine, qui, deux mois après un rappel par voie légale, sciemment, n'aura pas fait de déclaration du patrimoine, en aura fait une déclaration incomplète, inexacte ou fausse, ou formulé sciemment de fausses observations ou qui aura délibérément violé les obligations qui lui sont imposées par la loi.» Jamais cette loi n'a été appliquée et jamais le parquet ne s'est autosaisi pour inculper les contrevenants. Le défaut de déclaration entrave aussi la bonne conduite des missions de l'organe national de prévention et de lutte contre la corruption, telles que définies dans l'article 20 de la même loi, qui prévoit de «recueillir périodiquement et sous réserve de l'article 6 (alinéas 1 et 3) ci-dessus, les déclarations de patrimoine des agents publics, d'examiner et d'exploiter les informations qu'elles contiennent et de veiller à leur conservation». L'institution rebaptisée organe central de répression de la corruption, devra chômer sur ce plan en attendant que les «dignitaires» de l'Etat daignent se conformer à la loi et lever le secret sur leurs biens. Un secret qui se traduit par une réticence calculée et jette le discrédit sur l'intégrité des hommes du pouvoir. Pour sa part, l'effort tout récent de Bouteflika et son gouvernement demeure inachevé et n'empêche pas des interrogations sur la volonté franche et entière d'en découdre avec le fléau de la corruption.