Alors que depuis 2001, quelques cas seulement d'émigration clandestine à partir de la côte témouchentoise vers l'Espagne ont été enregistrés, cet été, ce même littoral est fortement devenu le point de départ illégal vers le rivage ibérique. La rumeur, de plus en plus insistante, évoque l'existence d'un véritable exode. Au rythme des départs, à El Amria, il ne va plus rester que des femmes et des enfants ! », soutenaient hier des habitants de ce chef-lieu de daïra. De ces trois communes, El Amria, Bouzedjar et M'saïd, comme de ces quatre douars, est parti le plus grand nombre de candidats témouchentois à l'eldorado ibérique. « Comment voulez-vous que l'on puisse résister à la tentation lorsqu'on vous fait miroiter la possibilité de gagner par jour l'équivalent de 6000 DA ! », explique un autre interlocuteur. Mais pourquoi le plus grand exode se fait-il à partir de la daïra d'El Amria ? « Au départ, les gens allaient en Espagne pour les vendanges. Y gagnant mieux leur vie et l'agriculture espagnole manquant de bras, beaucoup s'y sont fixés. Ainsi, une communauté originaire de la région s'est constituée là-bas. C'est elle qui, avec la complicité des employeurs au noir, assure l'accueil des arrivants. Depuis l'établissement du visa Schengen et les difficultés à l'obtenir, beaucoup ont émigré clandestinement via le Maroc. L'Espagne ayant régularisé la situation des premiers arrivés tout en fermant le camp de transit de Melilla, la seule solution qui s'est imposée pour les candidats à l'émigration est de partir directement de nos côtes. Après tout, cela ne fait que sept à huit heures de voyage en mer. » Hier, également, nous avons appris que de M'saïd, une dizaine de candidats à l'émigration attendent depuis trois jours de prendre la mer à partir de Bouzedjar. Ils disposeraient de deux barques de 4,20 m équipées de moteurs Yamaha. Seul un persistant gherbi (vent d'Ouest) les bloque. A Bouzedjar, au port, selon un décompte tenu par les marins pêcheurs, 80 des leurs auraient pris le large. De source sécuritaire, on ramène le phénomène à de moindres proportions. Cependant, son étendue n'est pas clairement quantifiée dans la mesure où l'on ne dispose que d'une statistique établie sur la base des plaintes pour vol d'embarcations. Ainsi, ceux qui ont acheté une barque et un moteur pour partir discrètement ne sont pas comptabilisés. Cependant, bien qu'on juge la situation préoccupante, d'une part, elle est pour l'heure circonscrite à des nationaux résidant dans les communes côtières de la wilaya et, d'autre part, il n'existe pas un réseau de passeurs. La traversée s'effectue toujours en compagnie d'un ou de plusieurs marins pêcheurs eux-mêmes candidats à l'exil. Néanmoins, selon des informations dignes de foi, quelques Oranais ont pris le départ du littoral témouchentois alors qu'une vingtaine de Relizanais et de Mascaréens s'apprêteraient à émigrer à partir de la plage des Mouches. La particularité de cette émigration, du moins de Témouchent, est qu'elle n'est pas le fait des seuls chômeurs. Ce sont même pour la plupart des gens qui possèdent une situation mais qui aspirent soit à sortir de la paupérisation qui gagne de larges couches de la population occupée, soit à vivre une vie plus épanouissante sous d'autres cieux. Les belles voitures dans lesquelles se pavanent en Algérie durant la saison estivale ceux de la communauté installée en Espagne en font tourner la tête à plus d'un. La fortune réalisée par d'autres en seulement trois ou quatre années en a donné des insomnies à beaucoup. Ainsi, cet instituteur de Bouzedjar, profitant d'une mise en disponibilité, a-t-il fait nombre d'envieux avec ses deux voitures, « lui auquel toute une carrière de fonctionnaire n'aurait à peine permis que d'avoir une mobylette », assurent ses concitoyens.