En Algérie, plusieurs lois, décrets et conventions internationales ont été adoptés et signés afin de lutter contre la corruption et le blanchiment d'argent. Ainsi, les lois de la République obligent les hauts cadres de l'Etat à faire des déclarations de patrimoine. Elles punissent l'enrichissement illicite de tout agent public qui ne peut raisonnablement le justifier et exigent des établissements financiers d'identifier leur clientèle et de surveiller les comptes à risques. Une traçabilité des transferts et des opérations bancaires est exigée mais pas seulement, la loi oblige les banques et autres institutions à avoir un dispositif de déclaration de soupçons avec la cellule de traitement du renseignement financier (CTRF). Ces dernières sont tenues de faire des déclarations dès qu'il y a un soupçon de blanchiment d'argent sur toute opération. Pour mieux cerner ce fléau, toute autre personne physique ou morale qui, dans le cadre de sa profession conseille ou réalise des opérations entrainant des dépôts, des échanges, des placements ou tout autre mouvement de capitaux, est tenue de faire cette déclaration de soupçon. Ainsi, à titre d'exemple, les avocats, les notaires, les commissaires aux comptes, les courtiers, les commissaires en douane ou encore les agents immobiliers sont tenus par cette obligation de déclaration de soupçon. Ce qui permet de déceler les opérations de blanchiment. Malgré tous ces textes, la corruption ou encore le blanchiment ont la peau dure et persistent, comme en témoigne la place peu enviable de l'Algérie dans le classement mondial de lutte contre ces fléaux. La première raison de cet échec est la non-application des lois. Et pour preuve, les articles de la loi 01-06 relative à la lutte contre la corruption ne sont pas respectés. C'est notamment le cas de l'obligation de déclaration de patrimoine faite aux plus hauts responsables de l'Etat, comme le stipule l'article 4. Des déclarations qui doivent être publiées au Journal officiel, selon l'article 6 du même texte législatif. Malheureusement, cet article n'est pas respecté actuellement malgré le fait qu'il s'agit d'une obligation juridique. Apparemment les lois, produites pour protéger le citoyen, sont elles-mêmes foulées aux pieds ! Il est permis d'affirmer que même la Constitution n'est pas respectée puisque, dans son article 60, il est stipulé que «nul n'est censé ignorer la loi. Toute personne est tenue de respecter la Constitution et de se conformer aux lois de la République.» A qui incombe la responsabilité de faire respecter les lois ? L'article 85 de la Constitution est clair : «Outre les pouvoirs que lui confèrent expressément d'autres dispositions de la Constitution, le Premier ministre exerce les attributions suivantes : il veille à l'exécution des lois et règlements.» La responsabilité d'Ahmed Ouyahia et de son prédécesseur sont donc clairement engagées. Celle du ministère de la Justice aussi puisque ce dernier est en mesure de s'autosaisir dans le cas de défaut de déclaration qui est considéré comme une infraction par la loi 06-01. Pour lutter contre la corruption, il est fait état également dans l'article 37 de la loi, de l'enrichissement illicite de tout agent public qui ne peut raisonnablement le justifier : «[…] L'enrichissement illicite est une infraction continue caractérisée par la détention des biens illicites ou leur emploi d'une manière directe ou indirecte.» Il est également fait référence au blanchiment du produit du crime et de son transfert. Le texte prévoit, dans son article 17, la création d'un organe spécialisé pour la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte anticorruption. Mais malheureusement, l'Algérie ne dispose toujours pas de cet organe. Un levier dont l'absence congestionne la démarche présidentielle. Le président a, dans le décret n°06/413 du 22 novembre 2006, fixé la composition de l'organe national de prévention et de lutte contre la corruption, son organisation et son fonctionnement mais n'a toujours pas désigné ses 6 membres. Quelle est la raison d'un retard aussi grand ? N'existe-t-il pas en Algérie des «incorruptibles» qui peuvent assurer cette mission ? Mystère et boule de gomme. Sur un autre plan, il est à signaler que la requalification de l'infraction dans le détournement des deniers publics (l'article 29 qui a remplacé l'article 119 du code pénal) reste incompréhensible pour de nombreux observateurs. L'Algérie, qui insiste sur l'éradication de la corruption, a décidé dans la loi 06-01 de décriminaliser le détournement de deniers publics. La