Etre à Rabat et ne pas se rendre à Souika de la vieille Madina, c'est comme si l'on visitait Alger sans se rendre à La Casbah, surtout pendant le mois sacré de Ramadhan. Dès son arrivée, le visiteur est indubitablement orienté par les Rbatis vers cette rue marchande pour une balade qui le «trempe» dès son abord dans l'ambiance populaire de Ramadhan, avec son charme particulier propre à chaque pays musulman. Contrairement aux quartiers de la Nouvelle Ville avec ses grands boulevards, ses hauts immeubles, ses grands espaces et ses quartiers cossus (Haï el Riad, Agdal ou Hassane) où domine le calme, Souika (petit souk) ressemble à une fourmilière dense et serrée où il est difficile de circuler sans être bousculé ou bien carrément «heurté» par une moto, une charrette ou un vélo. Dès l'après-midi, la ruelle est prise d'assaut par une foule compacte qui pour faire des emplettes et des achats nécessaires aux plats traditionnels dont l'inévitable h'rira, qui pour tuer le temps en attendant la rupture du jeûne. A l'entrée de Souika, on trouve, à côté du marché central, des «vendeurs à la sauvette» exposant leurs marchandises à même le sol, avec un œil surveillant l'arrivée des agents de l'ordre, des fruits proposés sur des charrettes, des vendeurs à la criée vantant des produits «bas de gamme», des préparateurs de jus d'orange en abondance et servi dans des verres et des bouteilles en plastique, juste rincés dans des seaux d'une eau douteuse. On y trouve, également, des «chefs-cuisiniers» préparant des fritures de sardine très prisées avant la rupture du jeûne, la chbakkia (zlabia), des vendeurs de mkhammer (petite galette de matloua), et de saloua (tamina avec miel, amande...). A Souika, tout est facile à trouver pour garnir sa table de f'tour : gâteaux mielleux, des dattes noircies et durcies (très loin de ressembler à la fameuse Deglet Nour), du baghrir (crêpes) vendu par des femmes qui proposent avec insistance à la limite du harcèlement leur «produit». A l'appel de la prière du Maghreb, le jeûne est rompu soit dans des cafés populaires transformés pour la circonstance en préparateurs de la célèbre h'rira et dont les tables sont occupées une demi-heure avant, soit devant les spécialistes en plein air de friture de sardines, de confiserie ou de lait.