Le 11e congrès national de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), qui s'ouvre aujourd'hui à l'hôtel Aurassi à Alger, après un retard de deux années et demie, intervient dans un contexte marqué notamment par l'affaiblissement de cette organisation dont la création remonte à 1956. Souvent perçue comme un « appendice » du pouvoir dont l'unique rôle est de jouer « au pompier », l'UGTA, en tant qu'unique représentant des travailleurs, se voit de plus en plus contestée et fortement remise en cause par sa base. En effet, la centrale syndicale n'a jamais connu une période aussi difficile. Elle a été littéralement « effacée » par l'émergence et le dynamisme des syndicats autonomes qui ont démontré leur ancrage dans le monde du travail. Durant trois jours (29, 30 et 31), les congressistes auront donc la lourde tâche – au-delà de l'enjeu de la réélection de Sidi Saïd – de redorer le blason terni de l'UGTA. Le retard accusé dans le renouvellement du mandat de ses structures et aussi du congrès national a porté énormément préjudice à l'image de marque du seul syndicat à bénéficier des égards du « pouvoir ». Conformément au statut, il est prévu la tenue d'un congrès national chaque cinq ans. Entre les deux congrès, c'est la commission exécutive nationale (CEN), soit l'équivalent d'un conseil national, qui est l'instance suprême. Le secrétariat national composé de treize secrétaires nationaux est comptable devant la CEN. C'est à cette dernière que revient le droit de fixer la date du congrès national. Elle doit également mettre sur pied une commission nationale de préparation du congrès. Or, dans le cas échéant, il n'y a jamais eu d'installation de commission de préparation du congrès. Mieux encore, les membres de la CEN devaient se réunir six mois avant la tenue du congrès national. Toutefois, la dernière réunion de la CEN remonte au mois de juillet 2007 à Boumerdès en présence du chef du gouvernement, ce qui est antiréglementaire. A titre indicatif, le 10e congrès de la centrale s'est tenu en octobre 2000 et M. Sidi Saïd a été intronisé à la tête de cette organisation pour une durée de cinq ans. En 2005, le mandat de l'UGTA a expiré et la nécessité de renouveler le mandat s'était alors imposée. Mais cela n'a pas été fait. Accablé par des interpellations et des interrogations, le chef de file de l'UGTA avait alors promis que les assises du 11e congrès allaient se tenir en 2006. UN CONTEXTE DES PLUS CRITIQUES La promesse n'a pas été tenue et aucun argument n'a été avancé quant à cette annulation. Quelques mois après, M. Sidi Saïd fixe la date du congrès national prévu pour février 2007. Le même scénario s'est reproduit et cette fois-ci, le patron de la centrale a donné des explications en se cachant derrière l'argumentaire du calendrier chargé et qui a été bousculé par les échéances des tripartites et des bipartites. Il est utile de savoir, soulignent les observateurs, que sur le plan organique, la situation n'est nullement reluisante au sein de l'UGTA. Les travaux de ce 11e congrès se dérouleront dans un contexte organique des plus critiques. Il y a lieu de signaler certaines incohérences : de prime abord, la désignation des délégués n'a pas été conforme à la réglementation, laquelle stipule que le nombre de délégués par wilaya doit être conforme au prorata du nombre de syndiqués. Ce qui apparemment n'a pas été le cas. L'autre entorse concerne l'union de wilaya d'Alger qui n'a pas tenu son congrès depuis sept années (renouvellement de ses instances). Son secrétaire général est l'actuel secrétaire national chargé de l'organique, Salah Djenouhat. Celui-ci bénéficiera tout de même de 150 délégués, alors qu'au niveau de la capitale, la représentation syndicale est dominée par les syndicats autonomes. Sans oublier qu'à Alger les grands secteurs économiques (bâtiment, entreprises) n'existent plus. L'autre point négatif est relatif à l'organisation des précongrès. Plusieurs instances tant verticales qu'horizontales n'ont pas tenu leurs congrès. L'exemple qui illustre cet état de fait reste incontestablement l'union de wilaya d'Alger. C'est le cas également pour la wilaya de Constantine. Les fédérations des postes et des télécommunications, de l'agroalimentaire, du plan, du Trésor et impôt, des ports et docks, de la santé, du textile et cuir, des femmes travailleuses... n'ont pas également tenu leurs congrès. Notons que les fédérations les plus importantes au sein de l'UGTA sont notamment celles représentant les travailleurs de la poste et des télécommunications, de la mécanique, de la santé, de l'agroalimentaire, des pétroliers, des ports et du bâtiment (Opgi, Eplf, hydraulique). Il est aussi aberrant de constater que le 11e congrès se tient en l'absence de débats et de confrontation d'idées. D'aucuns estiment qu'entre le sommet et la base, le divorce est consommé, d'où d'ailleurs la saignée qui a servi à grossir les rangs des syndicats autonomes considérés comme les plus représentatifs. Pour la première fois de son histoire, l'UGTA n'a pas organisé les précongrès régionaux. Au total, il devait en tenir quatre (Centre, Est, Ouest et Sud). Lors de ces rencontres, les syndicalistes devaient débattre des avant-projets (statuts, résolutions, perspectives...). Ce même débat devait se tenir au niveau de la base. Mais rien n'a été fait dans ce sens. Pire, les syndicats ayant revendiqué avec insistance la réforme de l'UGTA ont été exclus des rangs de cette organisation et par conséquent n'auront pas le droit de participer au congrès national. Aujourd'hui, tous les observateurs s'accordent à dire que ce 11e congrès est fermé autant qu'au sein de l'UGTA. La centrale syndicale donne ainsi beaucoup plus l'image d'un syndicat miné par le carriérisme de ses dirigeants. Face à cette situation, M. Sidi Saïd pourrait se voir reconduit à la tête de l'UGTA. Il reste à savoir si les membres du secrétariat national sortant seront reconduits ou écartés de la prochaine équipe. Incontestablement, le poids du responsable de l'organique pèsera lourdement sur les choix des wilayas. Mais il reste que sur le plan politique, la dualité entre le RND et le FLN quant à la récupération de la centrale et dans la perspective des prochaines échéances électorales constituera un enjeu majeur lors de ce congrès. Actuellement, les trois quarts de la composante de la CEN sont des militants du RND. Par ailleurs, les observateurs les plus avertis estiment que le danger qui guette l'UGTA est celui de voir les syndicats autonomes investir le secteur économique comme ils l'ont fait pour le secteur de la Fonction publique. Si cela venait à se vérifier sur le terrain, cela sonnerait probablement la fin de l'UGTA. Une situation qui fait qu'aujourd'hui l'UGTA se trouve entre le marteau et l'enclume.