sanction, qui pouvait être l'emprisonnement à perpétuité, est passée à un maximum de 20 ans de réclusion. Ainsi, les complices d'Abdelmoumene Khalifa dans l'affaire du détournement du siècle ont écopé de 20 ans et le délit commis par Achour Abderrahmane en détournant 3 200 milliards de la BNA a été sanctionné de 10 ans de prison ferme.Malgré ces incompréhensions, il est vrai que l'Algérie s'est dotée, en termes de textes, d'un arsenal juridique des plus complets. Elle a institué le règlement n°05-05 relatif à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Ce règlement, qui concerne la Banque d'Algérie, fait obligation aux banques et aux établissements financiers de «l'identification de la clientèle et la surveillance continue des comptes à risques». Pour ce faire, ces derniers doivent disposer d'un programme écrit de prévention, de détection et de lutte contre le blanchiment d'argent. Ils doivent ainsi avoir un dispositif de déclaration de soupçons avec la cellule de traitement du renseignement financier (CTRF). Ainsi, les banques sont tenues de faire des déclarations dès qu'il y a un soupçon et cela même s'il a été impossible de surseoir à l'exécution des opérations ou postérieurement à leur réalisation.La déclaration de soupçon a été instaurée après la promulgation de la loi 05-01 du 6 février 2005 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Dans ce texte, le blanchiment d'argent est défini comme étant «la conversion ou le transfert de biens dont l'auteur sait qu'ils sont le produit de crime, dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens […]». Le premier bouclier contre le blanchiment d'argent est constitué des banques et des établissements financiers qui ont obligation de «se renseigner sur l'origine et la destination des fonds ainsi que sur l'objet de l'opération et l'identité des intervenants économiques». Mais pas seulement, l'article 19 de ladite loi précise qu'en plus des banques et des établissements financiers, les services financiers d'Algérie Poste, les institutions financières apparentées, les compagnies d'assurances, les bureaux de change, les mutuelles, les paris et jeux ainsi que les casinos sont tous soumis à l'obligation de déclaration de soupçon. Pour mieux cerner ce fléau, il est même fait obligation à toute personne physique ou morale qui, dans le cadre de sa profession effectue un quelconque mouvement de capitaux, de faire cette déclaration. Intervient en second lieu, la commission bancaire, qui a obligation de s'enquérir de l'existence dans les établissements financiers du programme adéquat permettant de détecter et de prévenir le blanchiment d'argent. Il existe également en Algérie une autre institution chargée du contrôle a posteriori des finances de l'Etat, des collectivités territoriales et des sociétés publiques. Il s'agit de la Cour des comptes. Institué, en 1979, la Cour des comptes établit un rapport annuel qu'elle adresse au président de la République. Ce rapport doit être publié totalement ou partiellement au Journal officiel. Ce n'est malheureusement pas le cas. Aucun rapport n'a été publié depuis une douzaine d'années. Cet organe, faut-il le dire, est une coquille vide. Ce qui amène à la conclusion qu'en Algérie ce ne sont ni les textes ni les organismes qui font défaut mais l'application de la loi. Sans une application rigoureuse de la loi, la corruption et le blanchiment d'argent auront de beaux jours devant eux. D'ailleurs les montants effarants de détournements sont là pour en témoigner : 7 000 milliards dans l'affaire du groupe Khalifa, 3 200 milliards dans l'affaire Achour Abderrahmane, le détournement de 800 milliards du FAKI (Fonds algéro-koweïtien d'investissement), les 4 000 milliards de la BCIA (Banque commerciale et industrielle) ou encore les centaines de milliards pris par Hadjas dans le détournement du foncier agricole et d'autres engloutis par l'affaire obscure dite d'«exportation des métaux ferreux et non ferreux». En dépit de leurs différences, toutes ces affaires de corruption partagent le même dénominateur commun : l'évasion systématique des capitaux de l'Etat algérien vers l'étranger. L'Etat a donc obligation de réagir en demandant la levée du secret bancaire auprès des banques suisses ou encore dans les paradis fiscaux afin de connaître la liste des propriétaires algériens de ces comptes. Une liste qui pourrait dévoiler des noms pour lesquels aucun soupçon ne pèse actuellement comme elle confirmera les doutes sur d'autres noms, dont la vox populi se fait l'écho de façon récurrente. H. Y.