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L'eau coule à flots, mais la population a soif !
Les citoyens de Toudja excédés
Publié dans El Watan le 30 - 08 - 2010

La commune est nichée au milieu d'une haute et verdoyante colline dont les cimes culminent majestueusement à plus de 1300 mètres d'altitude.
Toudja est cernée par les chênes-lièges qui s'étendent à perte de vue, mais elle est surtout connue pour ses eaux minérales aux vertus organoleptiques inestimables. La région regorge, en effet, de sources intarissables dont la célébrité est restée intacte depuis la haute Antiquité.
Il est bien loin ce temps où El Aouançar ou les sources d'Aghbalou furent captées par les colons romains, pour alimenter en eau toute la cité Saldae, nom antique de l'actuelle ville de Béjaïa. L'aqueduc construit par les Romains charria en pente douce l'eau d'adduction et alimenta, des siècles durant, toute la cité bougiote. Vingt siècles plus tard, un premier musée de l'eau d'Algérie ouvrit ses portes à Toudja. C'était il y a quelques mois. Le musée célèbre bien une prouesse technique édifiante appartenant à un autre temps ! Aujourd'hui, comble du paradoxe, les 13 000 âmes éparpillées sur les 52 hameaux épars nichés sur l'Aghbalou sont quotidiennement aux prises avec la difficulté de s'approvisionner en eau. Si personne ne paye aujourd'hui l'eau à Toudja, pour la majorité des ménages, l'accès à l'or bleu est loin d'être une sinécure. Pourtant, cette montagne si généreuse regorge d'innombrables sources, qui jaillissent ici et là et qui, du reste, sont facilement exploitables.
Les canalisations qui «grimpent» cette colline pour alimenter les nombreux hameaux qui y sont nichés, sont si rares. Dans ces zones reculées, les Aït Rahmoune, Ikhetaben, Ihegaren, Aït Ousalah, Ihamyen ou encore les foyers de Tardam et d'Ighil N'Saïd ne disposent pas de réseau d'alimentation en eau potable. Idem pour Souk El Djemâa et bien d'autres hameaux limitrophes. Seule solution pour les villageois : le recours à la corvée des jerricans pour s'approvisionner en eau à partir de lointaines fontaines.
Les rares ménages qui disposent d'eau courante endurent les affres des restrictions hydriques. Les villages les mieux lotis sont alimentés durant 45 courtes minutes par jour à l'image de Timanitine, Ikhlef Oulma, Abrah, Ibaouchechene, Ifrène, Cheurfa, ainsi qu'une partie de Larbaâ. Ces hameaux sont tous alimentés par un même et très petit réservoir d'eau. Et encore, le réseau de distribution est complètement vétuste. Résultat des courses : la quantité d'eau qui se perd dans la nature est inestimable. Le gâchis est criant !
Le stress hydrique n'épargne ni les ménages, ni les petits cultivateurs maraîchers, ni encore moins le seul industriel implanté au pied de cette colline : l'unité de mise en bouteilles des eaux minérales commercialisées sous la marque Toudja. Mais la plus dramatique est cette situation qui affecte le village agricole Larbâa. Construit durant les années 70, ce pâté de maisons fait face à une crise sans précédent du manque d'eau.
La crise éclate
La souffrance ayant dépassé un seuil intolérable, les habitants sont passés à l'action. Le siège de l'APC de Toudja a été fermé, il y a deux semaines, par des citoyens excédés qui réclament l'installation d'un nouveau réseau permettant d'alimenter leurs foyers en eau courante. L'unité de mise en bouteilles des eaux minérales attise depuis quelques temps, la colère des habitants des localités limitrophes en proie au manque d'eau. Cette usine a même été contrainte de fermer ses portes durant cinq jours avant de reprendre ses activités. La direction de cette usine, qui emploie 130 salariés, a suspendu toute activité sous la pression des habitants des localités limitrophes. Les habitants reprochent à cette unité «de consommer une grande quantité d'eau, au moment où les ménages endurent les affres du manque du liquide précieux». «Vu la crise d'eau qui affecte nos foyers, les ménages doivent être prioritaires», peste Mohamed Saïdi, membre de l'association Izerfane de Larbâa. Pour tenter de résoudre ce problème, la wilaya a ordonné aux services de l'hydraulique de mener une étude de faisabilité pour installer un nouveau réseau pour alimenter en eau courante le village Larbâa à partir de la source locale. Quelques jours plus tard, les services de l'hydraulique sont à pied d'œuvre. Une commission d'hydrauliciens diligentée par la wilaya s'est rendue dans le village. Une solution d'urgence consiste à alimenter le village Larbâa à partir d'un château d'eau. «La commission a fait un constat de visu mais elle n'a établi aucun rapport», remarque M. Saïdi. «Depuis l'éclatement de la crise, nos foyers sont raccordés au château de Bouizane qui peine déjà à alimenter beaucoup d'autres villages. Nous n'accepteront jamais de laisser l'ancienne conduite pour l'usine de mise en bouteilles et que l'Etat nous alimente en eau grâce à une nouvelle conduite d'adduction à partir du château d'eau car ce réservoir est insuffisant», prévient M. Saïdi. Et d'ajouter : «Nous avons déjà une conduite en place. Qu'ils laissent cette conduite à notre village et ils n'ont qu'à installer une nouvelle canalisation pour l'usine. Aussi, la vanne de l'actuelle conduite doit être déplacée de l'intérieur de l'usine à l'extérieur.» De son côté, la direction de cette unité de mise en bouteilles d'eau minérale que nous avons contactée dit «attendre les recommandations de cette commission et réclame une solution définitive qui consiste à alimenter suffisamment notre usine ainsi que tous les ménages». Cette direction de l'unité affirme, par ailleurs, «avoir porté plainte contre des personnes qui ont saboté la conduite qui alimente l'usine».
Colère et indignation
A vrai dire, ce litige entre particuliers et l'embouteilleur n'est que la face visible de l'iceberg. Les plus grandes critiques se font entendre et ciblent la gestion de ce problème par les autorités. «Pourquoi ne pas étendre le réseau de distribution à tous les villages?», s'interroge un des villageois. La gestion de ce dossier par le maire, (d'obédience PT, Parti des travailleurs) provoque colère et indignation des villageois. «Depuis sa prise de fonctions, ce maire n'a jamais défendu la population. Il nous a abandonnés à notre triste sort en fuyant ses responsabilités», tonne un des villageois. La gestion de l'exécutif communal est jugée «catastrophique». El Watan a sollicité un entretien avec le maire pour qu'il s'exprime sur cette crise d'eau. Mais ce dernier a refusé de nous recevoir. De son côté, le directeur de l'hydraulique a annoncé récemment, qu'un barrage situé sur l'Oued Flidoun au lieu-dit Laâzib Timizar (Beni Ksila) a été retenu par le gouvernement, dans le cadre du programme quinquennal 2010/2014. Cet ouvrage, qui avait été proposé, en 2009, par une commission mixte (élus-wilaya), permettra un apport de 10,2Hm3 d'eau. D'un coût estimé à 5 milliards de dinars, la future ressource conventionnelle est censée régler les problèmes d'eau potable de la zone côtière Ouest de Béjaïa: Toudja, Beni Ksila, Taourirt Ighil, Tifra et Addekar et l'irrigation d'un périmètre de 600 ha à Béni Ksila. Mais pourquoi aller loin pour chercher l'eau alors que Toudja regorge de sources intarissables ?


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