Le ministre de la Justice a démontré que la suppression de l'article 7 ne prémunit guère les parlementaires contre la déchéance de leur mandat s'ils ne déclarent pas leur patrimoine dans les délais. Ambiance de jubilation, hier, au Conseil de la nation au sortir de la plénière qui a sanctionné l'adoption de six projets de loi dont celui relatif à la prévention et à la lutte contre la corruption. Affichant la mine de ceux qui ont joué un mauvais tour aux députés, les sénateurs et le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, se sont fait un réel plaisir de démontrer, aux nombreux journalistes venus couvrir l'événement, que les députés se trompent en croyant éviter la déchéance de leur mandat par la suppression du projet de loi portant prévention et lutte contre la corruption (article 7). Ce dernier stipulait : “Sans préjudice de peines prévues par la présente loi, l'absence de déclaration de patrimoine dans les délais prescrits entraîne la révocation des fonctions ou la déchéance de mandat électoral.” Mohamed Boudiar, président de la commission des affaires juridiques du Sénat, explique que les dispositions de cet article restent en vigueur grâce au contenu de l'article 36. Ce dernier prévoit une peine de prison de 6 mois à 5 ans, assortie d'une amende de 50 000 à 500 000 dinars, pour “tout agent public, assujetti légalement, à une déclaration de patrimoine, qui, deux mois après un rappel par voie légale, sciemment, n'aura pas fait de déclaration de son patrimoine, ou aura fait une déclaration incomplète, inexacte ou fausse, ou formulé de fausses observations ou qui aura délibérément violé les obligations qui lui sont imposées par la loi et ses textes d'application”. Le sénateur Boudiar précise que le gouvernement a bien ficelé son projet, puisqu'il a pensé à donner une définition plus large au concept “agent public”, dans l'article 2 de la loi. Ainsi le statut d'agent public englobe “toute personne qui détient un mandat législatif, exécutif, administratif ou judiciaire, qu'elle ait été nommée ou élue, à titre permanent ou temporaire, qu'elle soit rémunérée ou non, et quel que soit son niveau hiérarchique”. Le ministre de la Justice garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, n'a pu s'empêcher, malgré une certaine finesse dans le propos, d'égratigner les locataires de l'Assemblée populaire nationale en leur reprochant de s'être délestés d'une prérogative que le gouvernement leur a généreusement accordée. “L'article 7 donnait à l'administration des institutions – dont le Parlement — la possibilité d'administrer des sanctions disciplinaires aux agents publics, reconnus coupables de délits de corruption”, déclare-t-il avec un sourire. “Lorsqu'un élu ou un cadre de l'Etat est condamné définitivement, le tribunal a tout loisir de prononcer une peine complémentaire incarnée par la révocation ou la déchéance du mandat électoral”. En clair, les députés ne sauraient éviter, dans le cas où leur culpabilité dans une affaire de corruption serait avérée, s'ils ne déclarent pas leur patrimoine dans les délais ou s'ils font une fausse déclaration, une peine pénale qui impliquerait systématiquement une sanction disciplinaire. “Les députés auraient mieux fait de bien lire le projet de loi en question”, épilogue un sénateur. D'autant que le gouvernement s'apprête à prendre en charge les dispositions de l'article 7 dans des textes d'application de la loi sur la prévention et la lutte contre la corruption. Souhila H.