La commission électorale irakienne semble prendre tout son temps, tout en affichant une prudence qui ne sera somme toute pas excessive. D'ailleurs, la secrétaire d'Etat américaine a étonné tout son monde en donnant dimanche bien davantage qu'une estimation. Après avoir dit que le « oui l'avait probablement remporté », Mme Condoleezza Rice a dû, par la suite, revoir cette position. Et hier, la commission électorale irakienne démentait des informations de presse selon lesquelles la province sunnite de Ninive (Nord) aurait voté en faveur du projet de Constitution, ce qui implique son adoption. Le responsable local de la commission, Dhaher Habib Joubouri, a indiqué que ces informations, publiées dans la presse, étaient « dénuées de tout fondement ». « A l'issue du dépouillement, les résultats des différents bureaux de vote ont été rassemblés puis transférés au siège central de la commission électorale à Baghdad », qui n'a pas encore publié de résultats définitifs, a indiqué ce responsable. Deux provinces à majorité sunnite, Diyala et Salaheddine, se sont prononcées l'une en faveur du projet de Constitution et l'autre contre, selon des résultats non officiels publiés dimanche, mais contestés par la commission électorale. Les sunnites, majoritairement opposés au texte, doivent réunir deux tiers de « non » dans au moins trois provinces pour faire échouer son adoption. Alors que le « non » semble devoir l'emporter dans la province à majorité sunnite d'Al Anbar, Ninive constitue un enjeu crucial pour les partisans et les opposants à la Constitution. Un démenti qu semble avoir aussi la valeur de mise au point aux propos de Mme Rice avant de nuancer ses propos. « Nous n'avons pas d'informations sur l'issue du référendum, mais en tant que processus politique, pour le peuple irakien, c'est une nouvelle avancée vraiment importante », a déclaré le chef de la diplomatie américaine à quelques journalistes. « On pense que le oui l'a probablement emporté. Mais nous verrons bien », a ajouté Mme Rice, citant des « estimations des gens sur le terrain ». Mme Rice, qui a indiqué avoir téléphoné plus tôt dans la matinée à l'ambassadeur des Etats-Unis à Baghdad, Zalmay Khalilzad, a cependant voulu se montrer prudente, soulignant qu'elle ne disposait pas de chiffres sur les résultats du référendum. Elle a en revanche noté que les chiffres de participation, qu'elle a située entre 63 et 64%, montraient une plus grande participation par rapport aux élections de janvier, notamment grâce à une plus grande implication de la minorité sunnite. « En fait, un million d'électeurs de plus qu'en janvier ont participé » à ce scrutin, a-t-elle souligné, notant que « l'augmentation la plus spectaculaire est dans les zones sunnites : de 29% à plus de 60% ». Selon un haut responsable de la commission, Abdel Hussein Hindaoui, le taux de participation se situe à plus de 61% au niveau national. La participation dans huit provinces à majorité chiite du centre et du sud de l'Irak a été peu élevée, a affirmé dimanche, quant à elle, Carina Perelli, présidente du département d'assistance électorale de l'Onu. Selon elle, 63% d'électeurs ont voté dans la province de Bassorah, 58% à Kerbala, 56% à Najaf, 58% à Mouthanna, 56% à Qadissiyah, 54% à Wasset, 57% à Missane et 54% à Dhi Qar. La responsable a précisé que ces taux de participation n'étaient pas encore définitifs. « Nous n'avons pas de chiffre pour la participation nationale. Tous les chiffres donnés par les médias ne sont que des projections », a-t-elle affirmé. Interrogée sur les déclarations de la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, qui a affirmé à Londres que le « oui » l'avait « probablement » emporté, Mme Perelli a souligné : « Jusqu'à présent, à moins que Mme Rice ait de meilleures informations que la commission électorale, il n'y a aucun moyen de connaître le taux de participation ni le résultat » du vote. « Je ne sais pas d'où elle tient ses informations », a-t-elle ajouté. « Il n'y a pas eu de dysfonctionnements majeurs » au cours du référendum, a ajouté la responsable de l'Onu, précisant que le vote avait respecté « les critères internationaux » et s'était déroulé « dans le calme ». Restent maintenant les projections les plus plausibles, celles qui interviennent après l'accord arraché mercredi dernier aux dirigeants de la communauté sunnite, ou encore arrachés par ces derniers pour éviter la marginalisation de leur communauté. Le « oui » devrait effectivement l'emporter. Mais après, dira-t-on, si l'on prend en considération le fait que l'après-référendum est aussi important puisqu'une nouvelle phase transitoire devrait s'ouvrir et permettre de nouveaux aménagements dans la loi fondamentale irakienne. Mais à l'inverse, pourra-t-on dire, l'excessive prudence de la commission électorale amènerait à penser que le texte serait rejeté. Même les propos du président Bush autorisent cette lecture pour s'être contenté de commenter la participation. A vrai dire, aucune partie n'avait appelé au boycott, bien au contraire, les partisans du rejet pressaient les électeurs issus de leurs groupes à aller voter.