Après un suspense qui n'en est finalement pas un, le projet de Constitution irakienne, soumis au référendum le 15 octobre dernier, a été adopté, a annoncé hier la Commission électorale indépendante. Le vote décisif de la province sunnite de Ninive a sauvé le projet de constitution après la chaude alerte du rejet du projet par les deux autres provinces sunnites. Les Américains retenaient hier leur souffle après les informations qui ont filtré sur les résultats préliminaires du référendum sur la constitution dans deux provinces sunnites où la tendance du scrutin était au rejet du projet de constitution. Les regards étaient en effet braqués sur la troisième province irakienne, la province de Ninive où s'effectuait l'opération de décompte de voix plus d'une semaine après la tenue du référendum le 15 octobre dernier. En vertu de la loi électorale irakienne, le projet de constitution ne pourrait être validé que si les trois provinces sunnites votent à la majorité des deux tiers pour ce projet. La défection d'une seule province entraînerait fatalement le rejet du texte. Cette alchimie électorale - introduite par les concepteurs de la loi électorale irakienne dans le souci de trouver un compromis politique entre les différentes communautés mais surtout pour inciter les sunnites à s'impliquer dans le processus référendaire - risque de faire choux blanc et de contrarier les plans préétablis par les Américains et leurs alliés irakiens. Le président George W. Bush, comme pour éviter d'être accusé d'avoir volé au secours du gouvernement irakien pour faire passer de manière contestable le projet de constitution, a affirmé lundi dernier, dans un entretien à la chaîne satellitaire Al Arabiya, que son pays n'interfererait pas dans le processus électoral et ne désignera pas un gagnant. Cette déclaration du président américain montre bien l'inquiétude de Washington face à ce scénario que les Américains ne semblent pas avoir prévu. Les appréhensions de la communauté sunnite par rapport à ce projet sont justifiées par l'introduction du fédéralisme dans le projet de constitution. Une disposition qui ne pouvait pas être au goût de cette communauté, dont le faible poids démographique dans le pays en fait d'elle la grande sacrifiée des réformes constitutionnelles projetées. C'est donc un grand ouf de soulagement qui a été poussé à Washington après l'annonce par la commission électorale irakienne du vote positif de la province sunnite de Ninive qui aura tenu en haleine l'opinion irakienne et les officiels américains durant plusieurs jours. Mais l'issue du vote dans cette province constitue-t-elle véritablement une surprise, surtout après le vote protestataire des deux autres provinces sunnites d'Al Anbar et de Salaheddine qui ont rejeté le projet de constitution ? Les Américains pouvaient-ils accepter sans réagir de recevoir le coup de grâce à leur projet politique en laissant cette protestation gagner la province sunnite sœur de Ninive ? Alors que les observateurs avaient parié sur un vote solidaire des sunnites de Nivine avec les deux autres provinces sunnites qui avaient donné le ton du « non » au projet de constitution, contre toute attente la commission électorale irakienne a annoncé hier triomphalement le vote du projet dans cette troisième province à laquelle était suspendue la validation du référendum du 15 octobre dernier. Les Américains ont-ils mis leur grain de sel dans la cuisine électorale irakienne qui commençait à sentir le « cramé » avec le faux bond du vote enregistré dans les deux premières provinces sunnites ? Les conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations de vote et de dépouillement ans cette dernière province qui présentait un enjeu capital pour l'issue du référendum laissent planer de sérieuses présomptions de fraudes. Le référendum a-t-il été sauvé par le raid électoral américain sur Ninive ? Au plan sécuritaire, la violence est montée hier d'un cran avec la série d'attentats qui a secoué la capitale et d'autres régions du pays. Hier, un triple attentat suicide a visé des hôtels Palestine et Sheraton, habités par des journalistes et des employés au centre de Baghdad, faisant 17 morts. Ces attaques ont été les plus meurtrières dans la capitale irakienne depuis le référendum du 15 octobre. Par ailleurs, pour la première fois depuis plusieurs mois, un attentat suicide à la voiture piégée a eu lieu dans le Kurdistan d'Irak, visant le convoi d'un responsable de l'Union patriotique du Kurdistan (le mouvement du président irakien Jalal Talbani). Deux gardes du corps ont été tués et six personnes ont été blessées. Depuis mercredi dernier, on dénombre plus de 100 personnes tuées dans les violences.