Plusieurs hauts responsables de la Banque nationale d'Algérie (BNA), dont l'ancien président-directeur général, ont été inculpés dans le cadre d'un scandale unique dans les annales de cette institution bancaire. En l'espace de trois années, de 2002 à 2005, des centaines d'opérations de mouvements de fonds vers des comptes non alimentés ont causé un préjudice financier évalué, par une enquête interne à la banque, à une somme approximative de 15 milliards de dinars. En termes banquiers, il s'agit tout simplement d'opérations de cavalerie constatées notamment dans les agences de Bouzaréah, Koléa et de Cherchell et qui n'ont pu avoir lieu que grâce à la complicité de certains agents et cadres de la BNA, notamment au niveau central, où toutes les opérations des agences sont censées être contrôlées. Les différentes enquêtes menées depuis l'éclatement de ce scandale, il y a près d'un mois, ont établi, dans une première phase, le détournement de 2 milliards de dinars dont les bénéficiaires n'ont toujours pas été identifiés. Les virements se faisaient de comptes à comptes et certains ont été transférés vers l'étranger. Selon des sources bancaires, ces opérations ont été menées par de véritables professionnels qui ont donné du fil à retordre aux enquêteurs pour découvrir le pot aux roses. Une grande partie du montant subtilisé a été transférée vers des comptes à l'étranger, ce qui compliquera davantage leur restitution à la banque. Au moins six hauts cadres de la BNA ont été ainsi inculpés et mis sous contrôle judiciaire dans le cadre de cette affaire, parmi lesquels l'ancien PDG, le directeur régional de la BNA et les directeurs des agences sus-citées. L'instruction, qui se poursuit toujours, risque de révéler d'autres noms de hauts responsables de cette institution bancaire, d'autant que la première opération de contrôle des comptes n'a rien trouvé d'anormal et a donc conclu au classement de cette affaire sortie de la loi de l'omerta grâce à un courrier anonyme adressé aux plus hautes autorités du pays. Ainsi, le secteur bancaire public ne cesse d'être éclaboussé par des scandales à répétition. Après celui des fausses domiciliations au niveau de la BDL, qui a causé un préjudice de 12 000 milliards de centimes, suivi de celui des prêts non remboursés accordés par la BEA notamment à Constantine (estimés à plus de 2 000 milliards de centimes), le parquet d'Alger a ouvert, il y a quelques semaines, un autre grand dossier, lié à un prêt « excessif » accordé par la Banque algérienne de développement rural (BADR) à la société Tonic Emballage, vers le début de l'année 2000. Selon des sources judiciaires, quatre personnes ont été mises sous contrôle judiciaire par le magistrat instructeur, parmi lesquelles le patron de Tonic Emballage et trois cadres de la Badr. Dans ce dossier, il est reproché à l'ancien PDG de la banque d'avoir accordé d'importants prêts sans garanties suffisantes qui les couvrent. Celles présentées par Tonic Emballage se sont avérées en deçà de leur valeur réelle sur le marché. Cette société privée avait bénéficié d'un premier prêt de 11 milliards de dinars, fractionné en deux parties, une d'un montant de 7 milliards de dinars et l'autre de 4 milliards de dinars. Des sommes qui à l'époque (1999-2000) dépassaient largement les 25% du fonds propre de la banque, ce qui est contraire aux règles prudentielles du marché monétaire. En dépit de l'augmentation du capital de cette banque, celle-ci s'est retrouvée dans l'obligation de partager le risque endettement avec la Cnep. Une mesure refusée à deux reprises par la Cnep, avant d'être finalement avalisée. Tonic Emballage s'est déclaré prêt - et en possession des moyens - à rembourser les montants avancés, mais à condition que la banque lui accorde une autre échéance. Ces affaires montrent à quel point les institutions financières publiques sont aussi mal gérées, causant un préjudice financier énorme au Trésor public. En dix ans, ce dernier a injecté une somme de 10 milliards de dollars dans l'assainissement des caisses des banques publiques, leur évitant ainsi une banqueroute certaine. Quelques semaines avant son départ, l'ancien ministre Abdelatif Benachenhou avait saisi l'Inspection générale des finances (IGF) pour l'ouverture d'une enquête sur les conditions d'attribution des crédits à certaines sociétés privées, notamment ceux accordés à partir de l'an 2000 par la Badr, la Cnep, le CPA et la BEA à de grosses pointures de l'emballage, de l'agroalimentaire et de l'électronique. Les premiers résultats de l'enquête préliminaire ont fait état de plusieurs anomalies. Beaucoup ont pensé que ce dossier allait être fermé avec le départ du ministre Abdelatif Benachenhou. Mais une fois installé, son remplaçant, et certainement sur instruction du Président, a demandé la poursuite des investigations, en dépit de certaines volontés internes au ministère qui voulaient mettre le dossier dans les tiroirs. Une situation qui appelle une sérieuse prise en charge de ce secteur vital, qui reste pour l'instant l'un des plus grands verrous qui bloquent les investissements étrangers en Algérie. Sa privatisation, ou son ouverture au capital privé, rendra un grand service à l'économie nationale.